On connait tous plus ou moins des formes de Crowdsourcing (qui ne connait pas Wikipedia ?), mais que recouvre exactement cette activité au service de l’innovation ? Quels en sont ses enjeux ? Faut-il l’utiliser, et si oui dans quelles conditions ?
Crowdsourcing, kesako ?
Également appelée myriadisation du travail, production participative, ou encore externalisation ouverte,… vous l’aurez compris, le Crowdsourcing se défini comme une activité qui fait appel à de nombreuses contributions externes pour réaliser une activité habituellement faite en interne d’une organisation. Avec une précision importante : le mot externe désigne des ressources qui ne sont habituellement pas affectées à cette tâche, le Crowdsourcing s’applique donc aussi en sollicitant ses salariés, au-delà de leurs attributions.
Des usages variés
Le Crowdsourcing fait donc appel à une foule (Crowd) de contributeurs, et son essor est naturellement lié au développement des usages connectés. Toutefois, il est à noter que certaines entreprises ont compris l’intérêt du Crowdsourcing depuis longtemps, puisque Procter&Gamble co-construit ses gammes de produits depuis les années 80 avec les remontées et idées clients.
Mais les usages du Crowdsourcing vont bien au-delà de l’aide à l’innovation des entreprises, et il suffit de lire les activités ci-dessous pour s’en rendre compte :
- Pour le recrutement : probablement le premier Crowdsourcing historique, bien avant l’ère Internet ! (ici un article sur les dernières pratiques)
- Pour la production : utiliser le Crowdsourcing pour externaliser sa production, c’est l’utilisation la plus courante aujourd’hui, et pour cause ! Utiliser des chauffeurs ou des livreurs non-salariés, faire analyser ses données avant d’accéder à son site web (reCaptcha),… toutes ces stratégies permettent aux entreprises d’avancer vers le « coût marginal zéro« .
- La Recherche : le monde scientifique fait aujourd’hui de plus en plus appel aux contributions de particuliers (en général des amateurs de sciences) afin d’obtenir des avis, des analyses, parfois des données personnelles ou encore des capacités de calcul et permettre au projet scientifique d’aboutir plus vite ou plus efficacement.
- Knowledge management : les contributions -voire la gestion- par les individus, au service d’un espace de connaissances (par ex. Wikipedia, Youtube).
- Dialogue et amélioration citoyens : des plateformes de propositions, de discussions et des sites en ligne de pétition (change.org).
- Le Crowdfunding (financement participatif) et le Crowdlending (prêt participatif) sont également souvent associés au Crowdsourcing.
- Open Innovation, le sujet que nous traitons dans cet article.
En ce qui concerne l’Open Innovation, le Crowdsourcing peut solliciter des scientifiques externes, des ingénieurs, des designers, des experts, d’autres sociétés (partenaires ou non, fournisseurs, candidats-fournisseurs) ou encore des particuliers, des clients, des non-clients et enfin les salariés. Tous les secteurs d’activité sont concernés, ainsi que toutes les catégories d’innovation (incrémentale et disruptive, produits, services, business, méthodologies).
Comment s’y prendre ?
Lorsque l’on veut lancer une action pour innover en Crowdsourcing, il est important de modéliser son projet en tenant compte des paramètres suivants :
- La vision donnée au projet et les objectifs associés (prototype, test in situ, lancement commercial,…)
- Le nombre de participants (Crowd)
- L’éventail des niveaux d’expertise attendu des participants
- La durée du projet, tant sur la partie captation que sur l’étape de transformation
- Le type et l’importance des gains (rémunérations et/ou récompenses)
- La répartition des gains
- La capacité d’adoption et de transformation de l’entreprise (techniques, salariés, organisations et processus) d’une innovation provenant de l’extérieur et potentiellement disruptive.
Vous devrez ainsi ajuster certains de ces paramètres afin d’obtenir un modèle équilibré entre Agilité, Créativité, Motivation et Expertise (voir l’article sur la stratégie ACME).
Des limites dangereuses
Il existe bien sûr des risques importants liés à cette nouvelle approche, et en premier chef la confidentialité :
- Priorité doit être donnée aux règles contractuelles de respect de la Propriété Intellectuelle (P.I.), pour vous assurer a) de la possession de l’innovation b) et de sa non-divulgation.
- Par ailleurs, utiliser un site public ou avec un accès très large, qui présente les idées, les enjeux, les contributeurs, et ce même avec de fortes règles de P.I., c’est la certitude de donner des informations à ses concurrents.
Une autre limite existe, moins évidente mais toute aussi dangereuse : celle du désengagement. En effet, lorsque vous commencez un projet en Crowdsourcing, il y a un effet « Waouh » ; mais si votre modèle n’est pas suffisamment pensé en terme de reconnaissance sociale ou financière, votre action tombera rapidement dans l’indifférence voire pire, la défiance.
Dois-je faire du Crowdsourcing ?
A. Pour débuter
À court terme, je recommande l’usage du Crowdsourcing, ne serait-ce que pour vous permettre de découvrir cette méthode d’un potentiel incroyable en terme d’amélioration et de business, qui vous permettra d’appréhender la quantité et la qualité des contributions que vous pouvez obtenir en fonction de vos objectifs. Cela vous permettra également de voir les solutions du marché et de mieux préparer votre stratégie d’innovation ouverte (que je ne saurais que trop vous conseiller, quelle que soit la taille de votre entreprise).
Prévoyez tout de même de mettre les moyens nécessaires à l’établissement des règles de Propriété Intellectuelle, la mise en place de retours d’informations vers vos contributeurs ainsi que des mécanismes simples de reconnaissance (prix, cadeaux,…).
B. En créant sa stratégie d’innovation
Le Crowdsourcing est devenu en quelques années seulement une brique vitale à mettre en place pour assurer sa compétitivité vis-à-vis de ses concurrents, il est donc tout à fait essentiel de l’intégrer dans sa stratégie d’innovation, également appelée stratégie R&I&D.
Reste qu’il convient de bien doser l’effort fourni pour initier et entretenir le modèle de Crowdsourcing (voir § « Comment s’y prendre ?) au regard des résultats attendus (RoI1), et notamment en terme de dangerosité et de risque sur le désengagement des salariés ou des clients.
Je vous recommande donc, lors de vos premières intégration de Crowdsourcing dans votre stratégie, de commencer par utiliser des solutions « sur étagère », tant sur l’événementiel (Hackathon, séminaires,…) qu’avec des plateformes d’idées. Une fois testées, ces solutions pourront être optimisées puis rassemblées dans ce qui constituera votre véritable stratégie d’innovation ouverte.
C. À long terme
Afin que votre processus d’innovation ouverte utilisant le Crowdsourcing se révèle durable, agile et efficace, je vous présente ci-dessous quelques points clés à garder à l’esprit :
- Vérifiez en permanence l’alignement de votre stratégie d’innovation ouverte avec votre stratégie d’entreprise : êtes-vous prêt à faire de l’innovation disruptive ? D’ailleurs, est-ce que vos managers sont enclins à accepter les modifications inhérentes à la nouveauté ? Voulez-vous obtenir des innovations de services, de produits, de business model, de méthodologies ? etc.
- Un processus d’innovation est un processus continu ; néanmoins pour la « foule » (Crowd), il est nécessaire de faire apparaître des cycles de sujets/projets réguliers et limités dans le temps.
- Faites toujours en sorte que votre processus offre une valeur ajoutée à 100% des participants (des outils, un éveil, une formation,…), qu’il récompense les gagnants et que vous le faites savoir.
- La Propriété Intellectuelle des idées ou des innovations doit être une priorité avant de se lancer. Privilégiez des solutions où les idées ne sont pas publiques.
- Veillez toujours à bien équilibrer votre modèle de Crowdsourcing : trop expert = vous passerez à côté d’opportunités ; trop nombreux = trop coûteux ; peu de gagnants ou peu de rémunérations = risque d’indifférence ou de défiance ; etc.
- Prévoyez un référent du modèle d’innovation ouverte afin qu’il y ait mesure des principaux KPI2 et amélioration continue du processus.
Une limite sociale et donc de marché car si le succès commercial peut être rapidement atteinte, voyez par exemple avec Uber ce que peut devenir une innovation « made in Crowdsourcing ». les explications ci-après.
Le Crowdsourcing pour l’innovation représente un apport économique majeur et est sans nul doute une tendance durable, mais attention à l’utiliser très ponctuellement ou à l’inscrire dans un modèle plus durable -donc en prenant en considération l’aspect humain et organisationnel- pour créer une véritable dynamique pérenne de votre compétitivité.
(1) Return over Investment ou Retour sur Investissement
(2) Key Performance Indicator ou Indicateur Clé de Performance
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