L’entreprise « digitale », c’est-à-dire acquise à la transformation numérique, se positionne a priori dans la logique du ‘smart working’ plus que du ‘hard working’. La démarche est fondée sur un état d’esprit qui valorise l’autonomie et la responsabilisation des personnels, incités à la créativité en équipe et en réseau, dans un contexte de gouvernance « éclairée ».
Il est peu question de ‘smart entreprise’ alors que le concept de ‘smart city’, ou ville intelligente, est aujourd’hui largement répandu. Il suggère des services sociaux modèles, un habitat urbain agréable, rehaussé par des espaces verts, une utilisation de modes de transport ‘soft’ (vélos, segways, véhicules électriques…) et le recours à des énergies vertes, renouvelables. En clair, il s’agit de penser une cité plus humaine, où il fait bon vivre ensemble. Ne serait-ce pas transposable à l’entreprise ?
Les start-up font généralement référence en la matière. C’est un peu plus compliqué lorsque l’entreprise existe depuis 30 ou 50 ans et compte plusieurs milliers de salariés… Mais il est toujours possible de transformer un ou plusieurs services comme il est possible de rénover tout un quartier urbain. Certains grands groupes se rapprochent des start-up en leur laissant leur totale autonomie ou en leur accordant le statut de filiales indépendantes.
Pour le Syntec (France), « l’intelligence de la Ville, c’est de pouvoir utiliser les technologies de l’information pour garantir le bien-être de ses administrés, son développement économique et durable, dans le cadre d’une gouvernance maîtrisée ».
De même, ce qui rend attrayant le modèle des start-up, c’est souvent la qualité des relations humaines. Ceci explique l’engouement des jeunes diplômés en leur faveur. Pourtant, toutes les start-up ne sont pas nécessairement ‘smart’ et certaines grandes entreprises peuvent être qualifiées de ‘smart’ sans jamais avoir été ‘start-up’.
« Faut-il mettre du numérique partout pour être « smart » ou une simple ‘app’ peut-elle suffire? », interroge Olivier Seznec, directeur du cabinet Smart Use. « Certaines villes jouent très bien de cette ambiguïté. (…) L’innovation réelle, c’est de rendre l’entreprise comme la ville plus efficace, durable et agréable à vivre plutôt que d’invoquer des ratios de points d’accès WiFi ou de capteurs par habitant au mètre-carré… »
Responsabilité sociale, développement durable et éthique
Les entreprises ont recours à des indicateurs mesurant, par exemple, la RSE (responsabilité sociale) ou la performance énergétique et les initiatives de développement durable. Et de plus en plus d’agences de notation prennent en compte désormais la bonne conduite éthique du ‘top management’.
On observe également qu’il n’existe pas de modèle idéal de ville intelligente. Chaque collectivité développe ses projets en fonction de son contexte local, de son histoire et de ses ressources. Elle doit construire une vision de son avenir qui soit attractive.
Dans l’entreprise, il s’agit tout autant d’instituer une nouvelle gouvernance associant l’ensemble des acteurs. L’enjeu, c’est de décloisonner une gestion souvent hiératique, organisée en silos.
La mutualisation des données, l’intégration des réseaux et des flux permettent d’améliorer la qualité des produits et des services.
Lean et soft management
L’entreprise devient ‘smart’ en s’imprégnant de ces valeurs. Le caractère ‘smart’ d’une entreprise, non start-up, pourrait être réduit à l’intégration des nouvelles technologies et à la transformation numérique de ses processus internes. Cela se traduit généralement par un accroissement de la rentabilité et une meilleure réactivité ou « agilité » face à la concurrence et aux aléas économiques.
Pour devenir ‘smart’, une entreprise ne se contente pas de collecter et d’analyser de vastes quantités de données, ni de déployer des « workflows » automatisés. Elle doit parvenir à une plus forte responsabilisation de ses personnels, s’orienter vers le « lean management » visant à réduire les niveaux hiérarchiques lors de la préparation et du déploiement des projets.
Le concept d’employabilité
Sous l’influence des start-up, les grandes organisations sont challengées par les jeunes diplômés. Le salaire n’est plus le seul argument. L’organisation doit montrer qu’elle suscite une réelle attractivité et une mobilisation grâce à des initiatives d’innovation. Elle doit cultiver l’esprit d’autonomie, y compris jusqu’à certaines prises de risque. De même, la connectivité à l’extérieur du bureau est devenue un critère clé. Il ne s’agit plus seulement de limiter les déplacements et l’empreinte CO2 mais de gagner en qualité de travail en facilitant la collaboration à distance via les téléréunions, en utilisant les réseaux sociaux.
La ‘smart entreprise’ encourage la prise de risques et l’innovation. Certaines start-up n’hésitent pas à laisser un jour par mois à leurs collaborateurs pour qu’ils développent leurs compétences. Il s’agit aussi de développer le sens des initiatives, en acceptant le droit à l’erreur et le droit à la parole. Sans jouer les ‘bisounours’, les dirigeants pratiquent un management ‘soft’, visant à valoriser les réussites des salariés, à repérer et écouter les employés les plus stressés, à organiser des ateliers ou séminaires internes, à pratiquer le ‘reverse monitoring’ (où ceux de la génération Y partagent leur savoir-faire avec les seniors).
La qualité de ‘smart entreprise’ rejoint ici le concept récent d’employabilité : c’est la capacité donnée aux collaborateurs de développer leurs connaissances et leurs qualifications, de pouvoir progresser dans leur travail et d’être mieux armés face aux évolutions professionnelles.
Cela signifie l’acquisition de savoir-faire et de techniques nouvelles, notamment grâce à des formations et sessions d’adaptation, dans un esprit d’équité sociale.
Les mêmes valeurs
Il reste que l’entreprise privée a pour objectif d’être bénéficiaire et de rémunérer ses investisseurs et actionnaires, alors que la collectivité tient son budget à l’équilibre sans faire de profit. Mais les deux peuvent partager les mêmes valeurs : la ‘smart’ entreprise, financièrement saine, visionnaire, durable, innovante, « apprenante » et collaborative peut fort bien s’inspirer de la ville ‘intelligente’ qui se donne comme priorité la qualité de vie et le « bien vivre ensemble », pour le meilleur coût supportable par tous.
= = = = =
SOURCES
http://tnova.fr/rapports/la-qualite-de-vie-au-travail-un-levier-de-competitivite
https://www.telecom-paristech.org/#/article/-revue-telecom-178-inventer-la-ville-de-demain-objets-connectes-l-internet-du-futur/16/11/2015/1777
= = = =
Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook
Newsletter quotidienne Forbes
Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.
Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits