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Les Dix Raisons De Rester En Conflit

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Vous avez au moins dix raisons de rester en conflit. Pourquoi chercher une entente alors que vous pouvez faire un procès par exemple ? Même si « un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès », comme Honoré de Balzac le faisait dire à un de ses personnages de roman, sous forme sarcastique, vous pouvez persister. Je vous explique comment. En fait, Balzac se moquait. Sa moquerie est reprise très sérieusement, dans un esprit bien contre-productif. Et ça marche !

Qui, franchement, voudrait d’une mauvaise chose alors qu’il pourrait en avoir une bonne ? Arrêtons le ridicule. Un mauvais traitement vaut-il mieux qu’une bonne opération ? Dans le genre, on peut se demander si une mauvaise relation vaudrait mieux que la solitude ronchonne ? Hé bien oui, de quoi se tordre la tête, mais une relation désagréable vaut mieux que pas de relation du tout, n’est-ce pas ?

Alors, voici un conseil : pour entretenir une relation dégradée, vous ne devez surtout pas faire appel à un médiateur professionnel. Désormais vous le pouvez, certes, mais vous avez toujours la possibilité de vous adresser à des professionnels de la « gestion des conflits » : ils vous proposent aussi leur médiation gestionnaire. Ils savent créer des liens de dépendances, par procédures ou par manque de savoir-faire autrement. Quant à vous-même, vous disposez d’au moins 10 bonnes raisons pour vous écarter de la médiation professionnelle, laquelle risquerait de vous permettre de trouver un libre accord, de prendre une libre décision, de développer un projet relationnel que vous n’imaginez pas maintenant. Vous risqueriez de changer d’avis parce que vous auriez des idées nouvelles. Dommage pour l’entretien des habitudes de pensée ! D’autant plus que, somme toute, la chance du recours à la décision judiciaire, c’est de vous soumettre, hé bien oui, de vous soumettre à une décision qui ne vous plaira pas. 

10 idées pour ne rien lâcher des conflits qui vous pourrissent la vie. Cette liste en 10 points est à lire doucement, vous en apprécierez d’autant mieux toute la saveur. Voici donc les raisons du cœur – qui auraient plu à Blaise Pascal plus qu’à René Descartes – de ne pas faire appel à un médiateur professionnel, voici les dix raisons de rester en conflit :

  1. Vouloir que votre conflit dure longtemps : ça c’est bon, parce que ça préserve les certitudes, les croyances et les convictions…
  2. Vous contenter de passer de mauvaises nuits, englué dans votre stress : c’est bon aussi pour entretenir l’idée que c’est la faute de l’autre…
  3. Considérer que votre vie est mieux lorsque le dialogue est rompu dans l’adversité, en répétant toujours que la faute est dans l’autre camp : c’est bon aussi pour dire que si vous vous isolez c’est parce que l’autre ne veut pas…
  4. Vous enfoncer dans une amnésie concernant les plaisirs de l’existence : tant qu’il reste quelque chose à ronger, c’est qu’il y a l’espoir que la mémoire revienne en se disant « ah si j’avais su ».
  5. Chercher à entretenir la méfiance et la colère avec leurs relents et leurs aigreurs : le goût des choses changent, quoi qu’il en soit, avec le temps, alors …
  6. Abandonner votre libre-arbitre devenu illusoire pour vous satisfaire de l’hypothèse d’une décision contraignante : vous pourrez continuer à vous dire qu’en réalité on ne peut jamais être vraiment libre… Vous aurez ainsi un point de vue que vous affirmerez très « réaliste ».
  7. Repasser le même disque rayé sur les pseudo-nouveautés de votre perpétuel litige : la répétition est comme un refrain, on s’y habitue et l’habitude est formidable, elle se renouvelle chaque jour sous forme de répétition changeante.
  8. Vouloir entretenir en vous la peur et la frustration : c’est de l’émotion, on y puise quand même de la motivation…
  9. Augmenter votre budget avocats et système judiciaire, en alimentant la table des experts et des huissiers : ça permet de se dire qu’il faut moins dépenser ou plus faire rentrer d’argent… ça donne un objectif. 
  10. Baigner dans le jus de vos plaintes, justifications et récriminations : la victimisation finie toujours par trouver des oreilles attentives…

Et si vous voulez vous pourrir la vie quand la relation est bien dégradée, ajoutez un procès. Bon ou mauvais, il vous emboucanera la vie, même si vous imaginez vous en débarrasser par le biais d’un avocat. Grâce à cette posture anti-libre décision, vous pourrez continuer à croire que le chemin du Droit (illusoirement le plus court) est forcément le meilleur.

Surtout, pour garder votre conflit collé à votre existence comme un chewing-gum entre doigts et chaussures, ne vous adressez pas à un médiateur professionnel.

La gestion des conflits est une pratique fataliste qui repose sur l’idée de la quasi impossibilité de les résoudre. Un bon « gestionnaire de conflit » sait faire : rappels à la loi, leçons de morale, citations foireuses, étiquettes comportementales, explications qui remontent à l’enfance. Il dit :

  • l’accord trouvé pourra être gagnant-gagnant ; comme si on pouvait gagner après avoir perdu et aussi comme si on avait envie que l’autre partie gagne quelque chose dans une solution alors qu’on est encore en conflit ; j’ai un bel exemple récent de la direction d’une banque, imaginant que l’un de ses clients s’enrichissaient à ses dépens, refuse de négocier alors qu’elle est en bonne position, et opte pour une longue procédure…
  • l’accord peut porter sur le désaccord ; comme si on pouvait identifier le désaccord sans être en mesure d’y trouver une solution. C’est plutôt une question de représentation à laquelle le tiers souscrit parce que lui-même s’est pris au jeu du conflit ; là encore, dans une entreprise, ils sont passés nombreux pour tenter de résoudre un différend : conciliateur, médiateur confessionnel, médiateur juridique, arbitrage hiérarchique, psychosociologue et puis en une heure et demie d’intervention, j’ai malheureusement aidé ces gens à trouver le chemin pour enrayer leur processus de pourrissement relationnel ;
  • l’une des parties est de mauvaise foi ; cet argument justifie à lui seul d’aller s’en remettre à un juge. Le tiers s’avoue incapable de faire face à la situation et identifie ce qui fait le blocage. Mais quelle protagoniste d’un différend est d’une bonne foi irréprochable ? Ainsi, tout tiers rencontrant ses limites de compétence peut arguer de la faute d’un autre.

Et si ce candidat à la spéculation sur vos différends argumente en cas d’absence d’accord, c’est que :

  • la médiation (d’autorité, bien sûr) n’y pouvait rien ;
  • que les parties n’étaient pas prêtes (évidemment, les compétences du médiateurs n’y était pour rien ;
  • qu’il y en avait une (au moins) qui ne voulait pas concilier (on dit médiation, on dit arbitrage, on dit conciliation, on mélange tout ça et on proclame une nouvelle formule placée sous une tutelle) ;
  • la mauvais foi explique le positionnement de l’une ou l’autre.

Voilà, vous savez presque tout. A vous de jouer (parce que quand même, la vie est plus animée quand on a des émotions, et on puise où c’est le plus facile, là où ça vient tout seul…)

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