Si l’année 2022 a été témoin d’une grande démission suite à la crise sanitaire, c’est actuellement le quiet quitting, autrement dit, la démission silencieuse, qui prend le devant de la scène. Négativement surpris de découvrir que l’herbe n’est pas plus verte ailleurs, de nombreux collaborateurs confient regretter avoir quitté leur poste. Une grande partie d’entre eux avoue également être plus frileuse à démissionner au regard du contexte géopolitique. Pour toutes ces raisons, de plus en plus de salariés ont décidé d’adopter le credo suivant : rester à son poste mais faire ce qu’il y a à faire, ni plus, ni moins. Le résultat ? Des dirigeants confrontés à allouer des coûts importants pour des collaborateurs démotivés et donc moins performants. Face à ce problème majeur, quels leviers activer en interne pour réengager les salariés dans une dynamique collective et une culture d’entreprise ?
Une hausse de la démission silencieuse : fruit d’une dissonance cognitive appuyée
En 2022, selon le ministère du travail, on comptait 520 000 démissions par trimestre sur un an. La crise sanitaire, en rééquilibrant les temps de vie, a profondément transmué et remis en question l’organisation du travail. Alors que 60% des salariés conférait au travail une place très importante en 1990, ils n’en sont aujourd’hui plus que 20% . En parallèle, les enjeux climatiques actuels et l’ouverture de la parole sur le bien-être des collaborateurs ne font que creuser un écart déjà notable. 39% des salariés du privé déclarent ressentir un décalage entre leurs convictions sur les enjeux socio-écologiques, le métier qu’ils exercent et les activités de leur entreprise. Cette dissonance cognitive accentue fortement le découragement des salariés pour qui les missions du quotidien ne remplissent pas leurs besoins de contribution et ne sont pas alignées avec leurs valeurs personnelles. De facto, elle amène à une remise en question et à une démotivation face à une charge de travail similaire voire exponentielle pouvant provoquer l’épuisement professionnel ou encore le bien connu burn out.
Alors qu’elles pensaient que démissionner était la meilleure décision à prendre, 72% des personnes interrogées affirment cependant que leur nouveau poste ou leur nouvelle entreprise n’est pas à la hauteur de leurs espérances. 48% d’entre elles confient même avoir essayé de récupérer leur premier emploi . Face à ce constat déceptif, la grande démission a rapidement fait place au grand regret. En parallèle, au regard de l’inflation, plus d’un collaborateur se sent freiné à l’idée de démissionner. Contrairement aux États-Unis, être détenteur d’un CDI en France est révélateur d’une certaine légitimité (accès à l’emprunt, au logement dans certaines grandes villes…) mais également d’une reconnaissance sociale. Si partir ne constitue plus une option, rester dans ces conditions de travail n’en est pas une non plus.
C’est la raison pour laquelle, dernièrement, 37% d’actifs français ont fait le choix de conserver leur poste mais de ne plus s’investir autant au travail. On les nomme les “quiet quitters”. Pour ces derniers, il est urgent de trouver du sens ailleurs, en dehors de leur seule vie professionnelle. Pour cela, hors de question de quitter le bureau au-delà des horaires de travail ou de remplir des missions ne figurant pas sur leur fiche de poste. A l’heure actuelle, 45% des Français déclarent avoir pris le tournant de “faire juste ce qu’il faut” afin d’allouer du temps pour effectuer des actions alignées avec leurs valeurs (rejoindre une association, se mettre en action pour le climat, lancer un projet entrepreneurial…). Cette nouvelle tendance révèle de vrais questionnements, avant tout du côté des décideurs. Quand on sait qu’un employé désengagé coûte 11 660€ par an en moyenne à l’entreprise, on comprend les enjeux des chefs d’entreprise d’activer les bons leviers pour réengager leurs salariés. Il n’en reste pas moins que ce phénomène est l’illustration d’un manque de satisfaction généralisé de la part des salariés dont l’agacement se cache souvent sous l’égide du fameux “à quoi bon?”.
Imaginer l’entreprise engagée de demain pour pallier la démission.
24% des salariés estiment que la profession qu’ils exercent actuellement n’a pas de sens pour eux et se sentent éloignés de leurs valeurs personnelles. Ce chiffre, encore appuyé par un désengagement salarial croissant, ne fait que pointer du doigt une organisation qui montre aujourd’hui ses limites et court tout droit à l’échec. En effet, les collaborateurs ont de nouvelles attentes de la part de leur entreprise. S’ils se désengagent, c’est avant tout pour se protéger et conserver leur énergie à la réalisation de tâches qui remplissent leur besoin de contribution. Ce constat soulève donc urgence à repenser en profondeur le monde du travail. Et pour effectuer cette transition, les changements doivent s’effectuer en interne, au sein-même des entreprises. Si la plupart des salariés déplorent une inaction notable de la part de leur société, un tiers d’entre eux reste convaincu qu’elle constitue un levier majeur et prioritaire du changement. Deux salariés sur trois confient être prêts à gagner moins d’argent pour un travail qui a plus de sens , il y a donc une réelle demande de leur part dont il convient de prendre la mesure.
Concrètement, comment s’effectue le changement ? Avant tout dans le partage de valeurs communes qui constitue un fort levier de rétention des talents. En ce sens, la mise en place d’une stratégie RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) n’est plus une option. Les collaborateurs ont besoin de savoir que la société, dans laquelle ils évoluent, agit en cohérence avec leurs engagements personnels. Il n’en reste pas moins que si les entreprises veulent réengager leurs collaborateurs, elles doivent être à même de leur proposer des missions qui font sens pour eux. Les actions à mener peuvent prendre plusieurs formes telles que le mécénat de compétences (travailler sur son temps de travail au profit d’une association). Permettre aux équipes de mobiliser leurs compétences professionnelles auprès de structures qui leur tiennent à cœur est essentiel pour remplir leur besoin de contribution. Cela permet de réorienter les perspectives des employés vis-à-vis de leurs fonctions en donnant plus de sens et de finalité au travail. La mise en place de tels dispositifs est un vecteur non négligeable pour renforcer la fierté des collaborateurs et donc leur sentiment d’appartenance à l’entreprise. Un argument non négligeable si l’on prend en compte la marque employeur. 87% des salariés français estiment que trouver du sens au travail renforce la recommandation de son entreprise à des tiers extérieurs
Tribune rédigée par Elise Thibault Gondré, fondatrice de Day One
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