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Liberté D’Expression Du Salarié : Est-On Libre Sur Les Réseaux Sociaux ?

« Verba volant, scripta manent » est une locution latine qui peut se traduire en français : « Les paroles s’envolent, les écrits restent ». Les conversations entre collègues qui avaient très peu de chances d’être enregistrées par la machine à café acquièrent à travers les réseaux sociaux une visibilité pouvant porter tort au salarié ou à l’employeur. 

Pour autant le salarié peut-il exprimer ses opinions de la même façon sur Internet que dans un cadre informel ? Un employeur peut-il interdire à ses salariés d’entreprendre des activités personnelles qui auraient pour effet d’entacher son image ou sa réputation ? En somme, un salarié peut-il tout dire sur Internet ?

En principe, oui

Un droit consacré par la Déclaration des droits de l’Homme et la Convention européenne des droits de l’Homme.

« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme, tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi », d’après l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme. Et selon la Convention européenne des droits de l’homme, « toute personne a droit à la liberté d’expression ». Ce droit comprend « la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière ».

La protection des libertés individuelles des salariés dans le droit du travail a toujours été une question intrinsèquement liée au fait que le contrat de travail crée un lien de subordination entre l’employeur et le salarié. Cependant, par le contrat de travail, « le salarié met à la disposition de l’employeur sa force de travail mais non sa personne ». Ainsi le salarié est toujours libre d’exprimer ses convictions y compris sur Internet. La Cour de cassation énonce qu’un « fait imputé à un salarié, dès lors qu’il relève de sa vie personnelle, ne peut constituer une faute ».

Mais attention à ce qu’on dit 

Par rapport à l’entreprise, la liberté d’expression est limitée par l’obligation de loyauté et de discrétion qui découle de la relation de travail. Dès lors que le salarié exprime des propos sur l’entreprise dans le cadre de sa vie privée, il ne peut pas être inquiété.

Toutefois, le salarié qui commet un abus de sa liberté d’expression sur Internet, peut faire l’objet de sanctions pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave. Le licenciement pour faute lourde est envisageable que si l’employeur établi une intention de nuire du salarié et démontre un préjudice, la plupart du temps financier.

Licenciement pour faute grave : Échanges sur Facebook entre plusieurs collègues dans le cadre d’un « club des néfastes » sur leurs pratiques de dénigrement de leur responsable hiérarchique, la DRH.

Licenciement sans cause réelle et sérieuse : Le fait de critiquer sur un site Internet quasi confidentiel la motivation du licenciement d’un collègue par des propos ni injurieux ni vexatoires, ne caractérise pas un abus fautif de la liberté d’expression.

A ce jour, on peut dégager une ligne jurisprudentielle établie : le réseau social dont l’accès a été restreint à un nombre limité de correspondants relève de la sphère privée et les propos du salarié ne peuvent être sanctionnés ; à l’inverse, le « mur » accessible par tous, sans sélection, relève de la sphère publique, rendant les propos contrôlables.

Il est par ailleurs interdit à l’employeur de créer un faux profil, ou d’en usurper un pour accéder à la vie personnelle du salarié.

Secret et devoir de réserve

Il existe également des limites spécifiques telles que le secret professionnel, le secret des affaires et le secret défense.

Certaines personnes, en raison de la fonction qu’elles occupent, sont tenues à un « devoir de réserve ». C’est le cas des fonctionnaires qui doivent exprimer leurs opinions de façon prudente et mesurée, de manière à ce que l’extériorisation de leurs opinions, notamment politiques, soit conforme aux intérêts du service public et à la dignité des fonctions occupées. Plus le niveau hiérarchique du fonctionnaire est élevé, plus son obligation de réserve est sévère.

Et sur le réseau social de l’entreprise ? 

La mise en place d’une plateforme collaborative, ou plus généralement l’adoption d’une démarche d’intelligence collective doit s’accompagner de règles et de prérequis clairement définis, pouvant se présenter sous la forme de charte. En effet, l’entreprise est une structure spécifique, comportant ses propres besoins, tant au niveau des données sensibles que personnelles pour mener à bien la mission de création de valeur qui lui incombe. Sur son lieu de travail, le salarié conserve ainsi sa liberté d’opinion et de conscience, mais dans certaines limites. Tout va donc dépendre de la nature des discussions ou des échanges et des éventuelles conséquences sur le climat dans l’entreprise.

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