Arrêtons de concevoir les priorités selon le modèle du « OU ». Adoptons plutôt le modèle du « ET ». La posture du paradoxe de la part du manager peut avoir un impact positif sur la créativité de l’équipe. Ella Miron-Spektor, Associate Professor of Organisational Behaviour à l’INSEAD, nous en dit plus.
À une époque où les entreprises font tous les jours face à de nouvelles demandes en contradiction les unes avec les autres, leurs stratégies suivent encore souvent un modèle au service de grandes ambitions à long terme. On peut donc légitimement se poser la question suivante : comment faire cohabiter les ambitions à long terme et l’activité quotidienne, celle-là même qui finance ces visions d’avenir innovantes et pleines de promesses ?
Dans notre monde incertain, et notamment dans le monde professionnel, on doit souvent répondre à des demandes contradictoires. Comment trouver un sens à des activités comme planification à long terme et exploitation à court terme, action à l’échelle mondiale et satisfaction des besoins locaux, collaboration et concurrence avec les autres entreprises, rentabilité et responsabilité sociale et écologique ? Il y a de quoi se sentir perdu, stressé, d’autant plus dans un monde en constante évolution. Desservis par notre conception des choses selon le modèle du «ceci OU cela» basé sur le choix et l’exclusivité, on a alors, dans ces conditions, l’impression de s’attaquer à la quadrature du cercle.
La théorie du paradoxe prend en considération le fait que les demandes, les attentes et les objectifs sont changeants, complexes, contradictoires et interconnectés. Jusqu’à récemment, la littérature sur la théorie du paradoxe concernait principalement les entreprises dans leur généralité. Dans un numéro hors-série de Organizational Behavior and Human Decision Processes dont j’ai été la coéditrice, on démontre les avantages de son application à l’équipe et à l’individu.
Managers et équipes, tous gagnants
Nos recherches suggèrent que, dans certaines conditions, la posture du paradoxe de la part du manager peut avoir un impact positif sur la créativité de l’équipe. Cela aide les membres de l’équipe à davantage croire en leurs propres capacités. Sur le long terme, on observe un impact positif en termes d’investissement en R & D, de part de marché et de réputation de l’entreprise.
Une étude a révélé que les managers les plus efficaces cumulent deux caractéristiques : ils ont des ambitions et ils responsabilisent les membres de leur équipe. Quand le manager énonce ses ambitions à son équipe, cela contribue à créer un certain contrôle de celle-ci en donnant un objectif commun. Quand il responsabilise ses collaborateurs, il abandonne ce contrôle et les incite à s’approprier l’objectif tout en leur permettant de définir leurs propres rôles et responsabilités pour y parvenir.
La posture du paradoxe, un état d’esprit
On admet généralement que pour encourager la créativité, il faut surtout abolir la critique. Or, pour parvenir à ses objectifs, on doit bien être capable d’user de critique envers les solutions qu’on met en place et considérer différentes stratégies apparemment opposées. Les personnes ayant un état d’esprit paradoxal acceptent les divergences, ce qui se traduit par une certaine souplesse sous la pression et une créativité accrue face à des problèmes apparemment insolubles.
Mes recherches portent sur le sens de l’innovation et la souplesse sous pression. Lorsqu’ils se sont trouvés confrontés à un changement structurel, les salariés d’une entreprise de R & D israélienne ont eu des réactions très différentes face à ce bouleversement. Certains ont adopté une attitude plaintive tandis que d’autres, dotés d’un état d’esprit paradoxal, se sont épanouis. Au lieu de faire front, ces derniers ont compris que pour réussir malgré ces nouveaux paramètres (moins de ressources, méthodes de travail différentes, besoin d’innovation), ils devaient s’adapter en tenant compte de toutes les composantes de ce changement.
En s’appuyant sur le principe de la complémentarité, un mode de pensée comme celui-là permet aux individus de faire face aux dissensions, aux contradictions et de trouver des moyens novateurs de répondre à des demandes contradictoires. L’état d’esprit paradoxal ne consiste pas à résoudre les conflits ou à trouver un compromis. Il ne s’agit pas non plus d’en faire plus, car cela peut vite conduire à un burn-out. Il s’agit en fait d’être plus attentif à la façon dont nous utilisons les ressources.
En mettant en parallèle des alternatives opposées et en apprenant à composer avec l’inconfort que peuvent susciter les divergences, les managers et dirigeants dotés d’un tel état d’esprit acquièrent optimisme et résilience. Ils nous permettent de rêver et de réaliser de grandes choses tout en gérant les tâches quotidiennes.
En abordant les divergences selon le modèle du ET plutôt que du OU, et en tenant compte de tous les aspects même contradictoires d’une situation, devenir un dirigeant plus innovant et plus efficace est à la portée de tous.
Traduit de l’anglais par Gwénaële Reboux, INSEAD.
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