Vouloir transformer son organisation en profondeur et la mener vers un système managérial réinventé ne peut se faire sans le plein engagement et la nécessaire mise en mouvement du management comme de tous les employés.
Lorsqu’un dirigeant nous contacte, parce qu’il s’intéresse à l’holacratie ou à nos travaux sur le management, pour lancer un programme de transformation de son organisation, nous lui proposons un parcours de coaching dirigeant qui doit lui permettre de se mettre en mouvement. Pour ce faire, il est briefé sur les principes sources, s’implique dans l’identification de la personne source, source de l’énergie et de sa circulation au sein de l’entreprise. L’occasion d’aborder avec lui la question du pari de la confiance et de l’énergie de la responsabilité, principal enjeu de la mise en place du self-management.
Vient ensuite un travail sur la raison d’être tripale du changement mais aussi sur les croyances implicites et limitantes. De tout cela découle la carte des six territoires qui offre un cadre à l’approche générale. Une fois fait, se pose naturellement la question du « comment embarquer le management » et de comment le mettre en mouvement. Puis du « comment embarquer l’ensemble des collaborateurs ». C’est ce que nous allons voir ci-dessous.
Embarquer le management
Embarquer le management, le mettre en mouvement pour opérer la transformation de l’organisation ne se décrète pas et va nécessiter du temps, une phase d’apprentissage et d’appropriation.
Le principe est, en effet, de faire vivre et expérimenter au corps managérial cette nouvelle forme de management et de pouvoir ; pour qu’ils comprennent et touchent du doigt cette nouvelle réalité, s’adaptent à de nouveaux modèles mentaux. Désormais, on passe de l’illusion d’un pouvoir limité et fini, à une puissance illimitée.
L’objectif suivant est de lever toutes les objections que les managers pourraient avoir : réticences, scepticismes souvent légitimes car hérités de vécus, peur de perdre le pouvoir – « éradication des managers » – de perdre des acquis, leur identité, de ne plus exister en tant que manager. C’est l’occasion de donner une définition claire du management et de rompre avec la confusion qui régnait jusque-là ; d’être entendu sans être jugé.
Ainsi, les conditions sont-elles créées pour que les nouveaux rôles du manager soient compris. Qu’attend-on de lui ? Quelle est sa création de valeurs ? En réalité, un manager est un entrepreneur (même au sein de l’entreprise) créateur de valeurs mais également un créateur de leaders, c’est-à-dire capable d’accompagner les autres collaborateurs vers des postures de leaders, et d’en faire eux aussi des créateurs de valeurs.
Dans cet espace, on s’attend également à ce que les managers s’approprient pleinement la raison d’être profonde du changement. Une raison d’être révélée par la personne source qui vient la présenter aux managers. Pour que ceux-ci s’approprient la raison d’être profonde du changement en ressentant sa profonde justesse, pour qu’ils perçoivent l’intérêt de ce changement de la nature de l’exercice du pouvoir, tant pour l’entreprise que pour eux-même ; qu’ils puissent se projeter, ressentir le processus, la forme du changement. Cette étape essentielle pour embarquer le management est tout sauf simple. D’autant qu’aujourd’hui, la grande majorité des managers se qualifient d’autodidactes sur la question du management, à juste titre. Rien de surprenant à cela tant le terme de management est, la plupart du temps, phagocyté, dépourvu de toute définition, de tout cadre. Soit, ils perçoivent bien au fond qu’ils sont détenteurs d’un talent, celui d’identifier les besoins de l’entreprise. Mais tout rend leur traitement extrêmement laborieux. Il est donc essentiel qu’ils perçoivent combien le nouveau modèle leur offre ce cadre et ces outils qui vont leur permettre de traiter, in fine, tous ces besoins, avec beaucoup plus de facilité. Qu’ils gagnent en puissance, au prix de se créer de nouvelles habitudes. Ceci est un changement complet de paradigme pour celui qui jusqu’ici, tel un pilote de Porsche, expert de la conduite, du talon-pointe, se retrouve aux commandes d’un véhicule tout à fait différent. Plus performant mais dépourvu des pédales, du volant qui ont été remplacés par des boutons, accessibles, qui plus est, à toutes les personnes embarquées dans un bolide d’une puissance inédite. Désormais, le manager doit changer sa façon de piloter, tout en conservant ce qui fait sa force: sa capacité à identifier les besoins de l’organisation.
Concrètement, un accompagnement à la mise en mouvement du management s’effectue au travers de huit sessions :
- La première est une introduction aux notions de base du self-management : rôle, raison d’être, de potentiel créateur, d’offre de service ou de redevabilité, de valeur plurielle, de relation client – fournisseur et de création de valeurs, d’associé constitutionnel enfin. Une démarche qui, bien sûr, s’appuie sur l’expérimentation comme en invitant chacun à endosser la posture de client puis de fournisseur.
- La deuxième session vise à co-construire la structure organique de l’entreprise. En partant du plus grand pour aller vers le plus petit ; en utilisant le business model canvas. Chaque équipe est un cercle et, pour chacun de ces cercles, on va identifier comment celui-ci capture et crée de la valeur. Segments de clients, propositions de valeurs, redevabilités sur le cercle, puis fournisseurs internes comme externes et la valeur qu’ils apportent. C’est l’occasion de faire œuvre de pédagogie et d’inviter chacun à la création de valeurs, au changement de la nature même du pouvoir.
- La session trois consiste elle à finaliser cette structure et de l’ « uploader » sur un logiciel, une plateforme comme GlassFrog ou Holaspirit. Désormais, on a la capacité de définir les sous cercles opérationnels du cercle général, le plus grand cercle qui inclut toutes les opérations. Une session qui sera ensuite l’occasion d’avancer sur deux nouvelles notions que sont la tension dynamique et l’art du triage. Deux outils incontournables pour animer la nouvelle structure, introduits de façon très expérientielle pour que chacun puisse toucher du doigt ce qu’ils impliquent.
- La quatrième session va permettre d’expérimenter en vrai une réunion de triage. L’idée est de démontrer en quoi ce rituel vivant est une véritable école pour développer le leadership et le followership, les deux allant de pair. La capacité à se mettre en mouvement en toute situation y est développée par chaque collaborateur. Elle met en exergue la capacité d’autonomie de chacun. Et, si les choses sont bien faites, l’évolution des comportements se fait naturellement, tel un nudge c’est-à-dire un mécanisme qui rend l’évolution inévitable.
- Vient ensuite la session qui traite du sujet de la réunion de gouvernance, de l’art de la création de valeurs. De sorte que chacun, au sein de l’organisation, va sentir quelle valeur supplémentaire peut être créée à partir de ses rôles, puis de modifier, si besoin, la structure organique de l’entreprise. Est mis en lumière le pouvoir de gouverner attribué à chacun à travers les tensions ressenties dans ses rôles., Un pouvoir de modifier la structure dans l’intérêt du rôle et de l’organisation. Une démarche qui permet d’avancer vers la structure requise.
- La session six permet, elle, de rentrer un peu plus avant dans la technique du pouvoir constituant : rôle, cercle, leader de cercle, permissions, rituels vivants (triage et gouvernance), règles de coopération, accords relationnels, angles morts et limites de la constitution qui est une méta-constitution, un méta-pouvoir constituant. On commence ici par s’intéresser aux super-pouvoirs, au mécanisme des 3P. Puis, on lance des sujets importants comme les attendus du management ; la hiérarchie et le lien de subordination – caractère intangible du contrat de travail – et de la rendre explicite dans l’organisation au travers du cercle RH ; les croyances collectives implicites limitantes pour que chacun puisse commencer à y réfléchir ; les besoins sociaux ; les principes sources et, enfin, la notion d’associé constitutionnel qui met en exergue le fait que certains ne pas forcément en capacité d’être immédiatement associés, par manque d’envie et / ou de compétences.
- La septième session consiste à projeter les personnes vers le voyage de la transformation. Quelle feuille de route ? Quels sont les prérequis, les différentes étapes, les limites ? Comment chacun se projette sur ces questions et les six territoires pour une transformation profonde ?
- Enfin, huitième session, celle qui consiste à ce que chacun s’approprie la raison d’être du changement, le bras de levier et la mise en mouvement de management. Cela consiste à revenir sur les principes sources formulés par Peter Koenig, de demander à la personne source de présenter la raison d’être tripale du changement, puis de laisser un temps de réflexion à chacun pour s’approprier les choses avant d’être invité à réagir et à questionner. Parallèlement, est abordée, par l’expérience, la question du ressenti des personnes. Un sujet clé et structurant pour avancer dans la transformation. On est ici dans la dimension humaine du changement. Pour prendre en compte ce qui fait qu’un même changement peut être perçu de façon différente d’une personne à une autre : aisée pour le premier, traumatisante pour l’autre. C’est l’occasion pour chacun de s’exprimer, de faire fonctionner la dimension « cœur, tripes, tête » ou le moteur « ressenti, sens, mouvement. » que l’on doit à nos amis de Toscane accompagnement.
A l’issue de ces huit sessions, se pose la question de la faisabilité des choses, telle que ressentie par les managers, de leur envie d’avancer dans le changement. Et, si la réponse est positive, la question qui vient immédiatement après, celle de la communication aux équipes, ou plutôt de leur concertation. Car, pour bien faire, il est essentiel d’embarquer les collaborateurs. En effet, cela va leur demander des efforts, des changements d’habitudes. Il faut en outre qu’ils perçoivent le sens même de cette transformation, les bénéfices induits.
Processus de concertation avec les équipes
Ce processus est basé sur deux ateliers successifs, d’une dizaine de personnes. Un processus qui va d’abord consister à demander à la personne source de présenter, comme elle a pu déjà le faire aux managers, la raison d’être profonde du changement. Pour que chacun puisse se l’approprier.
On va ensuite ouvrir un espace où l’on va demander à tous s’ils ont des questions, des besoins de clarification pour qu’ils puissent comprendre, se forger une opinion. Une fois fait, est organisé un tour de réaction pour amener chacun à réagir, à dire et à s’engager. Une démarche que vient clôre la “réaction aux réactions” de la personne source.
Est ensuite organisé un espace “brainstorm” qui invite chacun à s’interroger sur ce qu’est l’holacratie. Tous auront eu accès au préalable à des contenus didactiques. On travaille alors sur les trois notions que sont la raison d’être, le rôle et la tension (dynamique). De sorte que les équipes comprennent ces concepts majeurs, en les expérimentant. Suit une réunion de triage où chacun est invité à alimenter l’ordre du jour avec ses cas concrets, des obstacles qu’il n’a pu ou su franchir. Chaque cas est traité l’un après l’autre en expliquant ce que, dans ce cas précis, le nouveau management aurait changé, qu’elles auraient pu être ses options pour traiter les difficultés rencontrées. Après une dizaine de cas concrets, près de deux heures de triage, chacun a pu ressentir par l’expérience en quoi consiste ce changement de pouvoir qu’apporte le moteur holacratie.
Un processus qui va alors être clos par un sondage individuel et anonyme qui interroge les équipes sur cinq questions : sur la clarté de la raison d’être du changement ; sur le partage de leur ressenti ; sur la pertinence de l’holacratie pour répondre aux enjeux ainsi mis en lumière, dans la gestion du quotidien de chacun ; et, enfin, sur le risque perçu vis-à-vis de l’adoption de l’holacratie par l’entreprise.
La prise de décision
A l’issue de ce travail de partage avec les équipes, s’enclenche la restitution à la direction : feedback de la concertation des équipes, analyse des résultats du sondage et prise en compte des risque ressentis par les collaborateurs.
Trois sessions sont organisées avec le management :
- Le feedback à chaud, la gestion des risques, la feuille de route, et la préparation du « go / no go. »
- La décision d’y aller ou pas avec les managers en faisant émerger toutes les préoccupations et en intégrant les éventuelles objections ou réserves.
- Le plan d’action jusqu’au lancement des cercles au travers d’une session participative qui doit permettre de faire ressortir l’étape suivante : encodage et planning associés.
Une fois cet important travail effectué viendra donc l’étape clé de l’encodage, celle de la formation des facilitateurs, celle de l’accompagnement des managers vers l’excellence managériale et celle de l’accompagnement des équipes vers le self-management. Et, après le temps de l’encodage viendra celui de la ratification qui marque l’entrée officielle dans l’holacratie.
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