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« Maquetter » : Le Livre Qui Raconte Comment « Faire » Va De Pair Avec « Penser »

Credits : Simon Lauquin

Avec leur nouveau livre Maquetter, paru aux éditions Diateino, Nicolas Minvielle, Martin Lauquin et Olivier Wathelet entendent présenter un panorama des diverses typologies d’usages des maquettes et un ensemble de principes et d’outils à placer à tous les niveaux de l’entreprise, dans les mains de ceux qui pensent et de ceux qui font. Entretien avec deux des trois co-auteurs. 

Comment vous est venue l’idée de ce livre ? 

Nicolas Minvielle : On pratique le maquettage depuis toujours dans notre recherche d’innovation. Et on a remarqué des trucs assez incroyables :  tu peux avoir des types en ComEx comme de simples assistants, dès que tu leur demandes de faire des choses avec leurs mains, avec un carton ou des Lego, tout change. Tout le monde est engagé, tout le monde sourit. Mais ces observations n’étaient pas formalisées, c’était plus des convictions, des constatations instinctives. Et à un moment donné, on s’est dit : tiens le design ça sert des choses très larges, à débattre, à convaincre. Il faudrait creuser et formaliser tout ça.

Ça a été facile de trouver un éditeur pour un tel sujet ? 

Nicolas Minvielle : Oui. En effet, nous avons tous les deux déjà publié plusieurs ouvrages car nous travaillons depuis très longtemps sur ces sujets avec un nombre important d’acteurs clés du design et de l’innovation. Notre avant-dernier livre (Accélération, ndlr) a aussi rencontré un beau succès l’année dernière, donc la relation de confiance avec notre éditeur était déjà bien établie depuis plusieurs années.

Martin Lauquin : Il y a aussi tout un emballement médiatique autour du mouvement « maker », de l’impression 3D, aux Fab Lab, sauf qu’en fait ce n’est pas forcément quelque chose qui percute le management. Ça n’a pas amené les organisations à se questionner d’un point de vue managérial à l’aune de ces innovations. On savait que c’était un sujet qu’il fallait traiter par le prisme du manager, comment maquetter peut influencer la façon dont il pense sa stratégie, dont il met en mouvement son entreprise. C’est un sujet qui n’avait pas été traité jusqu’à maintenant. Ce livre c’est vraiment un plaidoyer pour le « doing » mais pas que dans les fab lab, aussi dans les ComEx, aux plus hauts niveaux des entreprises. On veut vraiment arrêter de distinguer les gens qui pensent et les gens qui font. 

Le Master spécialisé « Marketing, Design et Création » d’Audencia Business School que vous dirigez, Nicolas, a été d’une certaine façon un laboratoire ? 

N.M : Clairement, dans la mesure où on peut se permettre des choses que l’on ne pourrait pas faire en entreprise. On teste, on « joue » avec les étudiants. On va aussi très loin. On a un vrai fab lab, ce qui n’est pas toujours le cas dans la pratique du management. Les étudiants d’une certaine façon sont des « cobayes ». 

 

 

Faire, fabriquer, maquetter, est aussi une façon de ramener du sens dans un univers parfois désenchanté ? 

M.L : Complètement. Dès qu’on met les gens en situation de faire, évidemment on travaille sur une certaine culture du rebond, afin d’améliorer les processus de décision. Et surtout, ça permet de remettre de l’émotion. Tout de suite, on est dans un état d’esprit beaucoup plus positif, dans l’empathie, dans l’authenticité. On cite un autre bouquin dans notre livre, L’éloge du carburateur, où un mec qui a une super position dans un think tank à Washington plaque tout pour monter un garage. Sa thèse c’est que, finalement, le fait de manipuler, de bricoler des carburateurs permet d’atteindre un niveau d’épanouissement le plus élevé possible, parce que tu te reconnectes aux choses. Il y a un impact cognitif et émotionnel du maquettage qui est assez peu abordé en général.

N.M : Il y a aussi un sujet un peu plus « philosophique », c’est qu’on a la conviction que comme on est déconnecté des choses, on ne sait pas comment elles marchent. Nous, on fait très souvent un exercice, on demande aux étudiants : « Dessinez comment marche la chasse d’eau des toilettes ». Tout le monde l’utilise tous les jours, mais personne ne sait comment ça marche en fait. Et quand tu donnes deux tuyaux et une boite en carton à des étudiants, tu te rends compte que le niveau de compréhension explose. On croit qu’on fait des choses incroyables tous les jours. En vérité, celui qui faisait du feu il y a 400 000 ans, il était plus doué que la plupart des habitants de cette planète maintenant. En revenant à la base, on peut plus facilement comprendre des choses très complexes. 

 

Globalement, on trouve quoi dans votre livre ? 

ML : Ce qu’on détaille, c’est un framework d’outils d’aide à la décision pour qui veut maquetter. Par exemple, le design thinking, on n’a retenu que le fait de mettre des post-it au mur, alors que la pratique est quand même plus complexe : ce doit être des dispositifs longs, des pratiques immersives, il faut passer du temps en dehors du bureau, il faut passer du temps à faire, à maquetter, à itérer avec son usager. Et on n’en a retenu que la partie qui se fait confortablement avec des post-it. Ce qui est décevant par rapport à la promesse de départ qui était de repenser le processus de mise sur le marché d’une offre. Et la maquette est un peu bafouée dans le même genre. Typiquement, on va retenir le côté « quick and dirty », à savoir utiliser de la pâte à modeler pour faire une maquette en 30 minutes, qui va permettre de se projeter un peu. Mais ce n’est pas suffisant. Dans l’ouvrage, on met en relief six fondamentaux autour du maquettage. 

 

Quels sont ces six fondamentaux ?

 M.L : « Créer » d’abord. « Comprendre » ensuite : l’exemple du toilette est parfait dans ce sens. Comment vais-je me focaliser sur ce qui est essentiel dans un phénomène pour bien le décortiquer. « Expérimenter » : émettre des hypothèses, les tester, les valider. « Convaincre » : comment on peut utiliser la maquette comme un support d’argumentation. « Choisir » : prendre des décisions, rendre plus fluide un processus de choix. Et enfin « débattre » : se rendre compte de la pertinence d’une proposition. 

 

Est-ce que maquetter a du sens dans toutes les entreprises ? 

N.M : Oui clairement. C’est simple : quand on met des gens dans la même pièce avec du scotch et du carton, il y en aura un qui tient le carton, l’autre le scotch et le dernier qui pose la bande. Et en fait, ces gens n’ont d’habitude jamais autant de contact, de proximité. Mais littéralement. Et d’un coup, ils touchent la main de leur voisin. Et ça, ce sont des espaces de développement d’intelligence collective. Peu importe le sujet, qu’il s’agisse d’une boite de service, d’une start-up ou d’une boîte du CAC 40, ce n’est pas en échangeant des mails qu’on va parvenir à créer une telle synergie. Alors dans certaines boîtes, ce ne sera pas pour créer un prototype commercialisable. Mais au moins pour débattre et créer de la conviction entre les acteurs. 

M.L : C’est la richesse du modèle qu’on a  essayé de développer. C’est : comment passe-t-on de la réflexion à la mise en œuvre ? Quelle maquette concevoir ? Avec qui ? Avec quelles ressources ? Il y a toute une trajectoire à définir pour optimiser les allers et retours entre stratégie et exécution. La maquette permet d’ouvrir des voies inaccessibles en tant normal. 

Maquetter, par  Nicolas Minvielle,  Martin Lauquin,  Olivier Wathelet, éditions Diateino, 26,00€.


A propos des auteurs Nicolas Minvielle est docteur en économie, responsable du MS Marketing Design et Création d’Audencia Business School. Il a publié une dizaine d’ouvrages sur l’innovation et le design. Anthropologue, Olivier Wathelet a fondé « Users Matter » pour aider les organisations à intégrer les usagers dans leurs démarches d’innovation et de construction des futurs. Creative strategist, Martin Lauquin promeut l’hybridation des approches managériales et des approches créatives pour aider les décideurs à penser à contre-courant.

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