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La dimension humaine de l’holacratie

dimension humaine holacratie
Photo de Mo sur Pexels

Le grand paradoxe : l’holacratie ne traite pas la dimension humaine et n’aborde pas les systèmes de l’individu et du collectif. Et pourtant l’holacratie change la donne…. Il ouvre un espace vivant et non humain, celui de l’organisation, pièce manquante du puzzle pour traiter encore plus profondément cette dimension humaine, tout en se centrant davantage sur le Vivant.

Impossible de parler de l’holacratie sans parler d’humain. C’est le point d’origine. Et pourtant, pour beaucoup, le lien reste peu évident. Comme cette personne qui encore récemment me partageait cette remarque tant entendue concernant l’holacratie : « Qu’est-ce que c’est contraignant ! ». Ce serait rigide, ça ne traiterait pas l’humain. L’occasion ici de corriger une perception tellement éloignée de la réalité.

Pour ce faire, commençons par dire que l’holacratie est un outil, seulement un outil pour l’entreprise. Inutile donc de lui attribuer une personnalité ou des qualités. Reste à apprendre à s’en servir. 

L’holacratie : un paradoxe

L’holacratie a pour ambition fondamentale de créer des contextes favorables à l’empuissancement des personnes dans leur capacité à prendre l’énergie de la responsabilité, à être créatrices de valeurs. Et cela passe d’abord par la mise en place d’une nouvelle organisation et l’émergence  d’une nouvelle structure de pouvoirs à travers une gouvernance en rôles et cercles. Bien au-delà de tous ces outils de médiation et de coaching qui, s’ils sont utiles, ne permettent pas d’aller suffisamment au fond des choses en entreprise, de travailler sur ce qui importe vraiment : le contexte.

En cela, l’holacratie ouvre sur un nouveau modèle mental. Comme en permaculture, c’est la structure, l’environnement qui prime et crée les conditions d’un écosystème sain, créateur de valeurs, qui tient compte davantage de la dimension humaine. Une structure qui réinvente l’exercice et la nature du pouvoir en distribuant les autorités via les rôles, et en clarifiant les autorisations, les protections, les règles de coopération, les accords relationnels et les rituels vivants. Ce qui confère 7 super-pouvoirs aux collaborateurs pour mieux s’engager et vivre une meilleure expérience au sein de l’entreprise.

Et, pour permettre ce chemin, l’holacratie s’appuie sur des croyances dont la première est qu’on peut faire confiance à l’homme et que, in fine, ce sont les contextes qui créent les comportements. En cela, on peut affirmer qu’il n’y a pas plus humain que l’holacratie.

Pourtant, beaucoup continuent de penser que l’holacratie ne laisse pas assez de place à l’humain. Dans ces conditions, comment répondre à ce paradoxe ?

Dépasser ce paradoxe

Tout d’abord en balayant le biais du mal vécu lié au cadre. Car tout le monde comprend que l’holacratie parle d’abord et surtout de structure de pouvoir, de cadre… Or, pour nombre de personnes, le cadre est synonyme de contraintes et renvoie chacun à son mal vécu. Ils assimilent la notion de cadre au mal vécu, fuient toute forme de structure en se concentrant uniquement sur les « relations humaines ». L’issue, dans ces conditions, est rarement favorable ; fuite plus que recherche de solutions ; focus sur le  « Tout doit être centré sur l’humain » en omettant l’organisation, non-humaine, soit, mais pas inhumaine, et essentielle.

Chez beaucoup, il manque donc cette dimension fondamentale, un système essentiel, la personne morale, l’organisation vue comme un organisme vivant, mu par une énergie créatrice – source, raison d’être – en symbiose avec les personnes sources.

Persistent ensuite des incompréhensions sur ce qu’est réellement l’holacratie avec ses limites. Ni un outil miracle, ni une méthode pour conduire le changement. C’est en réalité un modèle de pouvoir constituant. Il s’agit ici de définir le management du management, le droit des droits, une matière totalement nouvelle pour beaucoup. Il s’agit de construire des fondations saines dans lesquelles les personnes vont avoir des comportements de plus en plus vertueux. C’est en somme une structure qui rédéfinit le pouvoir, la gouvernance de l’entreprise. Pas une constitution comme la constitution française mais plutôt une méta-constitution dont l’essence est d’être un méta-modèle issu du vivant et applicable à toute organisation, quelle que soit sa forme, sa culture, sa taille ou son activité.

A ce titre, l’holacratie est le résultat d’une démarche entamée en 2007 chez Ternary Software, d’un processus de distillation des pratiques opérationnelles, à un niveau d’abstraction suffisant pour que le résultat puisse s’appliquer à toute organisation. Elle est une méta-constitution au sens où elle n’intègre pas les activités opérationnelles business ou RH spécifiques à chaque entreprise ; elle est l’essence même de l’exercice du pouvoir, un moteur d’une grande efficacité. Et, de ce fait, pour s’appliquer à toute entreprise, elle ne peut être utilisée seule en l’état et doit se voir complétée, adaptée à chaque entreprise pour tous les sujets spécifiques – activités opérationnelles business, RH, couverture des besoins humains, communication – qui sortent de son champ. Elle ne couvre qu’un seul des six territoires à explorer dans une transformation profonde et systémique de l’entreprise.

L’holacratie rend explicite la structure de l’organisation, troisième système sur la carte aux 6 territoires,  pour la rendre visible, puis vivante et adaptable à la structure requise au sens défini par Elliot Jaques. Elle change la donne parce qu’elle permet de rendre compte d’un espace vivant et non humain qui est celui de l’entreprise. Pas humain mais pas inhumain et néanmoins vivant. Pour utiliser l’holacratie, il est donc nécessaire de traiter du sujet humain, qui n’est pas natif dans la constitution de l’holacratie. Idem pour le business. Deux sujets qui sont traités au moment de l’encodage, pour personnaliser, compléter la constitution avec la structure des cercles et des rôles propres à chaque organisation. L’ensemble des besoins sociaux et la façon spécifique d’y répondre, y sont abordés et traités à cette occasion avec la profondeur qu’ils méritent; la question du management spécifique à l’entreprise et de la hiérarchie liée au lien de subordination contractuel également. La hiérarchie ne peut en aucun cas être évacuée sous prétexte de l’holacratie car il y a une réalité juridique, et les contrats de travail en font partie, tout comme les statuts de l’entreprise. Il est donc essentiel d’encoder cette relation hiérarchique, contractuelle et légale, en la rendant explicite. Et la meilleure façon de transcender les effets pervers de ce lien de subordination est de circonscrire et rendre explicite cette hiérarchie qui subsiste.

Tout devient possible dès lors que la partie humaine est ajoutée au moteur holacratie. C’est un outil qui ne fait que rendre les choses explicites – à travers une gouvernance en rôles et cercles notamment -, évolutives et donc apprenantes. Et de ce fait, l’holacratie crée un miroir impitoyable, ce qui amène à faire face à une réalité évitée jusque-là et à trouver des solutions.

Le cadre qui permet d’aller beaucoup plus loin

Ce cadre libère et responsabilise. Ainsi, dans le contexte d’une transformation systémique à six territoires, il permet de donner des super-pouvoirs à chacun au sein de l’organisation. D’abord, il n’y a plus de pouvoir attaché aux personnes mais à des rôles. On passe de la notion de territoire, pré-carré – de “pouvoir sur” un périmètre, une fonction ou une équipe, à la notion d’ “autorité pour créer” de la valeur plurielle au service des rôles de l’entreprise. Il y a ensuite l’art du triage qui enseigne à chacun le leadership, l’autonomie, la capacité à se mettre en mouvement, y compris en demandant de l’aide à autrui. On y développe également la capacité de chacun à se centrer sur l’autre : le followership. Autres super-pouvoirs, celui de pouvoir gouverner tout ce qui peut limiter chacun dans l’exercice de ses rôles, et les fameux « 3P » : permission, protection et puissance. De fait, on crée un nouveau contexte, un terrain propice à un développement vertueux, de personnes souveraines, de plus en plus centrées sur leurs zones de talents, créatrices de valeurs. Plus efficace aussi.

Mais attention pour tous ceux qui seraient tentés par l’holacratie sans se faire accompagner. La mettre en place sans s’être formé au préalable est voué à l’échec. C’est en tous cas ce qui a pu être observé par tous ceux qui ont, malgré tout, tenté l’aventure. Ce sont souvent les mêmes qui perçoivent l’holacratie comme quelque chose d’inhumain.. Or, il n’y a, in fine, rien de plus humain que l’holacratie. C’est d’ailleurs le propos même de l’article 2.4 de la nouvelle constitution 5.0, qui traite spécifiquement des accords relationnels entre personnes et non des rôles, au sein de l’entreprise. Pour que les personnes puissent éviter ces pièges dans lesquels ils se sont trop souvent jetés.

L’accès à ce niveau de l’humain qu’on vient d’aborder, est rendu possible grâce à l’holacratie, notamment dans sa version 5.0. Elle est ce catalyseur qui permet d’accéder de façon encore plus profonde à l’humain en entreprise. Elle est la pièce manquante du système pour faire un vrai shift au niveau de cette dimension humaine qu’apporte l’holacratie. C’est un cadre. Mais qui libère dès qu’on est en capacité de dépasser cette croyance limitante, qui en fait quelque chose de nécessairement contraignant. Il est temps pour l’homme de se réconcilier avec le cadre et de s’ouvrir à la Vie de façon plus large plutôt que de tout vouloir faire graviter autour de l’humain. Car c’est là que se situe tout le paradoxe. C’est parce que je développe ma capacité à travailler sur l’ensemble du vivantau-delà de l’humain seulement – que je vais encore mieux traiter ce qui relève de l’humain. Cette démarche nécessite de dépasser le cadre strict de l’holacratie et, en réalité, fait l’objet d’une nouvelle discipline, celle du management constitutionnel.

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