En trente ans, le contexte économique, les modes de travail se sont transformés. Avec le ralentissement de la croissance et la dégradation du marché du travail, un nombre croissant d’actifs est contraint de bouger. L’insertion dans la vie active motive la mobilité de début de carrière qui n’a cessé de s’élever depuis le début des années soixante.
Trouver un emploi correspondant à sa qualification nécessite des recherches de plus en plus longues dans un espace de plus en plus vaste. Aussi, on déménage plus souvent et plus loin dans les toutes premières années de travail. En vingt ans, la proportion de ceux qui changent de département de résidence au cours de leurs cinq premières années d’activité a augmenté de près de 40 % (Goux, 1991).
Le retour du travailleur indépendant ?
Un début de regain du travail indépendant s’observe. Après des décennies d’essor du salariat, depuis le début des années 2000, les travailleurs non-salariés sont de plus en plus nombreux chaque année (INSEE Emploi et revenus des indépendants). C’est largement l’interaction entre mutations technologiques et comportementales, d’une part, et institutions du marché du travail et de la protection sociale, d’autre part, qui déterminera le développement relatif des différentes formes d’emploi. C’est pour cette raison qu’il faut prendre la mesure des mutations à venir afin de déterminer le type de réponse qui peut leur être apporté.
Les mutations du travail s’accélèrent. Les parcours professionnels sont davantage heurtés, assortis de changements de statut, d’épisodes de chômage et de pluriactivité récurrents, les contrats courts dominent l’embauche. Parallèlement s’observe un certain renouveau du travail indépendant et, depuis peu, l’émergence des plateformes numériques qui conduisent à une diversification des formes d’emploi.
Une transformation de la nature même du travail se profile. Ces mutations fragilisent certains salariés demandeurs de stabilité, mais elles rencontrent aussi les aspirations d’actifs en quête d’autonomie. Jusqu’où ce mouvement se poursuivra-t-il ? L’ampleur que prendra ce phénomène dans les années à venir est encore incertaine, mais le potentiel des plateformes est considérable et porteur de transformations profondes.
Un travail moins structuré en apparence
On voit ainsi apparaître des entreprises totalement dématérialisées et déterritorialisées. Sans bureau, puisque celui-ci suivrait le collaborateur de la plateforme où qu’il soit. Voire sans salariat, et sans lien réel de subordination ni temps de travail fixe, puisque les personnes dotées d’un haut niveau de compétence seraient en position de force pour négocier avec la plateforme. Chaque individu serait sa propre entreprise sous-traitante et vendrait sa force de travail sur les plateformes.
Les analystes du monde du travail établissent généralement un lien explicite entre le développement des carrières nomades et les changements organisationnels propres à une économie basée sur la connaissance. Parmi les nouveaux modes de travail, le travail par projets est perçu comme un incitant puissant aux carrières nomades. Le travail par projets est d’ailleurs très fréquent dans les activités intensives en technologie et en connaissance : informatique, marketing, édition, design, ingénierie, conception de produits ou de services.
Il concentre plusieurs dispositifs favorables aux carrières nomades : les engagements sont liés aux projets, pas aux organisations; la connaissance est une ressource clé ; l’expérience professionnelle est basée sur l’accumulation des savoirs et l’apprentissage ; les réseaux et les communautés de pratiques jouent un rôle important. Le travail par projets permet à des individus de construire leur propre “réseau de mobilité” et leur “carte d’employabilité”.
La loi doit s’adapter
Le droit du travail doit répondre à ces mutations. Il faudra bâtir un cadre adapté aux intermittences de parcours que connaissent aussi bien les nouveaux indépendants que les salariés précaires. L’enjeu est également décisif pour la protection sociale, dont la construction et le financement reposent sur le modèle du CDI à temps plein ce qui de ce fait, pénalise aujourd’hui la discontinuité des carrières. L’accès aux droits sociaux dépend fortement des statuts et des parcours, pour des raisons essentiellement historiques.
En effet, les transitions par le chômage sont devenues plus fréquentes. Une enquête de 2006 indique que, parmi les actifs nés avant 1950, moins du quart ont fait l’expérience du chômage au cours de leur vie professionnelle, alors que, pour les générations nées à partir des années 1960, bien que plus jeunes au moment de l’enquête, près d’une personne sur deux a déjà connu des épisodes de chômage. Ensuite parce que les nouvelles formes de travail, certes encore extrêmement minoritaires, mais au potentiel important induites par l’économie des plateformes remettent en cause ce socle.
Les nouveaux modèles de travail sont remis en question tant par l’exclusivité et la durée que par la nature du lien entre les apporteurs de travail et les entités. On ne sait pas s’il faut les qualifier d’entreprises qui organisent leur activité. En outre, de plus en plus d’embauches se font en contrat à durée limitée et sur des périodes d’emploi de plus en plus courtes.
De plus en plus vite
La nature du travail, qui permet l’ouverture de droits, risque par ailleurs de devenir de plus en plus malaisée à identifier. Difficile de définir ce qu’est une activité professionnelle quand les individus valorisent leur image, leur patrimoine et demain leurs données. Difficile également d’appréhender le temps et le lieu de travail des télétravailleurs, itinérants, nomades, alors qu’il s’agit pourtant d’un préalable à leur couverture en matière d’accident et de sécurité au travail.
Nous produisons, consommons, communiquons plus vite mais aussi davantage que les sociétés précédentes. Les néologismes dérivés de l’anglais abondent pour décrire l’accélération des pratiques sociales. Évoquons le « Zapping », le « Fast Food », le « Speed Dating », le « Multi-Tasking », le « Surfing ». Ces pratiques sont largement répandues chez les jeunes générations, notamment, la polychronicité, consistant à mener en permanence plusieurs activités différentes de front.
Une fois encore, devant ces nouvelles « opportunités » d’emploi les individus sont confrontés au paradoxe du choix entre, d’une part, les avantages liés à la flexibilité et à la possibilité de monétiser le temps disponible et, d’autre part, l’imprévisibilité des revenus et l’absence de stabilité de l’emploi. Toutefois l’introduction de technologies de rupture et la diffusion toujours plus importante des outils numériques posent aussi les enjeux humains.
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