La France compte désormais plus de 10 millions de malades chroniques. Cette augmentation du nombre de malades chroniques va de pair avec une désinsertion professionnelle accrue. Aussi l’emploi des personnes malades se présente-t-il comme un véritable défi à penser et à relever dans les divers secteurs et pour l’avenir.
Il s’agit d’un enjeu majeur depuis plusieurs décennies. Les études (Vican 2 par exemple), les rapports, les Plans Cancers (3 plans depuis 2007), se multiplient. Tous s’accordent sur l’importance que représente l’emploi des personnes malades dans notre société.
Le cancer au travail, aujourd’hui synonyme de difficultés majeures
Le cancer multiplie par trois le risque de perdre son emploi et 70% des personnes au chômage au moment du diagnostic ne retrouvent pas d’emploi deux ans après.
Anne-Sophie Tuszynski, fondatrice de l’association d’entreprises Cancer@Work, association reconnue d’intérêt général, anime régulièrement des ateliers en entreprise pour concilier cancer et travail. À la question posée à des managers opérationnels « A votre avis, quelles sont les conséquences d’un cancer au travail ? », plus de 90% des réponses des participants touchent aux « difficultés » et à une « performance dégradée ». À la même question posée à des personnes malades, et dans plus de 90% des cas également, les réponses sont du même ordre, entre « difficultés », « cassure », « trou dans le CV ». Ces mots sont lourds de sens et de conséquences ! Pour ne pas dire d’indécence.
Et révélateur du regard porté sur les malades dans le monde du travail, y compris par les malades eux-mêmes. Un regard trop souvent contaminé par des projections négatives, des préjugés et des métaphores dont la règle d’or du stoïcisme. De façon positive, il faut les inviter à réinvestir le monde du travail.
Un pari économiquement gagnant
Un enjeu économique gagnant-gagnant pour les personnes, les entreprises et la société. Car, nous avons tous à gagner à concilier maladie et travail. Les malades d’abord, qui revendiquent cette place dans la société que représente le travail, mais aussi les entreprises pour qui l’inclusion de la maladie représentent une formidable opportunité, de recréer du lien dans l’entreprise, de restaurer la confiance, de développer son agilité, de gagner en compétence et une formidable opportunité économique aussi !
Selon l’étude Cancer@Work « Faire de la volonté de certains une opportunité pour tous », les entreprises françaises pourraient réaliser jusqu’à 500 millions d’euros d’économie chaque année grâce à la diminution des coûts de recrutement, de formation et de l’absentéisme.
Il est donc grand temps pour les malades de changer leur point de vue, pour le partager, et de réfléchir à ce que la maladie leur a appris, pour réfléchir à leur tour à la manière de refléter le positif, fort de leur expérience du négatif. Il est temps que les malades puisent dans leurs ressources et puissent entreprendre de les mettre au service de leur projet professionnel.
Les recruteurs apprendront à changer leur regard et à s’attacher aux compétences et qualités que les malades ont développées dans l’expérience de vie de la maladie. Il est temps que les yeux s’ouvrent et que les mains et les oreilles se tendent. Derrière un arrêt maladie, il y a encore de la vie active. Que l’on s’active donc pour s’en saisir. Chacun y gagne, voici un leitmotiv !
Le cancer, une épreuve de vie riche d’enseignement
Cette épreuve et expérience de vie difficile et douloureuse qu’est le cancer est une expérience de vie « apprenante », comme le souligne Albert Espinosa, qui a lutté pendant 10 ans, de 14 à 24 ans contre un cancer. « Je crois que le cancer est féroce : pour le vaincre, on se prend la tête et on apprend beaucoup, puis on guérit et ces enseignements restent. »
L’apprentissage à l’épreuve de vie de la maladie, Anaïs l’a connu. Elle fait partie des demandeurs d’emploi qui ont chaque année la chance de participer aux job dating de Cancer@Work pour accélérer leur retour à l’emploi et reconnaît volontiers qu’ « on découvre que le cancer peut être une valeur ajoutée et que c’est un plus qu’on a et que les autres n’ont pas. » Pour Anaïs, le but c’est de changer cette expérience de la maladie pour en faire quelque chose qui soit finalement un atout.
Alain Tolédano est oncologue : le cancer, « c’est une expérience. Une expérience dont paradoxalement nous pouvons sortir grandi de part les énergies qu’elles mobilisent, la combativité et cette volonté de vaincre. »
« Il n’y a pas de trou dans le CV, si ce n’est une absence du monde du travail. Une absence pendant laquelle nous mobilisons et développons d’autres qualités et compétences, tout aussi importantes pour un recruteur », évoque Chloé.
Aussi, l’expérience du cancer, et parce qu’elle puise violemment dans nos ressources intimes, physiques, psychologiques, se révèle-t-elle riche d’enseignement, tant sur la vie en théorie, que sur la manière de l’appréhender et de s’y comporter concrètement dans la pratique.
Des soft skills plébiscitées par les recruteurs
Courage, détermination, sens des priorités, humanité… L’expérience de vie de la maladie développe toutes ces qualités et plus encore, entre « hard skills » et « soft skills », chères aux recruteurs et qu’ils disent peiner à trouver chez les candidats.
Les personnes ayant été confrontées à un cancer, à une maladie, leur offrent de nouvelles perspectives de recrutement et représentent un vivier inexploité de candidats potentiels, enrichis des qualités les plus recherchées.
Isabelle Gaitey est Directrice du recrutement chez Roche ; elle participe régulièrement aux job dating Cancer@Work et accompagne les candidats. Elle explique : « je suis à chaque fois bluffée par la vitalité qui se dégage de leur expérience. Ils font preuve de maturité, de force, mais aussi de simplicité. Je constate également qu’au fil des éditions, une communauté des entreprises se crée. Cela signifie que les regards changent et que les mentalités évoluent. On reçoit beaucoup et on grandit à votre contact, merci ! »
Pour Hélène landrieu, DRH chez American Express, « un recrutement c’est une rencontre ; un recruteur cherche avant tout une personnalité, un savoir-être, des valeurs ».
Et si lutter contre le cancer devenait une compétence professionnelle ? « FIGHTING CANCER », une formule court qui en dit long.
Et si l’expérience du cancer n’était plus un facteur d’exclusion professionnelle, mais une expérience de vie méritant d’être affichée et pourquoi pas avec fierté ? C’est la conviction portée par Cancer@Work qui lance avec l’agence Famous Grey Paris, « Fighting Cancer », une nouvelle compétence Linkedin pour changer le regard sur la maladie au travail.
Selon Dominique Maret, DRH France au sein du Groupe Altran, « la compétence Figting Cancer va permettre de changer le regard sur les malades dans le milieu professionnel ».
Les malades eux-mêmes l’ont bien compris. Ils sont plusieurs dizaines à arborer depuis ce lundi 9 avril, leur compétence « fighting cancer » sur Linkedin. Ainsi peut-on lire différents témoignages comme celui de Cécile : « Aujourd’hui, j’ajoute une nouvelle compétence sur mon profil LinkedIn : « Fighting Cancer », la 1ère compétence qui valorise les malades sur le marché du travail. Aux recruteurs, n’ayez pas (plus) peur de la maladie : on en sort plus organisé, plus fort, avec des envies et une énorme motivation pour les vivre !#fightingcancer ».
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