Oui, l’entreprise est vivante, un organisme vivant. Un rappel utile pour tous ceux qui ont fait le choix de transformer leur organisation avec l’holacratie mais continuent de penser qu’un cercle est une équipe. Une assertion qui n’a donc rien d’une métaphore. L’organisation, de façon tout à fait concrète, est un organisme vivant, non humain.
Il est facile de constater que de plus en plus de personnes qualifient l’entreprise de vivante. Nombreux sont ceux qui ont assisté à des conférences, des formations qui mettent en lumière cette réalité. De plus en plus, dans ce contexte, on entend parler de sujets comme les principes du vivant, de biomimétisme ou encore de processus organiques. Pourtant, il est légitime de se questionner sur la pertinence de tout cela. Sommes-nous face à une forme de mode ou ce mouvement correspond-il à une réalité ? Sommes-nous en face d’une réflexion qui se veut d’abord métaphorique, presque poétique, ou face à une réalité ? Nouvelle langue, nouvelle doxa ? Surtout, qu’entend-on vraiment quand l’entreprise est définie comme vivante. Et, in fine, ces questionnements nous renvoient à cette question essentielle : qu’est-ce qu’une entreprise ? Au fond, qu’est-ce qu’une organisation ?
L’organisation est un écosystème vivant
Ce questionnement nous l’avons depuis plus de quinze ans. Il a guidé nos travaux dès l’origine. Depuis le départ, l’entreprise y est décrite comme un organisme vivant. Un concept repris et illustré dans la BD “Une nouvelle technologie : l’Holacracy” où les organisations sont des matrices, des êtres vivants à part entière, d’une espèce vivante différente des êtres humains, dotés de leur propre identité et non visibles. Pour preuve, à l’intérieur de cette matrice, les personnes sont « moins bien qu’elles-mêmes ». Dans l’entreprise, hommes et femmes se révèlent le plus souvent moins bien que ce qu’ils sont dans un cadre privé. Moins autonomes, moins responsables, moins capables de trancher, de prendre des décisions importantes. Sans doute peut-on d’ailleurs voir là une des explications à cette « grande démission » qui fait l’actualité et que connaissent de nombreuses entreprises de tous secteurs. Une réalité révélatrice du caractère hors-sol de cet écosystème entreprise-personne. En somme, la vie est absente.
Les entreprises sont encore souvent des êtres vivants qui sont dominées et pas assez respectées, tantôt par les actionnaires, la Bourse ou encore les dirigeants. A leur tour, les entreprises par voie de conséquence, maltraitent la plupart des humains qui y travaillent. Une réalité observée par exemple dans le comité de direction de cette grande enseigne de la distribution. A chaque fois remontait ce problème de tension entre la production et le commercial. Une situation qui débouchait systématiquement sur la “sortie” du directeur commercial en place. Aucune prise de recul. L’explication se faisait toujours par le prisme d’un problème de personne. En réalité, le problème était ailleurs. L’organisation demandait à vivre. La structure, le corps de l’organisation demandait à évoluer.
C’est sans doute ce qui a poussé en 2013 le CEO de Zappos, le regretté Tony Hsieh, a opter pour l’holacratie. Pour expliquer ce choix, il aimait utiliser la métaphore de la ville. “La recherche montre que lorsque la taille d’une ville double, l’innovation et la productivité par habitant augmente de 15 pour cent. Mais lorsque la taille des entreprises augmente, l’innovation et la productivité par employé tend généralement à baisser. Aussi, nous sommes en train de chercher à structurer Zappos plus comme une ville que comme une société bureaucratique. Dans une ville, les gens et les commerces s’auto-organisent. Nous essayons de faire la même chose en passant de la structure hiérarchique habituelle vers un système appelé Holacracy, qui permet aux employés d’agir plus comme des entrepreneurs et d’auto-déterminer leur travail au lieu de s’en référer à un manager qui leur dit ce qu’il faut faire.”
Aucun doute donc. L’entreprise est vivante et l’organisation est un organisme vivant doté de sa propre identité – distincte de celle de son fondateur ou de celle des personnes qui la compose. Cet organisme vivant n’est autre que l’expression de l’énergie créatrice, que le potentiel de création de valeurs, que la raison d’être de l’entreprise.
À ce titre, les principes sources, la raison d’être évolutionnaire et le potentiel de création de valeurs rendent compte de cette vie et de l’énergie que celle-ci génère. Une vie qui n’est pas d’ordre humain mais qui existe bel et bien. Rien de métaphorique ou même de poétique ici. Ni une invitation à évoluer ou à changer. L’entreprise est simplement et concrètement un organisme vivant. Parce que non visible, cette réalité reste parfois difficile à appréhender. D’où la nécessité d’en rendre compte au travers d’une carte aux six territoires, d’une façon systémique : Trois systèmes : l’individuel, le collectif et l’entreprise. Chacun scindé entre ce qui relève du visible et de l’invisible. Au niveau de l’entreprise, rien d’humain et donc rien de visible à moins d’utiliser un nouveau moteur tel l’holacratie. Celle-ci permet de commencer à révéler le corps de l’entreprise, de le rendre visible : rôles, cercles, etc. L’holacratie rend la structure visible. Or, c’est cet invisible – qui devient visible – qui est le plus important. Une réalité qui vient s’inscrire dans l’ambition du management constitutionnel, à savoir créer un nouveau cadre, des nouveaux contextes qui visent à empuissancer les personnes et à mettre en lumière le caractère vivant des entreprises. Car, si on les rend vivantes, elles seront en mesure de changer aussi vite que le changement. Une ambition sous-tendue par trois principes dont celui de rendre explicite le code ADN de l’organisation, grâce aux rôles, pour la doter des capacités d’adaptation, au fil de l’évolution de la réalité, via les tensions ressenties par l’ensemble par l’ensemble des collaborateurs dans leurs rôles respectifs.
Systèmes évolutionnistes
Concrètement, tout système vivant fonctionne avec quatre éléments, quatre attributs nécessaires pour le caractériser. Le premier est son code ADN, incarné dans notre cas par le rôle. Le deuxième est un moyen d’expression de ce code. L’entreprise et ceux qui la composent expriment ce code en exerçant leur rôle. Puis, troisième élément nécessaire : la fonction « fitness ». Il s’agit en quelque sorte d’une fonction de survie. Celle-ci va tester le code et faire ressortir les tensions qui impliquent un changement pour assurer la pérennité du code. Enfin, pour boucler les choses, il faut un mécanisme qui va permettre d’altérer le code, de faire bouger le corps vers la structure requise. Un mécanisme incarné par la réunion de gouvernance.
Révéler le code ADN de l’entreprise
Ce code ADN est le point de départ de cette réflexion et du processus qui en découle. Rien de métaphorique ou de poétique dans ce travail. L’entreprise est vivante, réellement vivante. A ce titre, elle n’est donc pas – uniquement – centrée sur l’humain.
Ce code est d’abord constitué par les rôles qui sont présents au sein de l’entreprise, combinés à des règles qui dictent la façon dont ils opèrent et interagissent. Ainsi, on peut définir le management constitutionnel autour du moteur holacratie comme une façon de rendre explicite le code ADN de l’entreprise qui s’exprime au travers des opérations. Un code qui évolue en fonction des tensions organisationnelles – limites ressenties dans l’exercice de leurs rôles – restituées par les salariés, notamment lors des réunions de gouvernance. L’entreprise se dote ainsi d’un ADN calé sur son évolution.
C’est là qu’apparaît la notion de structure requise que l’on doit à Eliott Jaques. Selon lui, il y a trois structures. La structure formelle qui comprend tout ce qui est explicite – l’organigramme par exemple. Il y a ensuite la structure existante ou réelle qui intègre un ensemble de réalités et de dimensions implicites – les relations intimes entre salariés par exemple. Il y a enfin la structure requise, que l’on peut qualifier d’idéale mais qui ne cesse d’évoluer et nécessite donc une quête perpétuelle.
Révéler le code ADN de l’entreprise – et exprimer en cela son caractère vivant, sa raison d’être – passe invariablement par la notion de tension organisationnelle. C’est en cherchant à réduire l’écart entre l’existant et la cible, l’idéal que l’organisation vit et progresse. Au travers du mécanisme de gouvernance, elle s’adapte pour être là où elle doit être.
L’entreprise est donc un être vivant. Au sens littéral du terme. Dès lors, arrêtons de tout focaliser sur l’humain pour nous tourner vers quelque chose de plus large ; la vie qui englobe également les hommes. Dans ces conditions, chaque organisme vivant doit avoir sa place sans être dominé par un autre. C’est le cas aussi des entreprises. A ce titre, l’humain n’y est qu’une composante parmi d’autres.
Mais, parce qu’elle est invisible – en tant qu’organisme vivant – elle doit être révélée en rendant visible son code ADN, sa structure organique (rôles) pour qu’elle puisse prendre toute sa place et grandir sans être contrainte par une forme d’opacité qui a la vie dure. Dans ces conditions, la situation devient profitable à toutes les parties prenantes, humaines ou non humaines ; pour l’écosystème où chaque élément vit en symbiose avec les autres.
Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook
Newsletter quotidienne Forbes
Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.
Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits