La Macif utilise depuis 2016 le lean start-up pour lancer de nouveaux projets. La Mutuelle d’assurance des commerçants et industriels de France, créée en 1960 se modernise grâce à un plan stratégique qui favorise l’innovation à tous les étages. Juliette Bron, a intégré la Macif en 2015. Chief Digital Officer, son rôle consiste à diffuser le lean start-up dans l’entreprise et permettre le lancement de nouveaux produits grâce à cette méthode.
Quel est votre rôle au sein de la Macif ?
« Je suis Chief Digital Officier en charge de la digitalisation du Groupe Macif. Je dois être à la fois facilitatrice, visionnaire, mais aussi dans l’opérationnel. Mon rôle ne se résume pas à donner une impulsion. Il s’agit également de mettre en œuvre la stratégie et faire bouger la culture d’entreprise.
Après avoir travaillé pour Generali, j’ai été recrutée par la Macif en tant que CDO (Chief Digital Officer, ndlr), dans le cadre de #Macif-Futur, un plan stratégique volontariste centré sur le numérique et l’innovation qui s’étalera de 2016 à 2020.
Après une première expérience réussie, nous avons décidé d’accélérer la transformation en rapprochant les équipes IT et numériques. Nous avons envisagé tous les livrables en produits digitaux, centrés sur les utilisateurs finaux : tous les outils, notamment à destination des salariés, sont désormais vus comme des applications et quasiment tout est travaillé en lean start-up.
Comment définiriez-vous cette méthode du lean start-up ?
Je n’aime pas trop parler de lean management qui, dans l’esprit collectif, fait référence aux approches industrielles du lean. Je préfères le terme de lean start-up qui est la méthode cruciale utilisée par les start-up : elle se base sur l’expérimentation, les tests utilisateurs, et le pivot. Par exemple, il s’agit de lancer son projet très rapidement sur la base d’un produit minimum viable, d’observer comment réagit le marché et les utilisateurs, et d’adapter son offre en fonction des résultats. Et je réitère. Ou je tue mon projet très rapidement.
Il s’agit d’une méthode agile basée sur les expérimentations et les retours des utilisateurs. Tout repose sur l’état d’esprit et l’angle d’approche des personnes qui travaillent sur le dossier. C’est une approche très différente de ce qui se fait habituellement car c’est l’utilisateur, qu’il soit interne ou qu’il s’agisse du client, qui tranche.
Comment cette approche a-t-elle été introduite au sein de la Macif ?
Je suis donc arrivée en 2015 pour piloter la refonte du site internet, regroupant les équipes IT et digital qui travaillaient ensemble sur ce gros projet. J’ai en réalité formé un plateau digital. Nous avons appliqué la méthode agile sur cette refonte. En parallèle, l’équipe digitale s’est organisée sur la base du lean start-up et nous avons pu faire des démonstrations de l’avancement du site, pas à pas.
Quand je suis arrivée, il y avait six personnes au digital, il y en avait 40 l’année dernière, toutes ou presque embauchées en interne, ce qui a donné la possibilité à plusieurs personnes d’évoluer en interne. Le site a été livré en un an, comme prévu, à la fin de l’année 2016, avec des résultats nets : +20% d’utilisation du selfcare, et multiplication de 2 à 5 de la performance des tunnels de conversion selon les produits.
Nous avons fait le choix d’une organisation bicéphale, avec un copilotage entre la CDO et la DSI. Nous avons ainsi souhaité mettre en place de petites équipes pluridisciplinaires, avec une logique d’optimisation en continu. Point important à souligner car la confusion est parfois faite quand on parle de lean start-up : ce sont bien les équipes, et non les personnes qui sont pluridisciplinaires.
Nous avons donc mis en place des communautés de métiers, de thématiques, afin de gérer la transversalité. Nous travaillons par lignes : des lignes produit digital, des lignes SI et des lignes métier.
Comment ce lean start-up a été reçu par les équipes ?
Depuis janvier, nous avons formé environ 500 personnes au lean start-up. Les salariés gardent leur métier, mais les collaborateurs changent de collègues puisque les équipes deviennent pluridisciplinaires.
L’objectif principal avec cette nouvelle manière de travailler est de gagner du sens, devenir un maillon de la construction d’un produit. Les responsables de lignes sont envisagés comme des « intrapreneurs », donc il est nécessaire qu’ils aient une posture d’ouverture, de pro activité dès le début des projets. On passe donc d’une logique d’exécutant à celle de partenaire des métiers dès le début de la conception.
Nous souhaitons donc responsabiliser ces responsables de ligne pour animer les équipes, pour les aider à contribuer, à oser faire des erreurs… Comment je suis pro actif ? Comment je challenge mes collègues ? C’est un changement culturel radical ! Certains collaborateurs s’en sont emparés naturellement.
Désormais, nous parlons de DDSIG, de direction digitale des systèmes d’information du groupe. L’idée est de coconstruire, avec les managers, les éléments qui puissent faciliter l’adoption de la méthode. Les équipes ont ainsi travaillé ensemble à la réorganisation globale.
Au mois de juin, nous avons réalisé un premier baromètre avec les responsables de lignes, les anciens managers. Sur 35 personnes sondées, trente étaient satisfaites de cette nouvelle organisation, trois étaient neutres car elles s’interrogeaient sur leur périmètre, et deux émettaient un avis négatif.
Avez-vous été accompagné dans ce changement ?
Un collectif de startuppers nous a en effet accompagné. Ils ont l’habitude d’aider les grands groupes à se transformer, notamment à s’emparer du lean start-up. Ces startuppers ont ainsi formé les responsables de ligne durant des ateliers collectifs (composés de 17 personnes) sur la posture, les méthodes, en s’adaptant aux différents besoins des lignes, voire des individus. Par ailleurs, un mentoring individuel a été mis en place pour permettre aux collaborateurs d’avancer sur des points particuliers.
Vous parliez du site internet, quels autres projets ont été réalisés avec cette méthode ?
Les 25 et 26 mars, durant le challenge innovation, nous avions pour mission d’imaginer une offre pour aider les moins de trente ans à devenir plus autonomes. Nous avons imaginé Mon assistant Macif, un service chatbot qui aide les jeunes à trouver un appartement, à déménager, à signer un bail, à comprendre un contrat d’habitation… Bref, toutes les questions qui se posent quand on déménage. En juillet, le chatbot était opérationnel.
Ce genre de challenge va très vite : sur un week-end, les personnes volontaires réfléchissent au problème, puis, un jury de salariés vote : le projet gagnant est développé. Un mois après le vote, nous avons commencé à travailler sur le projet car cela nous demande de détacher des personnes en internes pour s’y consacrer. Le cadrage a été réalisé en huit jours, puis le développement a commencé début mai et s’est terminé début juillet. Je suis épatée de voir l’engagement des équipes sur ce projet ! Avec cette méthode, nous avons déjà transformé le site, l’application qui compte 300 000 utilisateurs et à laquelle nous apportons de nouvelles fonctionnalités, le chatbot et l’intelligence artificielle. »
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