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Les atouts économiques d’un leadership inclusif en faveur de la neurodiversité

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Les atouts économiques d’un leadership inclusif de la neurodiversité. Getty Images

Les politiques de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) se sont longtemps concentrées sur le genre et l’origine ethnique. Pourtant, un aspect fondamental commence à émerger dans le débat : la neurodiversité. Selon l’édition 2024 de la Gen Z and Millennial Survey de Deloitte, 53 % des membres de la génération Z s’identifient aujourd’hui comme neurodivergents. Miser sur ces talents n’est donc plus seulement une question d’inclusion, mais un véritable levier de performance.

 

« L’avenir du travail devra être plus flexible », souligne Rebekah Shrestha, directrice exécutive du Belfer Center for Innovation & Social Impact au 92nd Street Y (92NY). « Les leaders neurodivergents ont la capacité de redéfinir les normes et les modes de fonctionnement en entreprise, avec des bénéfices pour l’ensemble des collaborateurs. »

Longtemps ignorée dans les politiques de diversité et d’inclusion, la neurodiversité représente pourtant un atout considérable pour les entreprises. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Une étude publiée par la Harvard Business Review révèle que les employés neurodivergents, lorsqu’ils bénéficient d’un accompagnement adapté, peuvent être jusqu’à 30 % plus productifs que leurs collègues neurotypiques. Pourtant, seules 10 % des entreprises ont mis en place des politiques formelles pour favoriser leur inclusion.


 

Un programme pionnier pour les femmes dirigeantes neurodivergentes

Face à ce constat, le Belfer Center a récemment lancé un programme inédit : la première bourse dédiée aux femmes dirigeantes neurodivergentes. Imaginée par les boursières du réseau Women inPower, la Cohorte des dirigeantes neurodivergentes vise à soutenir ces leaders en abordant à la fois les opportunités et les défis qu’elles rencontrent dans leurs fonctions. Une initiative innovante pour briser les barrières et promouvoir un leadership plus inclusif.

« Nous nous sommes concentrés sur le soutien aux femmes dirigeantes neurodivergentes parce qu’il n’existait pas de programmes similaires pour les accompagner », explique Mme Shrestha. « L’augmentation du nombre de diagnostics chez les femmes, notamment à un âge avancé, nous a montré que la demande pour ce type de programme était à la fois importante et en pleine croissance. »

La bourse intègre un programme d’études repensé, des bonnes pratiques pour un leadership inclusif et un mentorat assuré par des leaders et alliés neurodivergents. Pour sa première édition, la cohorte rassemble 46 boursiers, dont 15 issus du programme dédié aux leaders neurodivergents. Venus de secteurs variés – affaires, technologie, droit, médecine et médias – ils illustrent l’impact que ces talents peuvent avoir à tous les niveaux de l’économie.

 

Un leadership entravé : pourquoi les femmes neurodivergentes restent-elles en marge ?

Malgré les bénéfices avérés d’un environnement professionnel plus inclusif, les femmes neurodivergentes font encore face à des obstacles majeurs. Trop souvent perçues comme « problématiques » ou « dominatrices », elles se retrouvent contraintes de masquer leur identité pour mieux s’intégrer. L’incompréhension de certains styles de communication neurodivergents – comme la franchise, l’évitement du contact visuel ou une sensibilité accrue aux stimuli sensoriels – limite leurs opportunités d’accéder à des postes de leadership.

« Il est déjà difficile de progresser en tant que femme dirigeante », souligne Mme Shrestha. « Pour les dirigeantes neurodivergentes, la crainte d’ajouter une différence supplémentaire peut être un frein. Nos environnements de travail sont construits autour d’une définition très rigide du leadership. Toute déviation par rapport à cette norme peut sembler risquée. »

La bourse entend répondre à ce défi en aidant les participantes à capitaliser sur leurs forces, à identifier les aménagements nécessaires et à développer des compétences en autopromotion. Un enjeu clé, alors que selon une étude d’ADDitude Magazine, 79 % des femmes neurodivergentes déclarent souffrir d’épuisement professionnel, souvent en raison d’une surcharge sensorielle, de conditions de travail rigides et d’un manque de soutien.

 

Repenser le lieu de travail : de l’aménagement à une inclusion réelle

Créer un environnement inclusif pour les employés neurodivergents ne se limite pas à quelques ajustements – cela implique de redéfinir l’organisation du travail. Mme Shrestha met en avant plusieurs mesures concrètes que les entreprises peuvent adopter :

  • Optimiser la communication : partager les ordres du jour, les plans des bureaux et les détails des événements à l’avance.
  • Favoriser des environnements flexibles : permettre le travail à distance, des horaires aménagés et des espaces de travail personnalisables.
  • Diversifier les modes de feedback : proposer différentes manières de donner et recevoir un retour, en tenant compte des préférences et des forces de chacun.
  • Apporter un soutien sensoriel : intégrer les casques anti-bruit, bouchons d’oreille et autres outils sensoriels aux ressources standard de l’entreprise.

« Nous considérons souvent les demandes d’aménagements comme une contrainte », souligne Mme Shrestha. « En réalité, un employé qui cherche à maximiser sa productivité, c’est un atout, pas un inconvénient ! »

 

Un leadership hors des sentiers battus

L’enjeu d’un leadership plus inclusif ne se limite pas aux aménagements individuels : il s’agit de redéfinir les codes du leadership, et les femmes neurodivergentes sont en première ligne de ce changement. « On propose souvent aux femmes un modèle de leadership basé sur l’intelligence émotionnelle et la diplomatie », explique Mme Shrestha. « Or, ce n’est pas représentatif de toutes les façons d’être un leader efficace. J’espère que cette bourse inspirera d’autres initiatives similaires et contribuera à élargir notre conception du leadership. »

Isabella Ghassemi-Smith, responsable du prix Aurora Tech chez inDrive, partage ce constat : « Les femmes qui accèdent à des postes de direction rencontrent encore des obstacles systémiques. Même lorsqu’elles parviennent à y arriver, les structures et les environnements de travail ne sont pas conçus pour elles. »

Selon le rapport Women in FTSE 100 2022 de la Cranfield School of Management, les femmes n’occupent que 6 à 7 % des postes de direction au sein des grandes entreprises du FTSE 100. Un défi encore plus grand pour les femmes neurodivergentes, qui doivent composer avec des biais liés à la fois à leur genre et à leur manière de penser et de travailler. « En résumé, de plus en plus de femmes créeront leur propre espace », ajoute Mme Ghassemi-Smith. « Avec le travail à distance, la gig economy et l’essor des réseaux sociaux, elles ne se contenteront plus de trouver une place, elles lacréeront elles-mêmes. »

 

Bâtir un avenir inclusif

La bourse 92NY Women inPower n’est qu’une illustration de la façon dont les organisations peuvent ouvrir la voie à la neuroinclusion. Mais le changement doit se concrétiser à tous les niveaux : du recrutement à l’intégration, en passant par la promotion et le développement du leadership.

Isabella Ghassemi-Smith souligne les actions concrètes que les entreprises peuvent mettre en place pour favoriser ce changement :

  1. Structures de promotion basées sur la performance : veiller à ce que les promotions soient fondées sur les résultats, et non sur des critères biaisés.
  2. Congé parental égalitaire : mettre en place des politiques qui n’entravent pas la progression professionnelle des femmes.
  3. Opportunités de parrainage : les hommes doivent soutenir activement les femmes dans leurs fonctions de direction.
  4. Soutien psychologique : offrir des ressources qui favorisent la confiance en soi, les capacités de négociation et la résilience.

« L’essentiel est de reconnaître que de nombreuses personnes dans une organisation sont neurodivergentes et qu’elles peuvent avoir besoin de faire les choses différemment pour exprimer tout leur potentiel », explique Mme Shrestha. « Intégrer des pratiques inclusives dans les routines quotidiennes permet à chacun de donner le meilleur de soi-même sur le lieu de travail. »

 

Un mouvement, et non une mode

Investir dans les talents neurodivergents va au-delà d’une simple initiative DEI : c’est un levier pour l’innovation, la productivité et la résilience. À mesure que de plus en plus d’organisations emboîteront le pas de programmes comme la bourse Women inPower, cet élan transformera non seulement les carrières individuelles, mais aussi des secteurs entiers.

« Mon message pour ce changement est simple », déclare Mme Ghassemi-Smith. « Sortez de votre zone de confort. C’est le moment de construire votre propre avenir. Parce que si nous continuons à attendre que les choses changent, nous serons toujours à la merci du calendrier des autres. »

Pour les entreprises et les leaders prêts à embrasser l’avenir du travail, investir dans les talents neurodivergents est bien plus qu’une démarche éthique, c’est une véritable stratégie gagnante.

 

Une contribution de Jennifer Jay Palumbo pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie


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