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La Méditation Prolonge La Jeunesse

©Getty Images

La pratique régulière de la méditation est une parade de choix contre le vieillissement. De nombreuses études scientifiques l’ont démontré ces quarante dernières années. La dernière en date a été réalisée en France, à l’INSERM de Caen et Lyon. Rétrospective sur un sujet qui nous concerne tous.

L’info diffusée fin novembre n’est pas passée inaperçue : les équipes INSERM de Caen et de Lyon ont publié dans le magazine Scientific Reports les résultats d’une étude montrant que, pratiquée régulièrement, la méditation pourrait freiner les effets du vieillissement cérébral et prévenir du même coup la maladie d’Alzheimer. Précisons que les auteurs de cette étude se sont vus attribuer un financement de 6,13 M € par la Commission européenne pour mener à bien un projet de plus grande envergure sur le bien vieillir[1]. Il permettra de mieux comprendre les facteurs de vie qui déterminent le bien vieillir, et de tester les bienfaits d’entraînements mentaux à la méditation ou à l’apprentissage de l’anglais sur le bien-être et la santé mentale des seniors. Les premiers résultats sont attendus en 2019.

Conduite par Gaël Chételat, la présente étude fait appel aux techniques d’imagerie cérébrale de la plateforme Cyceron de Caen. Elle a porté sur 73 personnes âgées (65 ans en moyenne) dont six étaient expertes dans les techniques de méditation issues de courants traditionnels bouddhistes. Un groupe témoin de 186 personnes âgées de 20 à 87 ans a également été étudié afin d’évaluer les conséquences du vieillissement cérébral.

Gaël Chételat, INSERM

Que nous apprend cette étude? Elle montre que certaines zones cérébrales sont plus développées chez les personnes pratiquant la méditation de façon intensive, alors que chez les non-méditant du même âge, ces mêmes zones sont en déclin. Les zones sensibles aux effets de l’âge concernent le contrôle et la régulation des émotions, ainsi que les processus d’attention et d’exécution. C’est le cas du cortex cingulaire postérieur qui joue un rôle dans la mémoire et qui est particulièrement touché par la maladie d’Alzheimer. 

Le mécanisme de déclin qui touche ces zones cérébrales progresse au fil des années à mesure que s’accentue la diminution du volume cérébral et du métabolisme du sucre. Les responsables de l’étude reconnaissent que ces résultats provisoires doivent encore être confirmés avec un panel plus large. Il apparaît d’ores et déjà que la pratique régulière de la méditation ferait reculer le vieillissement cérébral et que, plus généralement, la méditation pourrait devenir une arme efficace contre le vieillissement.

Un rapide calcul montre en effet que les six méditants chevronnés dont le cerveau semblait préservé du vieillissement totalisaient entre 21 et 42 années de méditation à raison de deux heures de pratique par jour. Ce niveau de pratique est-il nécessaire pour prévenir le vieillissement du cerveau ? « Nous ne savons pas si ce niveau de pratique est nécessaire pour constater un effet, nous faisons actuellement une étude pour voir cela justement. Dans la présente étude, nous montrons l’impact non seulement sur le volume mais aussi sur le fonctionnement (consommation cérébrale de glucose) du cerveau. Il est possible que d’autres facteurs soient impliqués. » explique Gaël Chételat. Elle précise en outre que les méditants sont des experts ayant pratiqué diverses techniques issues de la tradition bouddhique qui incluent la plupart, voire toutes, de la méditation de pleine conscience ». Notons que cette étude exemplaire est la première réalisée en France dans ce domaine si particulier de la méditation.

Les facteurs biologiques du vieillissement

Quittons à présent l’actualité pour examiner quelques-unes des nombreuses études mettant en rapport méditation et vieillissement. Une première conduite en 1982 par le Dr. Robert Keith Wallace et dont les résultats ont été publiés dans l’International Journal of Neuroscience[2] démontre que la pratique régulière de la méditation transcendantale (2 fois 20 mn par jour) inversait l’ensemble des processus biologiques en rapport avec le vieillissement, c’est-à-dire une quarantaine de facteurs. Les plus notables sont une augmentation de la tension artérielle, du stress, du temps de réaction, des maladies ainsi qu’une détérioration de la mémoire, de l’ouïe, de la vue, des fonctions cognitives et respiratoires. L’étude a conclu que la différence entre l’âge biologique et l’âge chronologique était alors de cinq ans après sept années de pratique régulière de la méditation transcendantale, et de douze ans après quinze années de pratique régulière. Ainsi, la personne de 62 ans qui pratique la méditation transcendantale depuis plus de 15 ans aurait la physiologie et les capacités cognitives d’une personne de 50 ans.

Lors d’une seconde étude menée conjointement par des chercheurs de Harvard University, Maryland University et Maharishi International University[3], 73 résidents de huit foyers pour personnes âgées ont été répartis en plusieurs groupes. Un premier groupe a appris la méditation transcendantale, un second a appris la méditation de pleine conscience, un troisième a appris une technique de relaxation et un dernier n’a rien changé à ses habitudes de vie. L’étude de la mortalité après trois années a donné les résultats suivants : 100% des personnes du premier groupe étaient encore en vie, 87,5 % du second groupe étaient en vie, 75 % du groupe n’ayant reçu aucune consigne et 65 % du groupe pratiquant la relaxation étaient encore en vie.

Vieillissement et DHEA-S

Une autre étude réalisée au début des années 1990[4] a montré que les personnes qui pratiquaient la méditation transcendantale avaient un taux plus élevé de DHEA-S, l’hormone antivieillissement. Cette hormone naturelle est produite par les glandes surrénales à partir du cholestérol. La DHEA-S est un précurseur de la synthèse d’hormones telles que la testostérone, les œstrogènes et la progestérone. Le pic de sécrétion maximal de la DHEA-S intervient aux alentours de 21 ans, avec une chute de production de 90 % à l’âge de 75 ans. Lors de l’étude en question, les taux de DHEA-S ont été mesurés chez 270 hommes et 153 femmes pratiquant la méditation transcendantale. Ces taux ont été comparés selon le sexe et la classe d’âge (dans une fourchette de 5 ans) à ceux de 799 hommes et 453 femmes non-méditants. Les niveaux moyens de DHEA-S dans le groupe des méditants étaient plus élevés dans les 11 classes d’âge mesurées chez les femmes et dans six des sept classes d’âge chez les plus de 40 ans chez les hommes[5].  Une régression simple utilisant les données du groupe pratiquant la méditation transcendantale a révélé que cet effet était indépendant du régime alimentaire, de l’index de  masse corporelle et de la pratique d’un exercice physique. Les niveaux moyens des groupes pratiquant la méditation transcendantale mesurés chez toutes les femmes et chez les hommes plus âgés étaient généralement comparables à ceux des groupes de non méditants cinq à dix ans plus jeunes. Ces résultats suggèrent que la pratique de la méditation transcendantale freine la détérioration liée à l’âge de la sécrétion de DHEA-S par le cortex surrénalien.

Le facteur clé des radicaux libres

Au début des années 2000, plusieurs recherches ont établi une corrélation entre le taux de radicaux libres dans la physiologie et le vieillissement. Les radicaux libres sont des oxydants néfastes pour la santé. Ils entraînent des dommages en s’attaquant aux tissus et aux cellules de notre corps, accélérant ainsi leur vieillissement. Auparavant, les radicaux libres ne pouvaient être mesurés qu’en prenant des échantillons de sang ou de tissus. La mesure des radicaux libres se faisait alors en mesurant les niveaux de peroxydes lipidiques dans le sang. Depuis peu, les chercheurs ont découvert que les réactions des radicaux libres dans le corps émettaient une lumière très subtile qui pouvait être mesurée de manière non invasive à l’extérieur du corps en utilisant des photomultiplicateurs hautement sensibles dans une pièce sombre.

Cette technique a été utilisée dans le cadre d’une étude portant sur des sujets pratiquant différentes techniques de méditation. Ses résultats ont été rapportés en 2006 dans le Journal of Alternative & Complementary Medicine. Elle portait sur 60 hommes entre la quarantaine et la cinquantaine. L’étude a montré que les émissions photoniques ultra-faibles étaient significativement plus faibles dans les 12 zones anatomiques étudiées chez des sujets pratiquant la technique de méditation transcendantale ainsi que les techniques issues du Tao, du Zen et de la méditation chrétienne. Les sujets pratiquant la méditation transcendantale ont montré les émissions les plus faibles dans 11 des 12 zones anatomiques (p <0,0032). Dans l’ensemble, les émissions chez les sujets pratiquant la méditation transcendantale étaient inférieures de 27% à celle d’un groupe témoin, et de 17% par rapport aux autres techniques de méditation.

Vieillissement et télomères

Le lien entre télomères et vieillissement n’est devenu opérationnel qu’en 2009 suite à un étonnant parcours. En effet, les premiers travaux du biologiste russe Alekseï Olovnikov au début des années 70 ont permis de constater que lors de chaque division cellulaire, les télomères, sortes de capuchons situés aux extrémités des chromosomes, s’usent et se raccourcissent  au point de finir par déclencher une sénescence de la cellule. Les télomères engendrent alors une perte du code génétique. Le biologiste russe a anticipé l’existence de la télomérase, enzyme capable d’inverser le processus de vieillissement en synthétisant de nouvelles séquences télomériques. Il aura fallu attendre plus d’une décennie les travaux d’Elizabeth Blackburn et Carol Greider en1985 pour que la télomérase soit enfin identifiée[6]. Cette enzyme protège les capuchons chromosomiques de l’usure de la division cellulaire et donc du vieillissement. Les deux biologistes moléculaires ont reçu en 2009 le prix Nobel de médecine pour cette découverte. Depuis, tous les laboratoires de la planète mesurent la longueur des télomères afin de mesurer le degré de vieillissement ainsi que le risque de maladie d’un individu. Lorsque la télomérase diminue, les télomères raccourcissent, favorisant du même coup le vieillissement, la dégénérescence et la maladie.

Les télomères sont les capuchons en vert

Poursuivant ses premiers travaux hors des sentiers battus, Elizabeth Blackburn a entrepris de savoir s’il y avait d’autres facteurs favorisant le raccourcissement des télomères. Dans une étude conjointe avec Elissa Epel[7], directrice du département ‘Aging, Metabolism and Emotion Center’ de l’Université de San Francisco – étude qui a eu un certain retentissement soit dit au passage – les deux scientifiques ont cherché à valider l’idée selon laquelle « le stress accélère le vieillissement».

A cet effet, elles ont divisé un groupe de 58 femmes en deux sous-groupes, l’un constitué de femmes extrêmement stressées,  l’autre faisant office de groupe de contrôle. Les résultats ont été au-delà de leurs attentes ! Les femmes qui avaient de hauts niveaux de stress avaient des télomères plus courts par rapport aux femmes du groupe témoin. La différence de longueur entre les télomères des deux groupes était telle que l’on pouvait conclure sans le moindre doute que « le stress avait pris dix années de la vie de ces femmes » !

D’autres études sont venues depuis confirmer le postulat selon lequel le stress a un impact négatif sur la longueur des télomères qui accélère le processus de vieillissement. Poursuivant sa quête sans se soucier des préjugés et du conformisme qui déconseille aux Prix Nobel de traiter certains sujets, Elizabeth Blackburn a cherché à vérifier par elle-même l’impact sur l’activité télomérique de techniques antistress, et notamment des techniques de méditation. Les résultats sont impressionnants ! Dans une première étude pilote destinée à créer un cadre pour de futures investigations, trente volontaires ont été invités à participer à une retraite de méditation bouddhiste de trois mois au Centre Shambhala dans le nord du Colorado. A l’issue de cette retraite, les volontaires ont vu l’activité de la télomérase augmenter de 30%.

Elizabeth Blackburn a pu ainsi vérifier que les personnes qui méditaient avaient les télomères plus longs que ceux du groupe de contrôle. Par ailleurs, d’autres études montraient chez les méditants une amélioration de la capacité cognitive, de l’attention, de la santé globale, moins de pensées négatives, plus de buts positifs dans la vie…et surtout une vie plus longue. Dans une autre étude menée à l’Université de Los Angeles, un groupe de trente-neuf soignants âgés en moyenne de 60 ans ont pratiqué pendant douze minutes par jour une méditation chantée, appelée Kirtan Kriya, pendant huit semaines. Les résultats ont été comparés à ceux d’un groupe de contrôle qui écoutait de la musique relaxante. Le groupe qui pratiquait la méditation a montré une amélioration des symptômes dépressifs, de la santé mentale et des fonctions cognitives par rapport au groupe de contrôle. Le groupe qui méditait a également montré une augmentation de 43% de l’activité de la télomérase par rapport au groupe qui écoutait seulement de la musique relaxante!

Ces résultats montrent que le mode de vie influence considérablement les télomères et que la méditation est de loin la pratique la plus efficace en ce qui concerne l’amélioration de la santé physique et mentale. Elizabeth Blackburn affirme que si les hommes et les femmes pouvaient voir l’impact du stress sur leurs télomères, ils seraient plus motivés pour changer leur mode de vie et à adopter une pratique de méditation.

Méditation transcendantale contre Alzheimer

Alors que l’étude de l’INSERM s’apprête à étudier plus avant l’impact de la méditation de pleine conscience sur la maladie d’Alzheimer, le protocole de Bredesen vient d’intégrer la méditation transcendantale à sa liste de recommandations dans la lutte contre la cette maladie. De quoi s’agit-il ? Très connu aux Etats-Unis, Dale Bredesen, professeur de neurologie à l’Université de Californie (UCLA), émet une nouvelle hypothèse quant à la cause de cette maladie[8]. Elle  le conduit tout droit à un protocole composé de 36 recommandations dans les domaines de l’alimentation, l’exercice physique, les compléments alimentaires et la gestion du stress.

Au départ, il réunit huit volontaires souffrant d’une forme précoce de la maladie, un neuvième souffrant d’une forme plus avancée et un dixième souffrant d’une forme plus grave. En quelques mois, les huit premiers sujets montrent des progrès spectaculaires, jamais obtenus avec les médicaments traditionnels. L’un des sujets, qui avait dû arrêter de travailler, a pu reprendre son activité professionnelle. Le neuvième a vu l’évolution de sa maladie stoppée alors qu’aucun résultat significatif n’a été obtenu avec le dixième. En matière de gestion du stress, les dix sujets pratiquaient la méditation transcendantale… sans toutefois que cette technique ne soit explicitement associée au protocole de départ.

Devant de tels résultats, les professionnels de l’Alzheimer ont commencé par minimiser la réalité de ce travail, justifiant de la « petitesse de l’échantillon », mais surtout du « manque de recul après trois années d’expérimentation ». Depuis, Dale Bredesen a traité avec succès 200 patients atteints par la maladie sous une forme précoce[9]. Il décide alors d’intégrer la méditation transcendantale à son protocole et de lancer du même coup une expérimentation sur un millier de patients, le plus large échantillon envisagé à ce jour pour une étude sur la maladie d’Alzheimer. La recherche dont ils feront l’objet sera la première à fournir des données incontestables sur les effets de la méditation transcendantale sur la maladie d’Alzheimer. Une pré-étude sur un groupe de 10 patients de cette expérimentation en cours, dont les résultats ont été publiés le mois dernier dans la revue scientifique Aging, a confirmé le caractère encourageant du protocole du neurologue américain, le premier et le seul à inverser le processus de perte de mémoire.

La décision de Dale Bredesen d’intégrer la méditation transcendantale à son protocole s’appuie sur les nombreuses études montrant une amélioration de la neuro-plasticité et de la cohérence globale des ondes cérébrales (EEG) du cerveau, associées à une amélioration de la performance cognitive, de l’intelligence et de la mémoire, ainsi qu’une réduction significative du stress et de l’anxiété.

[1]
                                        Ce projet porte le nom de « Silver santé study ». Il est coordonné par l’Inserm (Gaël Chételat, U1237, Caen) et regroupe dix partenaires dans 6 pays européens dont la France, la Suisse, l’Angleterre, l’Allemagne, la Belgique et l’Espagne.

[2]
                                        “The effects of the Transcendental Meditation and TM-Sidhi program on the aging process”, Robert Keith Wallace, Michael Dillbeck, Eliha Jacobe, International Journal of Neuroscience (16 (1) 53-58,1982).

[3]
                                        « Transcendental Meditation, Mindfulness and longevity : an experimental study with the elderly », C.Alexander & H. Chandler (MIU), E. Langer, R. Newmann and J. Davies (Mindfulness). Journal of personality & Social Psychology, 1989, Vol.57, n°6, 950-964.

[4]
                                           “Elevated Serum Dehydroepiandrosterone Sulfate Levels in Practitioners of the Transcendental Meditation (TM) and TM-Sidhi Programs”, Jay L. Glaser, 1,4 Joel L. Brind, 2,3 Joseph H. Vogeiman, 2 Michael J. Eisner, 1 Michael C. Dillbeck, 1 R. Keith Wallace, 1 Deepak Chopra, 1 and Norman Orentreich 2, Journal of Behavioral Medicine, VoL, 15, No. 4, 1992.

[5]
                                             Il n’y avait pas de différences systématiques chez les hommes plus jeunes. 

[6]
                                             Blackburn EH. Structure and function of telomeres. Nature. 1991 Apr 18;350(6319):569–573.

[7]
                                             Epel E, Blackburn E, Lin J, et al. Accelerated telomere shortening in response to exposure to life stress. PNAS. 2004;101:17312–17315.

[8]
                                              “Reversal of cognitive decline: A novel therapeutic program”, Dale E. Bredesen. Aging (Albany NY). 2014 Sep; 6(9): 707–717. Published online 2014 Sep 27. doi:  10.18632/aging.10069.

[9]
                                               “Reversal of cognitive decline in Alzheimer’s disease”. Dale E. Bredesen, Edwin C. Amos,Jonathan Canick, Mary Ackerley, Cyrus Raji ,Milan Fiala, Jamila Ahdidan. Aging, Volume 8, Issue 6 pp 1250—1258

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