L’argumentaire est bien rodé. Instables, superficiels, zappeurs, fuyant l’engagement et totalement désintéressés de la chose publique et de la cité sont autant de qualificatifs dont se voient affublés nos jeunes.
Mais cette approche demeure cependant trop souvent le fruit du jugement d’une génération quelque peu décalée des réalités et qui orchestrent notre monde actuel. Un peu trop sûre pour se remettre en cause, elle pense pouvoir (encore) régner comme elle l’a fait ces trente dernières années et maîtriser le contexte en tentant d’imposer des modèles devenus partiellement obsolètes voire désuets. Mais ce n’est pas parce que l’on sait faire usage d’une boite mail que l’on est pour autant à l’aise dans l’environnement virtuel qui régit aujourd’hui les sphères professionnelle et privée.
Cependant, réduire l’intelligence des Y et des Z (les trentenaires et suivants) à une simple utilisation des réseaux sociaux en pronostiquant pour ces derniers le futur d’un adolescent voire d’adulescent attardé, pour les plus chanceux d’entre eux, est tout simplement une insulte à l’avenir de notre société dans laquelle des tensions silencieuses commencent à s’exprimer. Elles visent essentiellement à rejeter des modèles émanant des générations antérieures et il en va de même dans l’entreprise où des crispations sont également observables. Une étude ADP (Actualité RH publié le 09/12/2015), fait du reste, ressortir que si 67% des salariés européens sont confrontés à des conflits intergénérationnels au travail, en France, ce chiffre atteint 71%. Mais ce qui est le plus inquiétant ce sont les 33% des actifs français qui se disent confrontés à des conflits qui reposent sur les valeurs au travail.
Alors quelles sont les valeurs qui semblent séparer ainsi les âges ? Pour les Y et les Z, le travail devient lifestyle et une récente étude de JLL montre clairement que si la grande entreprise demeure, pour les jeunes, un élément structurant, ils sont de plus en plus nombreux à être attirés par les PME voire l’entrepreneuriat. Et pour quelles raisons ? Indéniablement parce que dans les petites structures peuvent s’exprimer des valeurs qu’ils attendent désormais de leurs managers : la confiance, la bienveillance et l’accompagnement. Ils y recherchent également des environnements propices à l’initiative et à prise de risque, avec un droit à l’erreur (pas de jugement en cas d’échec) ce qui fait mentir les préconstruits avancés par certains qui mettent en avant le portrait d’un Digital Native (autre appellation des Y) passif devant son écran de smartphone, passant la majeure partie de son temps à surfer et ignorant la signification du verbe « oser ».
Il apparaît donc comme essentiel de concevoir des espaces et situations de travail où respect de la liberté, facilitation des échanges et équilibre de la vie professionnelle-vie privée en sont les éléments centraux. Le collaboratif, à l’image de l’entrepreneur Antoine van den Broek avec sa Mutinerie où les maîtres-mots sont mutualisation et partage, doit donc prendre une place prépondérante dans la gestion quotidienne de l’organisation tant il correspond à une forte attente des jeunes générations. « Le travail n’est plus un lieu mais ce que l’on fait ».
Autre aspect important qui divise les générations : celui de l’information devenue surabondante. Pour les plus anciens, celui qui la détient dispose d’un pouvoir évident. De nos jours, c’est celui qui la partage qui possède le véritable pouvoir. Cette rupture de paradigme montre l’inéluctable nécessité, pour les jeunes et anciens, de créer des zones neutres où chacun pourra venir, en toute confiance, écouter l’Autre, transmettre, s’approprier et poursuivre l’histoire, à l’image des arbres à palabres que l’on trouve encore dans les villages africains. Et ce n’est pas un hasard si, en Terre d’Ebène, on aime à dire que « c’est au bout des vieilles cordes que se tissent les nouvelles », mais cela ne peut être rendu possible sans un ingrédient essentiel : la confiance.
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