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La fin de la société salariée ?

freelancesTwo business people looking at desktop computer monitor and discussing new programme codes. Male professional working on computer with female colleague standing by looking at computer monitor.

J’entendais deux jeunes dans le métro l’autre jour, l’un disait à l’autre : « Quel loser Untel ! Il reste plus de deux ans dans la même boîte ! » Comme si s’engager dans la durée n’était pas pour eux une visée, un signe de réussite. Je me suis demandé si, à leur âge aujourd’hui, au vu du piètre état dans lequel est le monde, je ne manifesterais pas la même distance par rapport au travail, à l’entreprise, si je n’aurais pas un autre sens de la loyauté. Comment rêver de carrière quand on ressent un sentiment diffus d’effondrement imminent ?

Un article issu du numéro 26 – printemps 2024 de Forbes France.

 

Il me semble qu’on assiste aujourd’hui à l’érosion de la société salariale. Le travail est en train de perdre sa centralité sous la forme que nous lui avons connue jusqu’alors, la relation d’emploi-salarié. Les attentes à l’endroit de l’entreprise ont, vous le voyez comme moi, résolument changé. Le travail n’est plus l’étoile polaire d’une vie. On est nombreux à rêver de travailler autrement. Au besoin de stabilité et de sécurité, s’ajoute pour beaucoup une aspiration nouvelle à plus d’autonomie, d’équilibre, de sens. Un rêve qui se cristallise en grande partie dans la création d’entreprise : un million ont été créées en 2020 et en 2021 en France !

On compte aujourd’hui plus de 4 millions d’indépendants dans l’Hexagone. Ils pratiquent leur métier sous une grande variété de statuts, ils sont leur propre compte de résultat et génèrent moins (souvent beaucoup moins !) d’un million d’euros de chiffre d’affaires par an. Consultants, coachs, freelances, commerçants, artisans, le nombre de solos a augmenté de 25 % depuis 2003, soit dix fois plus vite que la population salariée dans notre pays.

 

« D’ici dix ans, il pourrait y avoir 70 % de CDI et 30 % de freelances dans les entreprises, même à des postes clés. »

 

Je crois que, guerre des talents oblige, toute entreprise va être amenée à collaborer de plus en plus avec ces talents extérieurs pour capter de nouvelles compétences et des profils rares sur un marché compétitif. La nature même de l’entreprise se transforme. Elle est en train de devenir, comme l’écrit Laetitia Vitaud dans son remarquable livre Du labeur à l’ouvrage, « un hub de compétences, un écosystème ouvert dans lequel on crée de la valeur autrement, avec des parties prenantes multiples ». Quand j’ai partagé cette vision sur LinkedIn récemment, une cheffe d’entreprise querelleuse a commenté : « Pensez-vous vraiment que l’on peut construire un porte-avions, une centrale nucléaire, un aéroport, une bibliothèque, un hôpital avec une collection de freelances ? » Non, bien sûr. Il ne fait guère de doute que de nombreuses activités nécessiteront toujours une division du travail suffisamment intégrée pour impliquer des relations d’emploi relativement stables. Mais il va falloir compter avec les talents « du dehors » pour continuer à croître.

Si ce n’est pas la fin de la société salariée, c’est certainement l’heure de l’innovation RH : oser une organisation du travail avec un corps social traditionnel augmenté de cette nouvelle génération d’indépendants et de freelances. D’ici dix ans, il pourrait y avoir 70 % de CDI et 30 % de freelances dans les entreprises (qui aujourd’hui représentent 5 % des effectifs en moyenne), même à des postes clés. Les stratégies RH ne peuvent plus n’être dédiées qu’aux collaborateurs salariés. L’avenir est à ce nouveau modèle d’entreprise ouverte ne se limitant plus aux talents internes, aux entreprises hybrides qui intègrent dans leur écosystème un portefeuille de compétences du dedans et du dehors. Ce modèle concerne tous les secteurs et beaucoup plus de métiers qu’on ne le pense. Il peut être créateur de plus de performance, d’innovation et d’engagement. Je fais le pari que les entreprises qui prendront dès aujourd’hui le virage des indépendants seront les championnes de l’économie de demain.

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