Alors que Mark Zuckerberg vient de terminer sa tournée européenne, illustrant le rayonnement et la puissance que représente désormais Facebook, il est intéressant de revenir sur le parcours de son fondateur, exemple de mutation réussie de l’entrepreneur au chef d’entreprise. En effet, entrepreneur rime souvent mal avec gouvernance.
Celle-ci est le plus souvent vécue comme une contrainte par l’entrepreneur soucieux de préserver ce qui l’a mené sur le chemin du succès, ou tout au moins, d’un premier succès, notamment l’audace, l’agilité et la célérité nécessaires au projet entrepreneurial, la vision, la faculté de fédérer les énergies de manière collective et donc horizontale, une certaine appétence aux risques, la volonté enfin de conserver une maitrise non partagée sur l’entreprise qu’il a fondée et sur son devenir.
Cette réticence est d’autant plus puissante qu’elle puise ses ressorts dans les talents mêmes de l’entrepreneur. L’audace, le courage, l’instinct, l’intuition, la pugnacité, parfois même l’impétuosité, sont autant de dispositions qui caractérisent l’entrepreneur. Or, celles-ci ne font pas toujours bon ménage avec les qualités qui président à la pérennisation de l’entreprise et à laquelle participe au premier chef la gouvernance, inspirée notamment par une exigence de long terme.
Ce passage dans la vie de l’entreprise, souvent imperceptible et pourtant à haut risque, se traduit du point de vue de son fondateur par une profonde mutation, une véritable mue de l’entrepreneur en chef d’entreprise, appelant des qualités de leadership.
Car si l’entrepreneur maximise les opportunités, le chef d’entreprise guide, développe, galvanise, pérennise.
Il n’est donc pas étonnant que l’entrepreneur se résolve à structurer sa gouvernance le plus souvent sous la pression des événements industriels, économiques, financiers ou sociaux.
Il peut s’agir d’un franchissement de taille accompagné d’un nombre de salariés devenu élevé imposant de réinjecter une certaine verticalité dans un modèle collaboratif trop horizontal, de l’explosion significative du chiffre d’affaires générant un changement d’échelle, de l’entrée d’un fonds d’investissement au capital, du développement de l’entreprise à l’international.
Enfin, l’horizon de l’introduction en bourse de l’entreprise impose cette discipline. C’est pourquoi Euronext se fixe parmi ses missions pédagogiques de préparation à l’introduction, celle d’encourager à sécuriser et professionnaliser la gouvernance du futur émetteur.
Si cette appropriation de la gouvernance par l’entrepreneur se fait tardivement, c’est qu’il n’en perçoit pas les bénéfices. Donnant la priorité au financement et aux stratégies de développement dans un environnement financier hostile et pourtant vital, il se concentre sur le court terme et trouve la gouvernance inutile.
Cette perception n’est pas illégitime. En effet, depuis son immixtion il y a environ trente cinq ans dans notre droit avec la notion anglo-américaine de « corporate governance », la gouvernance se déploie selon une méthode dont le pur formalisme n’a cessé de se développer, les contraintes s’empilant, de manière parfois absurde, selon un processus d’autojustification.
La gouvernance, devenue une fin en soi, a perdu en cours de route ses objectifs, favorisant et parfois même justifiant ses contournements.
Or, la gouvernance est un moyen au service de l’entreprise et de son dirigeant. Elle permet de garantir la qualité des décisions sociales, notamment à travers les mécanismes de redevabilité, d’écarter toute décision unilatérale intempestive qui pourrait compromettre le futur de l’entreprise. Elle assure la remontée des informations, la connaissance partagée et intégrée des risques présents et à venir, la pérennité de l’entreprise. Elle élimine enfin les abus et les conflits d’intérêts dont on sait qu’ils fissurent tôt ou tard l’édifice social.
Perdre de vue cette compréhension favorise les dérives d’hyper gouvernance menant à une mauvaise gouvernance. En août 2002, alors que Jean-Marie Messier démissionnait de Vivendi Universal au bord de la cessation des paiements, le groupe observait toutes les exigences de bonne gouvernance posées par les codes de Place.
L’Afep et le Medef viennent de publier une version révisée du code de gouvernance des sociétés cotées. Rappelons à cette occasion que la gouvernance est un actif à part entière, ce que les fonds activistes ont bien compris. Elle préserve l’entreprise et son fondateur, parfois de lui-même en garantissant des modalités d’exercice saines et non dévoyées du pouvoir.
La destinée de WeWork eut été bien meilleure si Adam Neumann, son co-fondateur et ex CEO, avait eu plus de considération pour son conseil d’administration, en l’associant notamment aux décisions stratégiques.
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