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Laissez Partir Vos Talents

Korn Ferry

Certains des salariés les plus compétents et les plus efficaces ne se projettent pas à long terme dans une entreprise : ils viennent y chercher un projet motivant et complexe, avant de relever un nouveau défi ailleurs. Ce genre nouveau de talents est précieux ! À condition d’anticiper et d’accepter leur mobilité.

Il y a quelques jours avec un responsable du recrutement d’une grande entreprise industrielle, nous échangions sur son choix de ne pas sélectionner un candidat dont le profil correspondait pourtant parfaitement à ses besoins :
« – Pourquoi n’avez-vous pas retenu monsieur X au poste de CDO, vous sembliez penser qu’il avait le profil idéal.
– Pour être franc, le candidat remplit l’ensemble de nos critères pour ce poste mais il a régulièrement changé d’employeur et sa plus longue expérience n’est que de quatre ans… J’ai peur qu’il ne s’engage pas à long terme chez nous et qu’il nous quitte de manière toute aussi rapide. »

La même semaine, un candidat m’annonçait qu’il allait quitter l’entreprise dans laquelle je l’avais placé il y a à peine dix-huit mois :
« Cher Philippe, je vous informe que je quitte l’entreprise Y. Je suis arrivé à la fin de mon projet, les équipes et les outils sont en place, il est temps pour moi maintenant de chercher un nouveau challenge professionnel. »

En tant que recruteur, il n’est pas rare de gérer ce type de situation où un talent compétent quitte l’entreprise moins de deux ans après son intégration, une fois sa mission remplie. De l’autre côté, les entreprises ne sont pas toujours prêtes à recruter des profils qui ne se projettent pas à moyen ou long terme dans une organisation et qui raisonnent en termes de projets. Pourtant, cette tendance est réelle : rejoindre une entreprise dans laquelle les mouvements de carrière sont connus et anticipables fait peur à certains profils. Il faut donc apprendre à laisser partir certains talents et à infléchir dans certains cas la façon dont les entreprises les gèrent. La perte des talents n’est pas une fatalité et les entreprises ne doivent pas en avoir peur : elles doivent au contraire l’accepter et se préparer à gérer ce type de carrière par projets.

Changer d’état d’esprit et accepter ces nouveaux « employés challenges »

Les investissements des écoles et des entreprises dans le digital et la technologie ont pu laisser croire qu’il y aurait suffisamment de collaborateurs formés pour prendre en charge les métiers de demain. Pourtant, des études révèlent que les entreprises auront à faire face à une pénurie de talents : nous estimons ce déficit à 85 millions de personnes dans le monde d’ici 2030, tous secteurs confondus. En parallèle, les nouveaux entrants, notamment ceux qui sont arrivés sur le marché du travail depuis une dizaine d’années, fonctionnent de plus en plus en mode projet et se projettent plus rarement sur une longue période chez un employeur. Ce sont des évolutions structurantes que les dirigeants et les DRH ne peuvent ignorer. Alors plutôt que de continuer à calquer les recettes du passé sur un environnement en mouvement, pourquoi ne pas changer d’approche et accepter que ces talents tant recherchés ne fassent que passer ? Pourquoi ne pas accepter de les voir ensuite évoluer ailleurs, parfois même chez les concurrents, pour peut-être mieux les retrouver dans un futur plus ou moins proche pour un nouveau projet ? Il est certain que l’embauche d’un collaborateur représente un certain coût mais il faut désormais se préparer à travailler avec des talents ayant plusieurs expériences courtes, sous réserve qu’ils aient démontré leur impact business ou organisationnel.

La mise en place de plans d’intégration, de formation et de rémunérations adaptés pour ces talents « à court terme » peut même contribuer en grande partie à leur réussite dans votre organisation. Ils peuvent être le moteur du succès de l’entreprise car ils n’ont qu’un but précis en tête : celui de mener à bien un projet de grande ampleur tout en développant leurs compétences. Dans cette nouvelle équation, les deux parties sont gagnantes.

Miser sur une relation durable plutôt que sur une carrière de longue durée

L’agilité, voilà un mot dont les entreprises se sont emparées ces dernières années. Mais celui-ci ne doit pas être uniquement appliqué à la gestion de projets. Bien au contraire, l’agilité doit être étendue à la gestion et au développement des talents. Il faut savoir comprendre les moteurs, les capacités et les ambitions de chacun pour avoir les bonnes personnes au bon moment sur la bonne mission. Il est nécessaire pour cela de construire une relation durable avec ces collaborateurs d’un genre nouveau. Cette relation devra s’appuyer sur l’écoute et le respect pour permettre des échanges de qualité et bienveillants entre collaborateurs et employeurs. Ce que l’on retient d’un talent, ce ne sont pas tant les lignes de son CV mais son histoire personnelle, ses compétences, les recommandations obtenues et surtout ses résultats.

Ainsi pour certains profils, il faudra adopter des approches entrepreneuriales et réduire les contraintes organisationnelles qui sont souvent des freins à leur épanouissement. Les GAFAM se sont déjà adaptés et ont créé des parcours spécifiques pour ces cycles courts de carrière. Toutes les entreprises ont donc tout intérêt à modéliser le leur, pour accélérer leur transformation technologique mais aussi et surtout culturelle. Elles attireront ainsi les talents dont elles ont besoins et feront de leurs ex-collaborateurs les meilleurs des ambassadeurs.

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