Peu efficaces, les réunions sont régulièrement montrées du doigt. L’arrivée de technologies telles que FLIP, le « paperboard électronique » de Samsung, devrait en faciliter le suivi. Mais surtout, la pratique d’une technique de méditation devrait en sauver l’essence en restaurant la capacité de concentration des participants.
S’il est une pratique d’entreprise qui cumule autant de critiques que la messagerie électronique, c’est bien celle des réunions. La presse économique aborde régulièrement le sujet, affirmant que 32 % cadres auraient avoué s’être endormi au moins une fois pendant une réunion. En moyenne, les cadres seraient attentifs en réunion pendant au plus 52 minutes affirme l’enquête réalisée par l’Ifop pour le compte du site spécialisé en réunions d’entreprise Wisembly. Elle montre que plus de 8 cadres sur 10 s’occupent en faisant autre chose en réunion : ils lisent et répondent à des emails ou à des SMS (51%), travaillent sur d’autres dossiers (49%), dessinent (37%), jouent sur leur smartphone (10%), consultent les réseaux sociaux (8%), organisent leur week end ou vacances (7%) ou accèdent à des sites de rencontre (2%). Ils sont 23% à perdre le fil avant moins de 30 minutes. Seuls 37% disent tenir une heure ou plus alors que plus du quart avouent qu’il leur est arrivé de sortir de réunion sans savoir ce qu’ils devaient faire et autant sans connaître l’ordre du jour. Ils seraient aussi 15% à dire qu’il leur arrive de sortir de réunion en étant incapable de restituer ce qui venait d’être dit ou décidé.
Ce constat pour le moins inquiétant est-il spécifique à la France ?
Si les chiffres montrent que les entreprises françaises recourent plus souvent aux réunions, le problème ne se limite pas à l’hexagone. Les critiques sont partout les mêmes. 70% des entreprises françaises planifient au moins sept réunions par semaine contre 55 % chez nos voisins européens et aux Etats-Unis. Résultat : les cadres français passeraient un tiers de leur temps en réunion, soit seize années sur une vie professionnelle de quarante selon une estimation du cabinet Perfony !
Le plus grave dans cette histoire est que 9 cadres sur 10 se sentent inutiles en réunion affirme le site Wisembly, proportion plus marquée chez les moins de 35 ans. Cette appétence pour les réunions pèse lourd sur le budget des entreprises puisque, toujours selon Perfony, organiser une réunion hebdomadaire de deux heures pour 200 participants avoisine le million d’euros sur l’année. Autre estimation édifiante, le coût du temps passé en réunion chaque année pour une entreprise de 500 personnes avoisine les 2 millions d’euros. Que conclure au vu de tous ces chiffres ? Si les réunions sont jugées trop coûteuses et si peu efficaces, deux questions légitimes se posent : Comment les rendre plus efficaces ? Comment en diminuer le nombre ?
La technologie au service des cadres
De nombreuses réponses sont suggérées par les cabinets de management. Elles s’adressent à toutes les formes de réunions, du ‘conference call’ au ‘brainstorming’ en passant par le ‘débriefing’ ou le bon vieux séminaire. Meilleure préparation en amont, meilleur suivi en aval, mesure de performances… Les listes de bonnes pratiques ne manquent pas alors que les résultats sur le terrain restent aléatoires car elles ne traitent que les aspects formels. Très utiles, les logiciels d’aide à l’organisation de réunions s’inscrivent dans cette logique.
Leur but : rendre les réunions plus collaboratives en offrant un cadre unifié pour la préparation, la conduite et le suivi et en évitant les pertes de temps. Aux Etats-Unis, où la chasse aux réunions inutiles est devenue une pratique systématique, l’usage de l’email, de la vidéo sur le réseau social de l’entreprise ou du webinaire – véritable conférence sur Internet – permet d’en diminuer le nombre. Les nouvelles technologies sont également utiles car elles diminuent de manière sensible le nombre de réunions physiques et favorisent des réunions plus courtes. Elles facilitent aussi leur suivi grâce à de nouveaux systèmes qui permettent de projeter en temps réel la transcription de ce qui se dit pendant la réunion. La technologie du « paperboard digital » présentée lors du dernier CES de Las Vegas par le coréen Samsung peut également s’avérer d’une aide précieuse dans la conduite de réunions.
Stress et attention
Pour intéressant qu’il soit, ce foisonnement technologique ne suffit pas car la dimension de l’individu, occultée de toutes les listes de bonnes pratiques, n’est pas prise en compte. Dans un entretien accordé aux Echos, Patrick Bois, directeur d’Albus Conseil explique que « s’attaquer aux réunions, c’est abattre la bête parce qu’elle est essoufflée… ce qui revient à jeter le bébé avec l’eau du bain ». L’expert est formel : on ne peut pas dire qu’il y aurait trop de réunions. Car la « ré-union » est la raison d’être de l’entreprise, une « union à nouveau » qu’il faut recréer en permanence car l’entreprise doit construire son unité à partir de la diversité des individus qui la composent. Si ce sens originel s’est perdu ainsi que le montrent les statistiques évoquées plus haut, c’est d’abord en raison des méfaits du stress sur le personnel. Or nous savons que le stress diminue entre autre la capacité d’attention de l’individu. Les analyses EEG du cerveau montrent que le manque d’attention dont souffrent la majorité des cadres qui participent aux réunions est lié à un déficit d’ondes alpha qui accompagnent la relaxation, notamment dans le cortex préfrontal, et à un excès d’ondes thêta qui traduisent une suractivité d’interprétation dans la zone occipitale du cerveau.
Ainsi donc, un cadre qui aura été sur-sollicité toute la matinée à lire et répondre à des emails arrivera à la réunion de 14 heures l’estomac noué, le mental perturbé, incapable de rester suffisamment focalisé à cause du travail en « mode zapping » de la matinée et de la frustration engendrée par le retard pris sur les dossiers importants. Au moindre décrochage ou signe de vagabondage mental, ce cadre perdra le fil de la discussion et cherchera une activité de substitution en jouant, en organisant son week end ou en répondant à d’autres emails !
Censées remettre de l’ordre dans le cerveau, les techniques de méditation ont un effet mesurable sur les EEG : elles combattent le stress en faisant basculer le fonctionnement du cerveau de l’activité des ondes béta et thêta à la relaxation et au repos des ondes alpha. Elles préservent ainsi la productivité intrinsèque du cadre. Le manager qui aura décidé de la tenue de la réunion n’échappera pas non plus aux méfaits du stress. S’il n’a pas le leadership suffisant pour avoir une vision précise du but recherché lors de la réunion, il aura tendance à les multiplier afin d’affirmer de manière artificielle son autorité. Quoi de plus simple alors que de passer les premières minutes de la réunion à méditer en groupe ?
C’est le sésame pour restaurer la « ré-union » des participants autour du silence, de l’écoute et de l’attention. Google et bien d’autres sociétés de la Silicon Valley l’ont compris et mis en pratique depuis belle lurette. Une méditation en groupe est programmée au début de chacune de leurs réunions. Un exemple à suivre.
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