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Les Conversations D’Emilie – La Négociation Est-Elle Un Jeu De Dames?

Par Getty Images

Existe-il un style « féminin » dans la négociation dont les hommes pourraient s’inspirer pour l’avenir ?

On entend des managers dire que les femmes ne négocient pas comme les hommes  et des femmes dire qu’elles ne savent pas négocier. On lit en plus sans cesse qu’elles gagnent 20% de moins que les hommes à poste équivalent.  Ce refrain est vraiment exaspérant ! Ainsi le genre en tant que construction sociale influencerait les styles de négociations, et le style masculin serait  définitivement plus efficace que le style féminin. Cela n’est pas si évident.

Concrètement, ce qu’on voit de caricatural se passe, en fait, en amont de la négociation.  Elles se préparent en se posant des questions conséquentes : « S’il a conscience de tout ce que j’ai fait, alors pourquoi ne m’a-t-il  rien dit, pourquoi a-t-il promu quelqu’un d’autre ? Puisque le prix c’est ma valeur, combien je peux demander ? Et au fond,  les raisons de ma demande sont-elles suffisantes ? ». Eux, ils éclaircissent seulement leurs idées au sujet du déclencheur de leur demande et se lancent: « Puis je te déranger 1 minute ? J’aimerais te parler de mon salaire.  Si je t’embête maintenant, je suis désolé, calons juste un RDV, c’est important pour moi ».  

Cela pourrait sembler ringard de parler d’un style féminin. Pourtant, le constat est  là. La femme, dans cet exemple, torpille toute seule son point de résistance : Elle croule sous le poids de ses questions et ne peut plus fixer son cap. Allons même plus loin. Juste avant le rendez-vous tant attendu, elle  peut avouer que si elle est juste en dessous de son objectif, c’est déjà bien pour elle !

En fait, c’est énervant de constater et de décrire la présence encore et encore de la théorie des rôles. On arrive à l’idée insupportable retenue par les psychologues Stuhlmacher et Walters en  1999 que les hommes réussissent mieux leur négociations grâce à l’esprit de compétition, l’intimidation, la rationalité et la recherche de l’intérêt personnel ; Et que les femmes accorderaient trop d’importance aux relations interpersonnelles, ne placeraient pas la barre assez haut et seraient trop empathiques.

Plus déprimantes encore sont les études de 1991 des deux psychologues américains, Kolb et Coolidge : « le développement social de la femme et le rôle de mère qu’elle est souvent amenée à jouer la pousse à valoriser le rôle nourricier et l’aide dans ses relations sociales, tandis que les hommes sont socialisés à la séparation et à l’individuation ».

Bon, alors en 2018 on fait quoi ? Certes, il y a quelque chose de  l’ordre du comportement acquis. Mais franchement  est-ce normal d’appeler ça encore de nos jours un style « féminin » ?  N’est ce pas absurde de dire  lorsqu’on utilise les relations interpersonnelles et les émotions que c’est féminin ? C’est même insultant pour certains hommes, non ?

C’est d’autant plus absurde que dans certains cadres, la coopération, les émotions et les relations interpersonnelles sont à l’évidence des atouts indéniables.  On parle  des  négociations intégratives ou raisonnées, par opposition aux négociations gagnant-perdant, dites distributives. En effet, les caractéristiques dites « féminines », telles que l’empathie et l’écoute active, sont préconisées dans ce type de négociation car elles favorisent des résultats à gains mutuels.

En bref, si on constate encore un style plus fréquent chez les femmes, prochainement, fort heureusement, on ne l’appellera plus « féminin », certains hommes pouvant l’adopter à juste titre dans les négociations appropriées.  Dans ce monde idéal, on supposera que ces comportements sont neutres, au sens où hommes et femmes peuvent les adopter de façon interchangeable.

Pour arriver a ce point idéal, on peut vivre cette transition comme un jeu. Car le jeu n’est pas l’anarchie. Mais on bouge les règles. Une femme peut être  face à un homme qui choisit ou non, de façon consciente ou inconsciente, d’agir conformément aux stéréotypes masculins (intimidation, comportement compétitif) selon qu’il juge ce comportement efficace ou qu’il se sent à l’aise en agissant ainsi. Elle peut, en conscience elle aussi, jouer, en agissant conformément à son stéréotype ou en mixant les styles pour en créer un nouveau.

Jouer, depuis qu’on est enfant, est une façon de se débarrasser des habitudes et d’explorer tous les possibles.

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