Sous l’impulsion des nouvelles générations, les organisations mutent vers des structures plus fluides, ouvertes, ultraconnectées et agiles, dans une logique inclusive et intergénérationnelle avec l’intrapreneuriat comme étendard. Un bémol fait obstacle à cette mutation : un management de type contrôle/commande qui n’est plus en accord avec les nouvelles aspirations et attentes des collaborateurs, qui sont au cœur de l’évolution.
L’esprit d’entrepreneur n’est plus l’apanage des leaders mais se distille à tous les niveaux de l’entreprise. Les talents de demain seront tous des intrapreneurs en puissance, qui attendent de l’entreprise qu’elle écoute leur voix et les encourage à jouer de nouvelles partitions. L’appui des managers dans leurs démarches pourraient aider l’entreprise à coordonner ses talents.
La rengaine d’une génération sans patron
Une étude menée par le cabinet The Boson Project pour BNP Paribas « La Grande invaZion » est édifiante sur la défiance des millennials face à l’entreprise. « Dure » « compliquée », « impitoyable », « fermée », « une jungle », l’entreprise est vécue comme un stress pour 36 % d’entre eux et seuls 23 % se disent attirés. Ils ne comptent pas jouer les enfants de chœurs avec une hiérarchie dont ils remettent en cause l’autorité. Sans se reconnaître dans ces modèles pyramidaux cloisonnés, ils se voient créer leurs propres modèles et sont 47% à aspirer créer leur propre entreprise. Ils ne chantent plus les louanges de l’adage « métro boulot dodo » et fuient les « bullshit jobs » pour poursuivre leurs rêves.
Ultra connectés, les millennials ont développé avec les réseaux sociaux un fonctionnement en mode réseaux, tribus, communautés, où l’autorité, la légitimité et le pouvoir consacré d’office au manager fait fausse note. Et cette génération n’est plus seule à aspirer réinventer l’organisation pour mettre fin à une pyramide trop pesante et aux silos qui entravent l’émergence de nouvelles idées, de nouveaux projets.
Le digital a largement aplani le poids de la hiérarchie et influencé la mise en place de nouveaux modèles collaboratifs, des circuits de décision raccourcis auprès de tous les collaborateurs, de tout âge et de tous niveaux hiérarchiques. Le monde de demain s’invente collectivement, et pas seulement grâce à la technologie mais grâce aux individus qui créent de nouveaux usages, de nouvelles règles et de nouvelles synergies, sans limite de temps ou d’espace.
Et cette communauté grandissante choisit aisément de changer de disque s’ils ne sont pas entendus.La fuite des talents est une réalité : l’entreprise peine à fidéliser ses perles rares extrêmement sollicitées et est confrontée à une pénurie préoccupante sur certains profils.
Quand ils ne quittent pas l’entreprise, ils n’hésitent par ailleurs pas à mettre en sourdine les managers s’ils sont trop lents à s’adapter à la révolution qu’ils mènent en interne. Le corporate hacking consiste en la faculté des collaborateurs à s’auto-structurer et s’organiser en sous-marin pour mener de front leurs projets, sans forcément prendre en compte l’aval hiérarchique pour porter leurs projets. Ils « hackent » tout simplement le management pour faire bouger les lignes de l’entreprise.
Le rôle du manager, s’il ne veut pas faire partie du problème, mais de la solution, doit se repositionner : il doit désormais redonner du sens et être dans l’intention collective, dans l’aventure commune, dans l’envie d’entreprendre pour satisfaire les attentes des collaborateurs. Accompagner la mise en place de l’intrapreneuriat est une réponse qui permettrait aux managers d’attirer et fidéliser les talents, tout comme s’engager en première ligne dans cette révolution pour inventer l’entreprise de demain.
Managers : chefs d’orchestre de l’intrapreneuriat
Pourquoi un chef d’orchestre ? Parce qu’il représente une composante essentielle de l’orchestre sans y jouer, en étant davantage un guide, un accompagnateur, qui sait mettre en lumière chacun de ses musiciens. Il est responsable du collectif, et se donne pour ambition de le faire jouer en harmonie, dans un système où tout le monde trouve sa place, sa mesure, sa portée, et s’inscrit comme pièce indéfectible d’un tout créé en symbiose.
Il doit laisser ses musiciens interpréter leur partition en étant leur pilier, et transformer chacune de ces énergies individuelles en un véritable mouvement collectif. Son objectif en somme : accorder les aspirations de chacun, garant de la vision d’ensemble, pour créer une œuvre qui se joue de concert et qui ne saurait exister sans la contribution de chacun de ses membres.
Michel Podolak, ex-chef d’orchestre s’est penché sur le parallèle entre management et chef d’orchestre l’explique : le manager doit avoir envie de communiquer, de partager et aimer trouver des complémentarités. Il est enfin celui qui sait où l’ensemble va (le seul à disposer de la vision globale), et sait embarquer les autres avec engagement et passion.
Si auparavant, les chefs d’orchestres incarnaient l’autorité, ils évoluent pour créer une relation de confiance, le manager se départit de sa posture de « chef » et de ses objectifs de performance qui le restreignent, pour devenir peu à peu un révélateur de talent : il doit pour cela avoir une relation proche pour faire évoluer son équipe : son leadership est incarné, jamais décrété et s’exprime avec écoute, confiance, vision partagée, bienveillance, adaptabilité et plaisir. Le manager est capable également de leur laisser l’autonomie et le temps nécessaires pour innover et être capable d’être force de proposition, puisque c’est cela qui fait un bon musicien : la liberté de pouvoir s’approprier le morceau et d’en proposer sa propre interprétation, co-construite avec le chef d’orchestre qui insuffle sa vue d’ensemble et sa connaissance globale de la composition.
Dès lors, le manager est celui qui participera patiemment à faire répéter son équipe pour valoriser son expertise, conjuguer les compétences de chacun pour sublimer l’œuvre finale.
Excellant avant tout à faire jouer les autres, il est capable de donner la mesure pour permettre à chacun de monter en puissance tout en étant en phase avec la partition.
Quel lien avec l’intrapreneuriat ?
La volonté de jouer de certains collaborateurs devient de plus en plus forte. Sans se concerter, l’ensemble ne peut ressembler à une cacophonie frustrante pour ceux qui y participent, mais aussi pour le public (les intrapreneurs, les collaborateurs, ainsi que toutes les strates de l’entreprise autant qu’à l’externe). Et pourtant, l’intrapreneuriat constitue comme un virage riche en opportunité : il signifie que chaque collaborateur souhaite devenir acteur de l’entreprise pour y contribuer et participer à son évolution. Ils donnent déjà de la voix pour faire bouger les lignes : il est nécessaire de leur donner l’occasion de s’exprimer et de leur permettre de jouer collectivement la symphonie. Pour cela, le manager devra gérer à la fois le soliste (le haut potentiel), la diversité de chacun, et la performance collective (la dynamique de groupe, la cohésion et l’harmonie de l’équipe) pour transformer la dissonance en unité.
Et répéter veut dire expérimenter : le manager devra mettre au cœur de son activité de nouvelles façons de travailler parmi lesquelles le mode « test and learn », le droit à l’échec… un véritable laboratoire où se créeront de nouvelles mélodies.Garant de la verticalité, le manager est la brique essentielle dans les entreprises qui parviendra à faire vivre en même temps l’horizontalité pour créer de nouvelles synergies collaboratives et transversales. Et les RH ne sont pas en reste pour impulser le changement : ils doivent en être instigateurs pour que toutes ces évolutions s’inscrivent dans l’ADN de l’entreprise. Ils doivent faire rayonner cette nouvelle culture et aider les managers à réaliser cette transition : vers un management ouvert, collaboratif, créateur de valeur. RH, si les managers sont les chefs d’orchestre, vous en êtes les compositeurs !
Pour conclure, laissons les Managers mener le tempo en incarnant le cadre mais en mettant en beauté la complexité. Osez devenir des managers empathiques qui écoutent et qui fédèrent pour créer l’alchimie. L’intrapreneuriat révèle l’incroyable potentiel de collaborateurs qui cherchent à inventer demain : permettons-leur de se mettre en action dans une logique contributive, horizontale, fructueuse et harmonieuse. C’est à ce prix que l’on donnera du sens à cette communauté qui fait du bruit pour se faire entendre, et que nous la mènerons vers une harmonie créatrice de sens.
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