💡 TRIBUNE | Bien que de nombreuses avancées en matière de droits des femmes aient été réalisées au cours des dernières décennies, un domaine résiste encore et toujours à la parité : le marché du travail, et plus particulièrement la participation aux postes dirigeants.
Tribune rédigée par Ekaterina Netchaeva, Professeure Assistante de Management et Ressources Humaines à HEC Paris
Bien que de nombreuses avancées en matière de droits des femmes aient été réalisées au cours des dernières décennies, un domaine résiste encore et toujours à la parité : le marché du travail, et plus particulièrement la participation aux postes dirigeants.Si les figures masculines de leadership sont légion, difficile de trouver le pendant féminin d’un Jeff Bezos ou d’un Elon Musk. Et ce n’est pas la recherche que mes co-autrices Leah Sheppard, professeure associée de l’Université de l’Etat de Washington, Tatiana Balushkina, professeure assistante à l’Université Franklin Suisse, et moi-même avons menée qui contredira ce constat. Notre étude montre en effet qu’aux États-Unis, depuis 1960, les femmes ont toujours moins tendance que les hommes à exprimer l’envie d’assumer des fonctions de direction.
Nous avons analysé 174 échantillons d’études des 60 dernières années autour du leadership, soit à un panel de plus de 138 000 participants, ce qui nous a permis d’évaluer les aspirations en matière de leadership dans diverses disciplines, notamment l’économie, la psychologie, le droit et la gestion.
En tenant compte des recherches antérieures démontrant la relation entre les aspirations au leadership et son émergence, les simulations que nous avons effectuées sur la base de nos résultats indiquent qu’en moyenne 1,1 homme pour 1 femme aura été promu après un poste de premier échelon. Si cet écart global peut sembler minime, il est durable et se creuse à mesure que les échelons augmentent. Nos simulations montrent également que les hommes sont 2,13 fois plus nombreux que les femmes aux niveaux de leadership les plus élevés. Loin d’avoir diminué, l’écart femmes-hommes aux postes à responsabilité a stagné.
Notre méthodologie ne nous a pas permis de déterminer les raisons exactes de ces résultats, mais notre connaissance issue des recherches précédemment publiées nous a permis de faire quelques spéculations. Il est possible que les expériences négatives des femmes en matière de discrimination, de sexisme sur le lieu de travail et de préjugés contribuent à émousser leur désir d’occuper des postes de direction. Par ailleurs, nous pensons que l’« auto-stéréotypisation », soit une situation où la personne intériorise les stéréotypes liés à son genre et s’y conforme volontairement, joue également un rôle significatif. En d’autres termes : les femmes intériorisent un stéréotype commun, qui les amène à se trouver moins de ressemblances avec un leader et, par conséquent, à moins prétendre à des postes de direction. Enfin, il est possible que la difficulté, existante ou anticipée, à combiner à la fois une carrière et une vie de famille joue un rôle dans la réduction de leurs ambitions.
Le constat paraît pessimiste : que faire si les femmes utilisent elles-mêmes les instruments de leur propre discrimination ?
La France semble se poser en contre-exemple et fait figure de très bonne élève. Selon le cabinet Ethics & Board, les femmes représentent 46 % des membres des conseils d’administration et de surveillance des sociétés du CAC 40, hissant ainsi l’Hexagone en championne européenne et mondiale de la féminisation des instances de direction. Voilà de quoi proposer des modèles de leadership au féminin et potentiellement inspirer d’autres femmes à suivre le pas !
Ces chiffres sont en partie dus aux différentes législations sur les quotas paritaires aux postes de direction qui ont été votées ces dernières années. On pense particulièrement à la loi Copé-Zimmermann de 2011 imposant un quota de 40 % de femmes dans les conseils d’administration et à la loi Rixain, adoptée en décembre 2021, qui imposera un taux de représentation d’au moins 30 % de femmes en 2027 puis de 40 % en 2030 parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes des entreprises d’au moins 1 000 salariés.
D’autres moyens, moins institutionnels mais indispensables, d’inspirer les femmes à incarner le pouvoir au sein des entreprises existent. Parmi eux : des politiques familiales ainsi qu’une meilleure articulation entre vie privée et vie professionnelle afin de ne pas décourager les mères à poursuivre leur carrière. L’accompagnement des femmes par des mentors ou encore l’incitation à assumer des rôles de direction moins formels, par exemple dans le cadre de projets d’équipe, peuvent également permettre de revisiter les clichés de genre. Et rendre l’accès à un poste de direction alors envisageable.
Bien entendu, toutes ces questions doivent être discutées individuellement entre managers et employées afin de garantir que chaque femme reçoive le soutien spécifique dont elle a besoin.
Dès lors, si les femmes ont un travail de déconstruction lié aux stéréotypes de genre à faire, elles ne pourront briser le plafond de verre qu’avec l’aide de l’action publique et des entreprises, qui doivent se montrer enclines à les accompagner.
Tribune rédigée par Ekaterina Netchaeva, Professeure Assistante de Management et Ressources Humaines à HEC Paris
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