Google réduit l’effectif de l’équipe qui a sauvé des vies lors des inondations au Brésil

Google a diminué les effectifs d’une équipe qui a aidé la police à sauver des vies et à enquêter sur des crimes majeurs, malgré sa promesse au département de la Justice des États-Unis (DOJ) de maintenir un effectif suffisant.

Un article de Thomas Brewster pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie

Legal Investigations Support (LIS), l’équipe de Google en première ligne pour répondre aux demandes de données externes, traite une avalanche incessante de requêtes concernant les informations des utilisateurs — mandats de perquisition, assignations, et demandes de données d’utilisateurs décédés par leurs familles endeuillées.

Lors des inondations dévastatrices dans l’État de Rio do Sul au Brésil en mai dernier, le département de la Justice des États-Unis et la police civile du pays ont sollicité la LIS pour obtenir des données de localisation des téléphones des personnes portées disparues dans les inondations. Ils ont obtenu ces informations rapidement. Des sources proches de l’opération ont indiqué à Forbes que cela a permis de sauver environ 40 vies.

Plus tard ce mois-là, la LIS a été touchée par une série de licenciements qui a impacté 20 membres de l’équipe d’environ 120 personnes. Dix ont été licenciés directement tandis que dix autres ont eu le choix de partir ou de se relocaliser dans les centres de Chicago et Austin. Cela représentait une nouvelle réduction du soutien de Google à une unité déjà sous pression, qui était sous un gel des embauches depuis mi-2022 ; ce gel est toujours en place aujourd’hui.

Pour cet article, Forbes a interrogé plusieurs membres actuels et anciens de cette équipe, ainsi que des personnes connaissant les opérations de la LIS. Ensemble, ils ont décrit une équipe accomplissant un travail essentiel pour la sécurité publique – répondant à des catastrophes naturelles, localisant des victimes d’enlèvements, assistant dans des enquêtes criminelles – mais qui a été réduite et démoralisée ces dernières années.

Parmi les retards les plus significatifs figurent des milliers de demandes de familles endeuillées cherchant à accéder aux comptes Google de leurs proches décédés.

« Cette équipe est chargée de tâches extrêmement sensibles mais doit se contenter de ressources minimales », a déclaré un employé actuel. Le fait que les licenciements soient survenus si peu de temps après le succès de l’opération de sauvetage au Brésil a été « choquant » et a encore plus affecté le moral de l’équipe, à tel point qu’ils ont « énormément de mal à retenir les talents », a déclaré une autre personne connaissant les opérations de l’équipe.

L’équipe LIS de Google face à une demande croissante et un personnel réduit

Les licenciements et les départs opportunistes ont laissé l’équipe restante avec une liste croissante de demandes urgentes de données, selon des sources. Les chefs de département ont été clairs : pour une équipe déjà en sous-effectif, les retards seraient « substantiels » et continueraient à augmenter au cours de l’été et probablement au-delà. Parmi les retards les plus importants figurent des milliers de demandes de familles endeuillées cherchant à accéder aux comptes Google de leurs proches décédés, demandes qui ont explosé depuis l’épidémie de Covid-19 en 2020 et continuent de croître.

La réduction de l’équipe LIS par Google semble particulièrement mal choisie compte tenu des avertissements antérieurs du département de la Justice des États-Unis. En octobre 2022, en partie en réponse à la perte de données par Google liée à une enquête sur la plateforme d’échange de cryptomonnaie BTC-e, l’agence a demandé au géant de la technologie de signer un accord promettant de « maintenir un niveau de personnel suffisant pour la conformité » afin de soutenir ses obligations envers les ordonnances gouvernementales. Google a peut-être signé cet accord, mais a tout de même maintenu le gel des embauches de la LIS et procédé aux licenciements et réaffectations de mai.

Le DOJ a refusé de commenter si Google avait violé l’accord avec ces réductions. Cependant, les législateurs ont exprimé leurs préoccupations concernant ces coupes. La représentante Becca Balint a déclaré à Forbes que réduire les équipes qui assistent les agences de sécurité publique et les forces de l’ordre était « clairement préoccupant ». « Les plateformes doivent garantir qu’elles disposent des ressources nécessaires pour protéger les données des utilisateurs et répondre aux demandes raisonnables des forces de l’ordre », a-t-elle ajouté.

Le porte-parole de Google, Matt Bryant, a réfuté l’affirmation selon laquelle l’entreprise aurait réduit la capacité de la LIS à faire son travail efficacement. « Nous effectuons régulièrement des changements d’équipe et avons considérablement amélioré nos processus concernant les enquêtes juridiques », a-t-il déclaré. « Les récents ajustements ont permis de regrouper les activités de l’équipe en moins de lieux tout en maintenant nos normes élevées pour répondre aux demandes des forces de l’ordre. » Il a assuré que les réductions de personnel et les gels d’embauche n’ont en aucun cas affecté l’engagement de Google à respecter les procédures légales américaines. Il a ajouté que pour les dix postes où le personnel avait le choix de se relocaliser, tous seraient pourvus, quelles que soient les décisions des employés actuels. M. Bryant n’a pas précisé de calendrier pour l’affectation de ces postes.

Alors que l’équipe LIS a vu ses effectifs diminuer ces dernières années, sa charge de travail n’a cessé d’augmenter. Les rapports de transparence de Google indiquent une hausse continue des demandes de données émanant des forces de l’ordre à travers le monde, chaque année depuis cinq ans. Lors de la période de rapport la plus récente, de janvier à juin 2023, les gouvernements du monde entier ont déposé plus de 210 000 demandes de divulgation d’informations sur les utilisateurs, contre un peu plus de 190 000 au cours des six mois précédents. Dans l’une de ses affaires les plus médiatisées de ces dernières années, la LIS était responsable de fournir des informations de géolocalisation aux enquêteurs essayant d’identifier les personnes ayant pris d’assaut le Capitole américain lors des émeutes du 6 janvier 2020.

Au-delà de ces ordres de géorepérage, les policiers fédéraux ont formulé des demandes significatives à l’équipe, sollicitant des informations sur toute personne ayant utilisé certains termes de recherche ou des données sur tous les individus ayant regardé certains ensembles de vidéos YouTube. La LIS n’a pas été en mesure de répondre à toutes les requêtes des forces de l’ordre comme elles l’espéraient. En juillet 2022, alors que les gels d’embauches frappaient, le FBI a demandé à Google de revoir des vidéos YouTube pour des menaces de mort racistes présumées. Selon des documents judiciaires obtenus par Forbes, un membre du personnel de Google a indiqué à l’agence qu’un « manque de personnel » empêchait l’équipe de mener cette tâche correctement. Google a contesté la version du FBI, affirmant que le problème venait de l’absence d’informations suffisamment précises fournies par les forces de l’ordre pour identifier les flux en direct concernés.

Google a tenté d’utiliser l’IA pour accélérer le travail de la LIS, bien que cela ne se soit pas déroulé comme prévu. Des sources ont indiqué qu’en 2021, l’entreprise avait lancé un outil pour scanner les assignations, mandats de perquisition et autres ordonnances judiciaires afin de déterminer quelles données avaient été demandées avant de les exporter vers l’équipe LIS. Cependant, l’outil a mal fonctionné, et des membres de l’équipe ont rapporté à Forbes qu’il compliquait souvent leur travail et le rendait plus chronophage.

« Ça ne fonctionnait pas très bien », a déclaré une personne connaissant les opérations de la LIS. « Toutes les fausses alertes et les erreurs qu’il commettait ajoutaient du temps passé à examiner et traiter manuellement… Il manquait des éléments ou extrayait des informations qui ne devraient pas l’être, ou encore définissait des plages de dates trop larges. » M. Bryant a affirmé que Google expérimente toujours des moyens d’améliorer l’efficacité, dont certains n’aboutissent pas toujours à des améliorations.

Ainsi, avec un effectif réduit et peu de solutions techniques susceptibles de compenser cela, la LIS peine à suivre le rythme. Certains changements techniques pourraient toutefois alléger quelque peu la situation. Par exemple, une mise à jour de la manière dont Google stocke les données de localisation sur les appareils plutôt que dans ses systèmes cloud signifie que l’entreprise ne pourra bientôt plus répondre aux demandes de géolocalisation. Cependant, comme l’a confirmé Google, ce changement rendra également impossibles des opérations de sauvetage comme celles menées au Brésil à l’avenir.

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