La transformation digitale est un processus complexe, dont le premier enjeu n’est pas technologique mais humain, parce qu’elle repose avant tout sur les compétences de l’entreprise. Par Didier Krick, Associé KPMG France, Operations & Performance Strategy et Sonia Bellit, Cheffe de projet à La Fabrique de L’Industrie
La crise sanitaire a mis en lumière l’importance stratégique de la digitalisation des entreprises. Comme le montrent nos observations sur le terrain, les entreprises qui avaient déjà engagé leur transformation digitale se sont révélées plus résilientes face à la crise : les lignes de production automatisées ont permis de gérer plus facilement la distanciation physique, certaines opérations ont pu être pilotées à distance, la vente en ligne a été facilitée.
Pour les entreprises qui ne s’étaient que partiellement engagées dans cette voie, cette expérience douloureuse a joué le rôle de déclic. Cette période tourmentée s’est révélée un facteur d’accélération de la transformation. Elles l’ont bien compris : ce n’est pas parce que la période est tourmentée qu’il faut renoncer à investir et innover. C’est au contraire parce qu’elle l’est qu’il faut poursuivre et même accélérer la transformation. Ainsi, certaines mettent en place aujourd’hui des projets ambitieux pour automatiser leurs lignes de production, investir dans l’IoT industriel, introduire la blockchain dans leurs chaînes d’approvisionnement. Robots, objets connectés, jumeaux virtuels, capacité d’analyse de données massives, intelligence artificielle, nouveaux procédés de fabrication se développent aujourd’hui dans les entreprises, qui se projettent vers de nouveaux modèles industriels et économiques.
Mais cette transformation digitale est un processus complexe. Son principal enjeu d’ailleurs, contrairement à ce que l’on pourrait croire, n’est pas technologique. En effet, les technologies dont il est question ont été éprouvées sur le terrain par un vaste écosystème d’entreprises qui les maitrisent parfaitement. En outre, si des freins financiers subsistent pour les PME et ETI, le plan France Relance et d’autres outils publics ou privés offrent un appui en trésorerie significatif pour investir dans les technologies numériques.
En réalité le principal enjeu de la transformation de l’entreprise est humain. Il ne faut pas s’y tromper : la digitalisation est d’abord un changement d’organisation et de culture de l’entreprise, dans lequel les compétences occupent une place centrale. Pour preuve, selon une enquête réalisée par KPMG et la Fabrique de l’industrie, six dirigeants d’entreprises sur dix affirment que le frein essentiel à leur transformation digitale est l’absence de compétences internes. Certes, ce manque porte en particulier sur les nouvelles compétences liées au digital, aujourd’hui très recherchées, notamment dans les domaines du Big data ou de la protection des données. Mais c’est une question bien plus globale puisqu’absolument tous les collaborateurs sont concernés par la transformation digitale de leur entreprise. Concrètement, dans le secteur industriel, les opérateurs doivent être de plus en plus à l’aise avec les terminaux numériques, interagir avec des robots et collaborer via des plateformes. Au-delà, leurs collègues et eux-mêmes doivent donc développer des expériences hybrides, pour faire le pont entre le « métier » et le « numérique » et ainsi casser les silos qui, très souvent, entravent les projets de transformation.
On comprend dès lors que la façon dont le changement est piloté auprès des différentes équipes est elle-même porteuse de transformation. L’entreprise doit en effet être capable de réunir toutes les forces vives autour de la table, dès l’amont du projet, pour saisir toute la complexité des métiers. C’est la seule façon de donner du sens et de l’efficacité à cette transformation, de l’associer à une vision partagée de l’entreprise, de la nourrir d’une juste compréhension du « travail réel » tout en étant transparent sur le processus et les séquences de changement. Le succès et l’efficacité d’une technologie sont indissociables de l’usage et de la compréhension qui en sont faits.
On a souvent tendance à opposer la technologie à l’humain parce que cette dernière conduirait, au mieux à une nouvelle forme « d’aliénation 4.0 », au pire à une substitution de l’homme par la machine. C’est pourtant dans les compétences humaines que les technologies numériques puisent leur potentiel d’innovation. Pour qu’elle ait un impact réellement positif, la révolution du numérique doit en effet être portée et soutenue par des collaborateurs formés pour l’accueillir.
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Par Didier Krick, Associé KPMG France, Operations & Performance Strategy et Sonia Bellit, Cheffe de projet à La Fabrique de L’Industrie
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