Bien qu’elles représentent 15 à 20 % de la population mondiale, les personnes neurodivergentes — incluant celles atteintes d’autisme, de TDAH, de dyslexie ou d’autres variations cognitives — restent largement sous-représentées dans les postes de direction, malgré les nombreux avantages que la neurodiversité peut offrir à ce niveau. Cette disparité est encore plus marquée chez les femmes, souvent non diagnostiquées et confrontées à des obstacles supplémentaires.
Selon des données récentes de l’Office for National Statistics du Royaume-Uni, seulement 22 % des personnes autistes ont un emploi. De plus, 50 % des cadres britanniques reconnaissent qu’ils n’embaucheraient pas de personnes neurodivergentes. Celles qui travaillent se voient souvent cantonnées à des postes subalternes ou spécialisés, en raison de préjugés les limitant à des rôles isolés au sein de l’entreprise.
Pourtant, les entreprises qui intègrent des leaders neurodivergents bénéficient d’avantages concurrentiels majeurs. Selon un rapport de McKinsey & Company, les équipes diversifiées surpassent les équipes homogènes de 36 % en termes de rentabilité, tandis que les leaders neurodivergents apportent des atouts uniques qui favorisent l’innovation et la croissance.
La neurodiversité chez les femmes dirigeantes : une richesse souvent ignorée
Les troubles neurodivergents comme l’autisme et le TDAH ont longtemps été perçus comme majoritairement masculins, mais des données récentes montrent qu’ils concernent aussi largement les femmes. Près de 80 % des femmes autistes ne reçoivent pas de diagnostic avant l’âge de 18 ans. Ce manque de compréhension fait que les traits neurodivergents chez les femmes passent souvent inaperçus ou sont dissimulés pendant des années. Cela explique pourquoi les garçons sont diagnostiqués trois fois plus souvent avec un TDAH, quatre fois plus souvent avec l’autisme et deux fois plus souvent avec la dyslexie que les filles. De plus, les outils de diagnostic de l’autisme reposent encore principalement sur des modèles masculins, laissant de nombreuses filles et femmes sans diagnostic ni soutien approprié pour gérer leur condition.
Un écart majeur existe entre l’expérience des femmes dirigeantes neurodivergentes et la perception qu’en ont les personnes neurotypiques. Par exemple, des comportements liés à leur neurodivergence sont souvent interprétés à tort comme des défauts de caractère. Ce malentendu persiste, même à mesure qu’elles gravissent les échelons, y compris au poste de PDG, où leurs préoccupations sont parfois ignorées par des médecins estimant que la réussite professionnelle est incompatible avec la neurodivergence.
Ces exemples illustrent le manque de reconnaissance de la neurodivergence chez les femmes dans le monde des affaires. Des traits comme une concentration intense, une communication directe ou des méthodes d’organisation atypiques sont souvent mal perçus, conduisant à des critiques ou à un manque de soutien approprié.
Un argument de poids pour les entreprises
Malgré les jugements erronés auxquels les femmes neurodivergentes font face sur le lieu de travail, elles apportent des atouts uniques aux rôles de leadership lorsqu’elles bénéficient d’un soutien adapté. Ces qualités, précieuses pour l’entreprise, génèrent une valeur durable. Par exemple, des traits associés au TDAH, comme la capacité à jongler avec plusieurs situations, permettent souvent d’anticiper des solutions ou des résultats que d’autres pourraient ignorer. Ce qui peut être perçu comme une pensée dispersée en réunion reflète en réalité une aptitude à gérer simultanément des défis complexes, un atout clé dans le monde professionnel en constante évolution.
Selon des études internes menées par EY en 2023, les équipes avec une proportion plus élevée de partenaires féminins génèrent des revenus et des marges supérieurs. Par ailleurs, les 23 centres d’excellence Neuro-Diverse d’EY à travers le monde ont permis à des professionnels neurodivergents de concevoir des solutions innovantes, économisant des millions d’heures de prestation de services et créant près d’un milliard de dollars de valeur.
Même les grandes entreprises commencent à reconnaître les avantages de la neurodiversité. JP Morgan Chase a lancé en 2015 son programme Autism at Work comme projet pilote avec seulement cinq employés. Le succès a été impressionnant : en six mois, ces collaborateurs neurodivergents ont montré une productivité 48 % supérieure à celle de leurs collègues neurotypiques en poste depuis trois à dix ans. Aujourd’hui, le programme s’est étendu à des centaines d’employés, répartis sur 40 fonctions dans neuf pays.
D’autres grandes entreprises ont obtenu des résultats comparables. Le programme Autism at Work de SAP affiche un taux de rétention de 94 % parmi ses employés neurodivergents. De son côté, l’initiative d’embauche en neurodiversité de Goldman Sachs, menée en partenariat avec Specialisterne, a enregistré un taux d’offre et d’acceptation de 100 % lors de sa première session virtuelle, prouvant que ces perspectives uniques renforcent les capacités organisationnelles.
Les leaders neurodivergents, et en particulier les femmes, offrent des perspectives et des compétences précieuses qui renforcent les performances des organisations. Leurs approches uniques pour traiter l’information, résoudre les problèmes et diriger des équipes ne sont pas seulement un atout, mais deviennent essentielles dans un environnement commercial complexe. Les entreprises qui reconnaissent et soutiennent ces talents distinctifs bénéficieront d’un avantage concurrentiel majeur en termes d’innovation, d’efficacité et de performance collective.
Encourager la neurodiversité dans le monde de l’entreprise
Les entreprises doivent adopter des stratégies concrètes pour construire des environnements inclusifs, permettant aux professionnels neurodivergents de s’épanouir et de maximiser leur contribution à l’innovation :
Repenser les procédures d’embauche et de promotion pour inclure la neurodiversité
Une refonte des procédures d’embauche traditionnelles s’impose. Les entretiens classiques, qui favorisent les compétences sociales au détriment des aptitudes techniques, des qualifications et de l’expérience, excluent souvent des candidats neurodivergents hautement talentueux. Pour y remédier, des entreprises innovantes adoptent des méthodes de recrutement axées sur la performance, mettant en avant les compétences pratiques et les besoins spécifiques du poste.
Cela implique :
- Réviser les descriptions de poste pour privilégier les fonctions essentielles plutôt que des critères sociaux généraux.
- Mettre en place des évaluations axées sur les compétences, mesurant les capacités concrètes nécessaires pour le poste.
- Introduire des entretiens structurés centrés sur l’évaluation des compétences techniques.
- Offrir des aménagements adaptés si besoin et fournir des retours clairs et précis tout au long du processus d’embauche.
Mettre en place des systèmes de soutien pour le leadership en matière de neurodiversité
Le succès commence au sommet. Les entreprises qui avancent réellement dans l’inclusion de la neurodiversité mettent en place des mécanismes spécifiques pour responsabiliser leurs dirigeants. EY, par exemple, évalue ces derniers sur leurs pratiques d’inclusion à l’aide de mesures globales standardisées, offrant ainsi un modèle clair à suivre pour d’autres organisations.
Les systèmes de soutien efficaces comprennent :
- Former les managers et cadres à évaluer les compétences techniques de manière juste par rapport aux compétences sociales.
- Instaurer des programmes de parrainage pour accompagner et soutenir les professionnels neurodivergents.
- Mettre en place des suivis réguliers avec des attentes claires sur les performances et des retours constructifs.
- Développer des indicateurs pour mesurer les pratiques de leadership inclusives.
Créer une sécurité psychologique pour inclure la neurodiversité
L’inclusion réelle va au-delà des politiques officielles. Les entreprises doivent créer des environnements où les professionnels neurodivergents se sentent en sécurité et valorisés.
Les étapes clés :
- Mettre en place des programmes de sensibilisation à la neurodiversité à l’échelle de l’entreprise.
- Fournir aux managers et équipes des outils pratiques pour favoriser l’inclusion.
- Organiser des événements valorisant les avantages de la diversité cognitive.
- Créer des canaux clairs pour recueillir les retours et répondre aux préoccupations.
- Offrir des aménagements tels que la flexibilité, des salles calmes, des bureaux privés ou des espaces de collaboration adaptés.
Développer des parcours de carrière inclusifs
De nombreux professionnels neurodivergents voient leur carrière freinée par des stéréotypes dépassés sur le leadership. Les entreprises doivent concevoir des trajectoires de carrière accessibles, adaptées aux styles de travail et aux forces individuelles.
Cela inclut :
- Collaborer avec les employés neurodivergents pour élaborer des plans de développement personnalisés.
- Proposer des opportunités de mentorat et de coaching.
- Intégrer les employés neurodivergents dans les programmes de développement en leadership.
- Évaluer régulièrement les talents en privilégiant les résultats plutôt que les modèles traditionnels de leadership.
Évaluer et maintenir les progrès réalisés pour intégrer la neurodiversité
Pour intégrer efficacement la neurodiversité, les entreprises doivent aller au-delà des simples chiffres d’embauche et se concentrer sur la rétention, l’évolution de carrière et la contribution des employés neurodivergents.
Pour suivre ces progrès, il est essentiel de :
- Analyser les taux de rétention des employés neurodivergents.
- Étudier les trajectoires d’évolution de carrière.
- Mesurer l’impact des équipes neurodivergentes sur l’innovation et la productivité.
- Recueillir régulièrement les retours des employés neurodivergents sur les efforts d’inclusion.
L’approche consistant à se reposer sur des méthodes traditionnelles freine le développement des entreprises. En revanche, intégrer la neurodiversité au sein des équipes, y compris dans les postes de direction, représente une opportunité stratégique pour stimuler la croissance, l’innovation et le leadership sectoriel. Les entreprises qui investissent dans cette inclusion enregistrent des progrès significatifs en termes de productivité, d’innovation, de réduction des risques, de rétention des talents, d’engagement des employés et de rentabilité.
Une contribution de Kara Dennison pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
À lire également : Intégration des nouvelles recrues : un enjeu stratégique pour l’avenir de l’entreprise
Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook
Newsletter quotidienne Forbes
Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.
Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits