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IA : les craintes sur la perte d’emploi sont-elles fondées ?

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IA : les craintes sur la perte d’emploi sont-elles justifiées ? Getty Images

L’avenir du travail est en train de se redessiner sous l’effet de l’intelligence artificielle. Selon les experts, l’IA remplacera de nombreuses carrières à temps plein cette année, réduisant ainsi le nombre d’emplois et créant une plus grande dépendance à l’égard des emplois temporaires et des travailleurs indépendants.

 

Depuis plusieurs années, l’IA alimente les débats : en 2023, elle suscitait déjà des craintes quant à son impact sur l’emploi, et en 2024, les chefs d’entreprise constatent qu’elle accentue la pression sur un marché du travail déjà tendu.

Mais ces inquiétudes sont-elles fondées ? Aujourd’hui, une nouvelle étude apporte des éléments de réponse sur la réalité des risques de perte d’emploi liés à l’IA.


 

Les craintes de perte d’emploi liées à l’IA sont-elles justifiées ?

Selon le Rapport mondial sur l’avenir de l’emploi 2025 (Future of Jobs), 41 % des entreprises prévoient de réduire leurs effectifs à mesure que l’intelligence artificielle se développe. Une perspective qui alimente les inquiétudes des travailleurs du monde entier, notamment dans les métiers du savoir, où près de la moitié des professionnels redoutent d’être remplacés par l’IA.

Pourtant, les experts tempèrent ces craintes : l’IA est avant tout un outil destiné à améliorer l’efficacité des travailleurs, et son impact sur l’emploi pourrait être moins radical qu’anticipé.

Mais alors, quels secteurs se sentent les plus menacés ? Pour y répondre, les analystes de l’AIPRM ont étudié les données de recherche mondiales afin d’évaluer si les préoccupations des employés correspondent aux évolutions réelles du rôle de l’IA dans le marché du travail. L’étude s’appuie sur une méthodologie en trois étapes, visant à identifier les professions les plus concernées et les domaines où les solutions d’IA suscitent le plus d’intérêt.

  1. Les analystes ont utilisé l’outil d’intelligence logicielle Ahrefs pour recueillir des données moyennes sur les recherches mondiales afin d’extraire les postes les plus recherchés à la suite de la phrase : « L’IA remplacera-t-elle… » et de les classer par ordre.
  2. Pour évaluer dans quels secteurs les solutions basées sur l’intelligence artificielle sont les plus facilement adoptées, les chercheurs ont analysé les volumes de recherche de termes comme « Ingénieur IA ». L’objectif : mesurer si l’intérêt pour ces nouvelles fonctions reflète réellement les craintes de remplacement exprimées par les travailleurs.
  3. Les analystes ont prédit la croissance de l’emploi dans chaque domaine au cours de la prochaine décennie à partir des chiffres de BLS.GOV afin de déterminer si les préoccupations des employés étaient en corrélation avec les tendances prédites.

 

10 métiers passés au crible face à la menace de l’IA sur l’emploi

L’étude a identifié les professions les plus exposées au risque de remplacement par l’intelligence artificielle. Chaque métier a été classé selon son niveau de vulnérabilité, en fonction du volume moyen de recherches mensuelles liées aux inquiétudes sur la perte d’emploi.

  1. Les programmeurs (5 100 recherches mensuelles, 2 800 sur des alternatives liées à l’IA) sont les plus concernés par le remplacement par l’intelligence artificielle. Cela traduit une inquiétude croissante quant à l’avenir de la profession, alors que les entreprises privilégient des solutions IA plus rapides et moins coûteuses. L’analyse prévoit une baisse de 10 % des emplois en programmation aux États-Unis d’ici 2032.
  2. Les développeurs de logiciels (2 500 recherches mensuelles, 6 200 sur des alternatives liées à l’IA) arrivent en deuxième position. Pourtant, le secteur reste en pleine expansion, avec une croissance prévue de 26 % entre 2023 et 2033, offrant une certaine sécurité aux professionnels. L’analyse souligne que, malgré les avancées de l’IA dans l’exécution de tâches techniques, l’intervention humaine reste essentielle pour l’imagination, la résolution créative de problèmes et la pensée analytique, des compétences que l’IA peine encore à reproduire.
  3. Comptables (1 500 recherches mensuelles, 700 sur des alternatives liées à l’IA). Selon l’analyse,51 % des professionnels du secteur estiment que ChatGPT et l’IA générative peuvent jouer un rôle dans les tâches fiscales, comptables et d’audit. Toutefois, les experts soulignent que le jugement humain et l’intelligence émotionnelle restent essentiels dans la relation client, ce qui explique une croissance prévue de 6 % de l’emploi entre 2022 et 2032.
  4. Les avocats (1 300 recherches mensuelles, 11 000 sur des alternatives liées à l’IA). Les analystes citent un rapport de Goldman Sachs selon lequel l’IA pourrait automatiser 44 % des tâches juridiques. Malgré ces évolutions, ces professions devraient enregistrer une croissance de 5 % d’ici 2033. Les chercheurs estiment que « ceux qui intègrent l’intelligence artificielle à leurs compétences auront un avantage sur ceux qui s’y opposent ».
  5. Analystes de données (1 000 recherches mensuelles, 1 200 sur des alternatives liées à l’IA). Pourtant, le secteur devrait connaître une croissance de 23 % entre 2021 et 2031, selon les experts. Si l’IA excelle dans l’identification de modèles et le traitement des données, elle ne peut pas rivaliser avec la compréhension humaine, l’intuition et les capacités de résolution de problèmes, des compétences essentielles pour interpréter et exploiter les informations.
  6. Médecins (900 recherches mensuelles, 16 000 sur des alternatives liées à l’IA). Les professions médicales s’inquiètent de l’impact de l’IA, car les recherches portent sur des solutions plus rapides et plus excessives. Cependant, les projections restent rassurantes : l’emploi des médecins devrait croître de 4 % entre 2023 et 2033. Les analystes estiment que l’expertise humaine restera essentielle, notamment pour les soins aux patients, le diagnostic et l’empathie — des qualités que l’IA ne peut pas reproduire.
  7. Data Scientists (800 recherches mensuelles, 600 sur des alternatives liées à l’IA). Selon les prévisions, le taux de croissance de l’emploi dans ce secteur augmentera de 36 %, malgré la capacité de l’IA à effectuer de nombreuses tâches de traitement. Selon les experts, les compétences humaines restent essentielles, notamment la gestion de projet, la communication avec les parties prenantes et le travail en équipe, des aspects que l’intelligence artificielle ne peut pas remplacer.
  8. Ingénieurs (700 recherches mensuelles, 7 000 sur des alternatives liées à l’IA). Les analystes soulignent que les ingénieurs subissent la pression des progrès de l’intelligence artificielle. Cependant, le secteur reste prometteur : l’emploi des ingénieurs devrait croître de 11 % d’ici 2033. Les analystes rappellent que si l’IA peut optimiser et assister la conception, elle ne peut pas remplacer la créativité, la résolution de problèmes et la pensée critique, des compétences essentielles que les ingénieurs apportent à leur travail.
  9. Radiologues (450 recherches mensuelles, 200 sur des alternatives liées à l’IA). Les radiologues sont confrontés aux mêmes incertitudes que les médecins. Toutefois, les prévisions restent optimistes : l’emploi dans ce domaine devrait croître de 6 %. Si l’IA permet d’améliorer l’analyse des données d’imagerie, les experts soulignent que les compétences humaines restent essentielles, notamment l’interprétation des résultats, la prise de décision clinique et la collaboration avec d’autres professionnels de santé, des aspects que l’IA ne peut pas remplacer.
  10. Les métiers de la cybersécurité (450 recherches mensuelles, 1 500 sur des alternatives liées à l’IA) figurent parmi les moins vulnérables à l’automatisation, au même titre que les radiologues. Mieux encore, le secteur affiche l’une des plus fortes perspectives de croissance : l’emploi en cybersécurité devrait augmenter de 33 % entre 2023 et 2033, soit le deuxième taux de croissance le plus élevé parmi les professions analysées.

Dans un échange par courriel, Christoph C. Cemper, fondateur de l’AIPRM, souligne que cette étude met en lumière une réaction profondément humaine face à la montée en puissance de l’IA : une combinaison de curiosité et d’anxiété. « La question ne se limite pas à savoir si l’IA va remplacer des emplois. Il s’agit aussi de comprendre comment les individus cherchent à s’adapter, comme en témoigne le fort volume de recherches sur les solutions IA », explique-t-il. Plutôt que de simplement craindre d’être remplacés, beaucoup explorent activement des moyens d’intégrer l’IA à leur travail, d’évoluer avec elle et de rester compétitifs sur le marché.

 

IA et emploi : au-delà des craintes, un défi d’adaptation

Christoph C. Cemper souligne que les données reflètent une incertitude profonde quant à la transition du marché du travail vers une ère où l’intelligence artificielle joue un rôle central. « Le défi ne se limite pas à l’acquisition de nouvelles compétences. Il s’agit aussi de bâtir la confiance, d’encourager l’innovation et d’adopter une utilisation responsable et éthique de l’IA, non pour remplacer les travailleurs, mais pour amplifier leurs capacités », explique-t-il.

Les professions qui considèrent l’IA comme un allié plutôt qu’un adversaire seront, selon lui, celles qui réussiront le mieux à s’adapter et à prospérer dans le futur.

 

Une contribution de Bryan Robinson pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie


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