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Management constitutionnel : genèse d’une définition

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Management constitutionnel : genèse d’une définition

Le management constitutionnel est le fruit d’une expérimentation débutée en 2008 et confrontée depuis à la réalité de plus de 140 entreprises. En partant de l’holacratie et en venant sur des terrains nouveaux qui, additionnés, font le management constitutionnel.

Commençons par la définition à laquelle ce travail a abouti. Le management constitutionnel peut être défini comme un modèle pour transformer les organisations en écosystèmes vivants, de façon profonde et systémique aux trois systèmes et six territoires : parties visibles et invisibles de l’individu, du collectif et de l’entreprise ; équipé de l’holacratie comme moteur, dont la mise en place démarre par la mise en mouvement des dirigeants, managers et collaborateurs, et l’encodage. Un modèle de transformation vivant et toujours en évolution.

Cette première définition du management constitutionnel paraîtra sans doute complexe de prime abord. Rien de surprenant puisqu’elle est l’aboutissement d’un long travail d’expérimentation (test and learn) qui a d’abord permis, dès 2018, de donner un nom au management constitutionnel. Voyons donc maintenant comment nous en sommes arrivés à cette définition et à ce qu’elle implique.

Une ambition, trois principes et quatre croyances

L’ambition du management constitutionnel est de créer de nouveaux contextes qui vont empuissancer les personnes, rendre les entreprises vivantes et en capacité de changer aussi vite que le changement. 

Pour y parvenir, cette ambition s’appuie sur trois principes clés. Il s’agit tout d’abord de réinventer la nature et l’exercice du pouvoir, en distribuant les autorités via les rôles, et en clarifiant autorisations, protections, règles de coopération, accords relationnels et rituels vivants… ce qu’apporte l’holacratie.

Le deuxième principe consiste à faire circuler la vie, à partir de la raison d’être profonde du changement, en profitant de la puissance des principes source et en levant les freins, afin que chacun prenne l’énergie de la responsabilité dans ses rôles

Enfin, dernier principe : rendre explicite le code ADN de l’organisation, grâce aux rôles, pour la doter de capacités d’adaptation au fil de l’évolution de la réalité via les tensions ressenties par les collaborateurs dans leurs rôles respectifs.

Ces trois principes reposent eux-mêmes sur quatre croyances. Tout d’abord celle qui veut que l’entreprise soit un organisme vivant ; l’organisation est un écosystème vivant et créateur de valeurs pour le monde ; c’est sa raison d’être.

La deuxième croyance est que l’on peut faire confiance à l’homme. Celui-ci est fait de potentialités. Il est toujours en devenir et ne se limite pas à ce qu’il montre de lui. 

Troisième croyance : c’est le contexte qui crée les comportements. Sains lorsque l’environnement l’est ; malsains lorsque l’environnement est malsain. 

La dernière croyance considère elle que le monde est chaotique et, qu’à ce titre, on a dépassé le tipping point, que le changement lui-même a changé.

Les croyances

L’entreprise est vivante – l’organisation est un écosystème vivant

Intéressons-nous plus en détail à la première des croyances mentionnées plus haut. L’entreprise, l’organisation – en tant que personne morale – est bien un organisme vivant doté de sa propre identité, de sa source, de son énergie créatrice, de sa raison d’être évolutionnaire. Une réalité dont s’est emparée le fondateur de l’entreprise.

Le changement de nature de l’exercice du pouvoir est nécessaire pour aligner les ressources et les énergies. C’est à ce prix que l’organisation est en mesure d’exprimer sa raison d’être. Et, en donnant jour à une culture de création de valeurs à tous les étages, se crée une nouvelle représentation mentale de l’entreprise et invite à voir l’organisation comme un écosystème vivant. Une réalité qu’avait bien identifié Tony Hsieh, pionnier de l’holacratie, dès 2013, chez Zappos, et inventeur de la métaphore de la ville comme illustration de cette nouvelle représentation de l’entreprise. 

« La recherche montre que lorsque la taille d’une ville double, l’innovation et la productivité par habitant augmente de 15 pour cent. Mais lorsque la taille des entreprises augmente, l’innovation et la productivité par employé tend généralement à baisser. Aussi, nous sommes en train de chercher à structurer Zappos plus comme une ville que comme une société bureaucratique. Dans une ville, les gens et les commerces s’auto-organisent. Nous essayons de faire la même chose en passant de la structure hiérarchique habituelle vers un système appelé Holacracy, qui permet aux employés d’agir plus comme des entrepreneurs et d’auto-déterminer leur travail au lieu de s’en référer à un manager qui leur dit ce qu’il faut faire. »

On peut faire confiance à l’homme

L’homme est fait de potentialités. Il est toujours en devenir. Il ne se limite pas à ce qu’il montre de lui. A ce titre, son potentiel est le plus souvent sous-estimé dans les organisations car limité par l’environnement dans lequel il travaille. Or, vouloir transformer l’organisation ne peut se faire avec succès qu’en permettant à ces potentiels de se révéler et, en conséquence, ne peut se réaliser qu’en faisant le pari de la confiance. Elle est l’unique voie conduisant au self-management, permettant à l’entreprise de prétendre se transformer en profondeur.

Des comportements sains dans un environnement sain

En outre, le management constitutionnel repose également sur une autre croyance forte. Celle que les comportements de chacun au sein de l’entreprise sont la conséquence de l’environnement dans lequel il évolue. D’où l’importance de faire évoluer la structure pour lui donner une forme propice à l’émergence de comportements sains. Un peu comme en permaculture où c’est le fait de prendre un soin particulier de l’environnement et de la terre qui crée les conditions du développement de beaux fruits et légumes.

L’émergence plutôt que l’effondrement

théorie du chaos émergence effondrement
Théorie du chaos émergence effondrement

Les théories du chaos l’ont mis en lumière. Notre monde se caractérise par des crises qui se succèdent de plus en plus vite. Pour beaucoup, nous avons même dépassé le tipping point, ce point d’équilibre à jamais disparu. Dans ce contexte, les organisations sont confrontées à une alternative simple : l’effondrement ou l’émergence. Cette dernière, incarnée par le management constitutionnel, passe par le vivant, par une structure évolutionniste.

Une carte pour se repérer

carte 6 territoires
Les 6 territoires pour une transformation profonde

Introduisons maintenant une notion importante qui permet de mieux comprendre ce qu’est le management constitutionnel : la notion de carte pour se repérer. Il est en effet essentiel d’en disposer pour avoir une vision systémique de l’organisation et être guidé pendant sa transformation profonde aux trois systèmes et six territoires.

Cette carte s’articule autour de trois grands espaces : le niveau individuel, le niveau collectif et le niveau entreprise. Pour chacun, on distingue ce qui relève du visible – comportements, relations ou structure de l’organisation – de ce qui relève de l’invisible – ressentis, croyances ou potentiel créateur de valeurs.

Dans cette représentation, l’holacratie se situe au niveau de l’entreprise, dans la partie visible. Elle est donc un morceau du puzzle. L’adopter pour réussir une transformation profonde de l’organisation implique par conséquent de s’intéresser à l’ensemble des trois systèmes et six territoires.

Premier principe : réinventer la nature et l’exercice du pouvoir 

Comme nous l’avons déjà évoqué plus haut, le premier des trois principes qui sous-tendent le management constitutionnel consiste à réinventer la nature et l’exercice du pouvoir. Pour ce faire, il convient de distribuer les autorités via les rôles, et de clarifier autorisations, protections, règles de coopération, accords relationnels et rituels vivants, ce qu’apporte l’holacratie.

Plus simplement, il ne s’agit pas de partager ou distribuer un pouvoir « sur », lié à un modèle d’organisation hiérarchique mais de le disrupter. Ainsi, la seule limite du pouvoir est liée à la capacité de chacun à s’en emparer. On passe de l’empowerment à l’empuissancement, tel un jardinier qui soigne et prépare la terre pour que les fruits et légumes poussent dans les meilleures conditions.

On passe d’un pré-carré, d’un pouvoir « sur » à une autorité « au service de », pour créer. Le pouvoir n’est plus affecté à des personnes mais à des rôles. Chacun bénéficie, au travers de ses rôles, de cette autorité « au service de ».

A ce changement de pouvoir s’ajoutent les rituels vivants – réunions de triage et réunions de gouvernance – et des mécanismes explicites pour permettre et protéger selon la règle des 3P. Le premier de ces rituels vivants, c’est l’art du triage. C’est lors de cette réunion que chacun dispose d’un espace dans lequel tout est centré sur lui au travers des points qu’il apporte à l’ordre du jour. La réunion de triage est une école du mouvement, de l’engagement et du leadership.

Le deuxième rituel concerne lui le pouvoir de gouverner. Cela signifie que chacun est en mesure de gouverner tout ce qui le limite dans l’exercice de son rôle. Une réalité qui ne se décrète pas bien sûr mais crée néanmoins une opportunité de leadership inédite.

A ces rituels viennent s’ajouter quatre mécanismes explicites. Le premier qui insiste sur le fait que les attentes implicites n’ont aucun poids. Votre ancien patron n’est plus en mesure de vous imposer des choix. Plus besoin de chercher à faire plaisir, ni à suivre des ordres inopérants. Le deuxième mécanisme explicite établit, qu’au service d’un rôle, tout est autorisé, sauf ce qui est explicitement interdit. Le troisième met lui en lumière le fait qu’il est possible d’agir selon son interprétation. Permission est donnée à chacun d’agir en fonction de sa propre interprétation. Le quatrième et dernier mécanisme implique lui la possibilité pour tous de prendre l’initiative en dehors de leur rôle. Priorité est donnée à l’initiative individuelle, encadrée par un processus clair et lui-même explicité.

Deuxième principe : faire circuler la vie

Faire circuler la vie. Tel est le deuxième principe qui sous-tend le management constitutionnel et qui opère à partir de la raison d’être profonde du changement, en profitant de la puissance des principes source et en levant les freins, afin que chacun prenne l’énergie de la responsabilité dans ses rôles.

Mais faire circuler la vie nécessite un certain nombre d’incontournables :

  • Découvrir la raison d’être profonde du changement pour libérer l’énergie d’un bras de levier puissant. Cette énergie est constitutive de l’entreprise elle-même, l’expression d’un besoin profond, portée par la personne source, le plus souvent par le dirigeant. Elle constitue cette impulsion initiale, puissante et persistante sans laquelle rien ne change.
  • Mettre en mouvement le management et les employés vers une culture de création de valeurs. Cette mise en mouvement vise à embarquer tout le monde, managers et collaborateurs, selon le proverbe Touareg « faire pour les gens sans les gens, c’est faire contre les gens ». C’est le meilleur moyen pour faire évoluer les modèles mentaux, les habitudes ; de donner vie à une culture plus orientée vers le business, la création de valeurs. À tous les étages de l’entreprise. Vient ensuite l’encodage des rôles pour accrocher la démarche à la réalité singulière de l’entreprise : encodage des activités opérationnelles, des fonctions RH, des besoins sociaux de l’entreprise concernée, de la notion de management, de hiérarchie et du lien de subordination attaché au contrat de travail, etc. Enfin, si l’holacratie ne définit pas le management, elle requiert néanmoins que celui-ci soit explicité et explicite.
  • Profiter de la puissance et de l’énergie des principes sources. Il s’agit de distribuer les autorités en transmettant cette énergie de la source à chacun, dans chaque rôle. Car, dans toute entreprise, il y une personne source, souvent le fondateur, qui capte l’énergie de la création. Il est la source globale. Il est celui qui, en offrant un rôle, peut transmettre une part de cette énergie à une source spécifique. Pour que, in fine, chaque personne au sein de l’entreprise, se considère comme source spécifique, investie et libre de prendre des risques dans le cadre de ses rôles. Chacun est ainsi appelé à prendre l’énergie de la responsabilité de ses rôles.
  • Faire circuler l’énergie de la responsabilité auprès de chacun, dans chaque rôle, dans toute l’entreprise. Il s’agit ici d’un processus de responsabilisation des personnes en capacité de s’en saisir. Ce sont ces mêmes personnes qui profitent de l’énergie source qui leur est transmise. Elles développent ainsi la capacité de ressentir des tensions et, ainsi, de conduire l’entreprise vers plus de création de valeurs.
  • Intégrer la notion de tension pour faire circuler l’énergie. Cette notion, amenée par la constitution, permet de connecter le moteur holacratie au vivant. La raison d’être  agit comme un véritable aimant qui attire les tensions évolutionnaires pour chacun des rôles, captées par les personnes qui y sont affectées et qui en saisissent l’énergie de la responsabilité. La tension n’est autre que l’écart entre l’expression réelle de la raison d’être et des redevabilités d’un rôle et un potentiel idéal.
Tension : gouvernance & triage
Extrait de la bande dessinée sur l’holacratie
  • Lever les freins à la circulation de l’énergie. Parmi ces freins, il y a d’abord les croyances collectives limitantes : « on ne peut pas faire confiance aux êtres humains » ; « les managers ne veulent pas lâcher le pouvoir », pour ne citer que celles-là. Il y a aussi les freins d’ordre humain qui peuvent empêcher les personnes de prendre l’énergie de la source : refus de porter une charge trop lourde, peur de ne pas être au rendez-vous de ce qui est attendu d’eux, etc. Il est en conséquence nécessaire de créer des espaces où les ressentis peuvent s’exprimer et être traversés ; les freins dépassés.

Troisième principe : rendre explicite le code ADN de l’organisation

L’objectif du troisième principe est simple. Il s’agit de rendre explicite le code ADN de l’organisation, grâce aux rôles, pour la doter de capacités d’adaptation au fil de l’évolution de réalités ressenties par les collaborateurs. Pour que les organisations puissent changer aussi vite que le changement. Mais commençons par le commencement.

Pour aller vers la structure requise de l’entreprise…. celle qui aspire à être

Dans l’entreprise, il y a trois types de structures : la structure formelle, la structure existante et la structure requise. En holacratie, la structure formelle est égale à la structure existante. Tout est formalisé sur un logiciel. Celui-ci est ancré dans la réalité. Quant à la structure requise, telle que définie par Eliott Jaques, elle est la structure qui aspire à être. Les personnes qui sont dans les rôles, dès qu’elles ont des tensions, vont percevoir un écart entre la réalité et l’idéal requis, vont venir en réunion de gouvernance pour que ce qui aspire à être devienne la réalité. 

Par ce processus, la structure formelle est égale à la structure réelle, qui elle-même est égale à la structure requise. C’est bien parce qu’on rend le code ADN explicite qu’on est capable d’adapter l’entreprise à ce qui aspire à être, au niveau de chaque rôle.

En faisant de l’organisation un système évolutionniste

Pour sous-tendre notre propos, appuyons-nous sur la réflexion de Jason Stirman, ex-Twitter, cofondateur de Medium et aujourd’hui patron de la R&D de Facebook. Selon lui, lorsque l’on observe les systèmes vivants dits évolutionnaires, on observe que ceux-ci possèdent quatre attributs : un code, un moyen d’expression du code, une fonction fitness pour tester le code et un mécanisme pour faire évoluer ce dernier. En bref, c’est le cycle de l’évolution.

Système évolutionniste
Système évolutionniste

Les entreprises sont des organismes vivants, composés de cellules autonomes (rôles qui travaillent ensemble au service d’une mission. Comme tout organisme vivant, elles s’efforcent de survivre, d’évoluer pour faire face au changement. Et, si on reprend la comparaison avec un organisme biologique :

  • Le code c’est-à-dire l’ADN de l’entreprise est composé de rôles tenus par les employés et combinés à des règles qui encadrent les interactions. 
  • L’entreprise exprime son code par ses opérations. Le travail de chacun est en soi l’expression de ce code.
  • La fonction fitness va elle permettre à l’entreprise de mesurer sa capacité de survie, exprimée, en holacratie, par les tensions.
  • En conséquence, le système va pouvoir faire varier le code, les rôles et les règles, en réagissant à la fonction fitness et en ajustant le code. En holacratie, via les réunions de gouvernance.

L’adaptation du moteur holacratie à chaque entreprise

La démarche de transformation dans le cadre du management constitutionnel commence par la décision d’installer ce nouveau moteur qu’est l’holacratie. Soit, celui-ci n’est qu’un morceau du « puzzle » mais n’en est pas moins le point d’origine qui permet de changer la donne pour créer des contextes qui empuissancent les personnes ; rendre les entreprises vivantes et les doter de capacités d’adaptation inédites.

Avant d’y arriver, tout commence par la découverte de la raison d’être profonde du changement, émise par la personne source, suivie de la mise en mouvement de tous, puis par la décision d’installer ce nouveau moteur. Une fois fait, il va falloir ajuster ce moteur à chaque entreprise. C’est la phase d’encodage des rôles.

Celle-ci va refléter la singularité de chaque entreprise – activités opérationnelles business, la gestion de l’humain, la définition du management qui, comme celle du self-management, lui est propre, la définition de la hiérarchie lorsqu’il y a contrat de travail avec lien de subordination, etc. – et sera accompagnée et suivie par des formations qui doivent permettre d’activer le moteur et de lancer les cercles.

Piloter la transformation par la circulation de l’énergie

Bien sûr, aucune entreprise n’est semblable à une autre. Pour autant, pour en piloter la transformation, il convient avant tout de suivre l’énergie. C’est cela qui va nous guider dans le processus de transformation ; tout comme la carte aux six territoires, mais également toutes les nouvelles notions qui émergent de nos expérimentations et recherches. Elles viennent enrichir un modèle qui ne cesse de se transformer et de gagner en valeurs. Le management constitutionnel est vivant et toujours en évolution.

C’est donc ce long processus qui nous a conduit à l’émergence de cette première définition du management constitutionnel. “Le Management Constitutionnel est un modèle pour transformer les organisations en écosystèmes vivants, de façon profonde et systémique aux 3 systèmes et 6 territoires : parties visibles et invisibles de l’individu, du collectif et de l’organisation équipée de Holacracy comme moteur, dont la mise en place démarre par la mise en mouvement des dirigeants, des managers et des collaborateurs, et l’encodage. Ce modèle de transformation est vivant, toujours en évolution.”

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