Notre époque connaît des changements profonds que jamais l’humanité n’a connus : l’industrialisation, l’automatisation, l’informatisation, les transports, les habitats, la nourriture, la médicalisation, la génétique, l’information, l’accroissement des possibles dans tous les domaines. Nous ne sommes pas tous égaux pour être prêts à cela. Même parmi les plus riches financièrement, il en est qui ont de grandes difficultés à vivre dans le monde formidable que l’inventivité humaine fait progresser chaque jour… Un projet de société se dessine. Il provoque des appréhensions, des réticences et même de violentes oppositions, des guerres et du terrorisme. On y retrouve les débats politiques du moment, avec les heurts, les disqualifications, les ambitions avec les jeux d’opportunités. Une feuille de route du projet sociétal s’écrit malgré tout avec des réponses et des questions, la morale et l’éthique, combinées à ce qui les englobent : la philosophie et les idéologies.
Clarifier ce qui distingue l’éthique et la morale
Lors d’une conférence sur l’éthique et le syndicalisme, à un professeur d’université qui affirmait que l’éthique est la morale d’aujourd’hui, j’ai proposé de regarder les choses avec la précision que la culture contemporaine peut permettre : un mot, une définition. Avec cette approche rigoureuse, il est possible de bien distinguer les choses qui étaient moins nuancées dans l’Antiquité et chez les plus récents auteurs. Il résulte un carré sémiotique : l’éthique est à la morale ce que la philosophie est aux idéologies.
Ainsi, nous pouvons observer combien il est abusif de la part des partisans politiques d’user des termes de philosophie et d’éthique pour parler de leurs postures idéologiques et morales.
Ethique | Morales |
Philosophie | Idéologies |
Cet représentation souligne le champ commun de la morale et de l’éthique : l’une et l’autre portent sur les comportements en société et ce qui les distingue. La différence est importante :
- à l’éthique, la quête philosophique et donc rationnelle,
- à la morale, le lien idéologique et les élans sympathiques de la démarche émotionnelle.
La première incite à se projeter, la seconde à préserver ; la première est prudente, la seconde est méfiante « Homo homini lupus est »…
La morale porte la lourdeur des croyances
La morale intervient sur soi et autrui au moyen de règles de gestion des sympathies et des antipathies, des tolérances, des compromis et des exclusions. Elle procède par affirmations, injonctions, elle dispense des préjugés passés en héritage culturel. Elle consiste à imposer des manières de vivre (mœurs) édictées comme « normales ». Elle est à la base de l’éducation. Elle génère autant l’adversité qu’elle vise à la gérer. Paradoxalement, elle entretient la conflictualité qu’elle tente de réduire. Si vis pacem parabellum. Elle nécessite une allégeance parce qu’elle est une émergence confessionnelle et un pilier du droit. Il faut y croire. Morale et idéologie traînent la lourdeur des préjugés, des croyances et de toutes les fantaisies qui ont servi à combler les lacunes des générations passées. C’est le contrat social qui prend forme avec Rousseau, et son ensemble de fictions juridiques.
L’éthique pour faire évoluer la vie en société
L’éthique est également un moyen au service de la vie en société. A la différence qu’elle recherche l’adhésion par la réflexion et intègre l’observation des attitudes et comportements (ethos). Elle est un ensemble de questionnements, elle est animée par le doute rationnel. Elle permet de conduire des réflexions de distanciation, de s’ouvrir aux autres, et d’animer les dialogues. Elle est la source de toutes les curiosités sur ce qui permet de progresser. La conséquence de la démarche éthique est la posture d’altérité. Tandis que la morale détermine les limites de la tolérance, l’éthique met en évidence les possibilités de l’accueil. Elle permet de prolonger la réflexion par delà les limites que la morale tend à imposer. En cela, l’éthique procède de la même démarche que la philosophie. Ensemble, elle sont orientées vers un mieux être immédiat et sur les possibles de l’avenir.
La philosophie ouvre la voie à la réflexion sur les ententes relationnelles là où les idéologies provoquent des affrontements sociaux.
Concrètement, l’organisation clanique des partis politiques ne relève pas de l’éthique, mais de l’idéologie.
Les comportements reprochés à des candidats en quête d’importantes responsabilités en France ne sont pas des accusations relevant de l’éthique, mais de la morale ; c’est pourquoi les avis ne sont pas les mêmes selon que l’on donne la parole aux uns ou aux autres. L’éthique ne permet pas d’accuser ni de se défendre.
Enjeux de l’éthique en conduite de projet d’organisation
Par exemple, les revendications religieuses de François Fillon – qui lui reviennent en boomerang aujourd’hui – en sont une éloquente démonstration. Emmanuel Macron risque de rencontrer les mêmes obstacles au regard de ses affirmations populistes et son parcours professionnel au service de la banque. Plus stigmatisante, la condamnation de Serge Dassault, à l’inéligibilité pendant cinq ans, interpelle aussi. C’est précisément au travers de ce genre de dérapage et d’incohérence que nous pouvons constater l’influence de l’éthique en politique, laquelle est habituellement l’enjeu de polémiques idéologiques.
La philosophie et l’éthique sont les champs de réflexion qui témoignent de la plus haute évolution actuelle de la conscience humaine. Les heurts idéologiques, les compromis difficiles des conceptions morales contemporaines, suscitent de nombreuses tourmentes sociales. Les Etats-Unis en sont le théâtre cruel, notamment avec les questions d’identité, de politique sociale et de repliement économique, alors que la connaissance de la planète rend les frontières illusoires.
L’éthique s’impose donc comme un défi pour intégrer tous les éléments de la modernité. C’est de son creuset qu’a émergé la nouvelle profession de médiateur dont le rôle sociétal est de contribuer à faciliter, améliorer et promouvoir la qualité des relations dans tous les domaines. La stabilité de la civilisation occidentale en dépend, et certainement aussi la progression de la paix dans le monde. L’apport de l’éthique est essentiel à toutes les organisations, des entreprises, comme de toute la société civile.
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