UN ETAT DES LIEUX MITIGE
Les pratiques des grandes entreprises sont hétéroclites en matière de politique achats et de relations avec leurs partenaires et fournisseurs.
Autant l’open innovation est un terme qui s’y répand allègrement et justifie notamment de nombreuses démarches en faveur d’alliances avec les start-up, autant cela donne l’impression que l’innovation s’ouvre moins spontanément vers les acteurs historiques de la filière, tels que les fournisseurs et partenaires. Paradoxal non ? La politique du département achats est donc très inégale d’une entreprise à l’autre, selon qu’elle est intégrée, ou non, à la stratégie de développement ou à la vision à moyen terme de l’entreprise.
PRINCIPE DE L’INNOVATION OUVERTE
L’innovation ouverte est en soi une démarche emplie de bons sens. Il s’agit de se tourner vers des partenaires qui détiennent des compétences, des savoir-faire, des technologies dont on ne dispose pas, pour créer ensemble de nouvelles offres. C’est effectivement le « faire ensemble » qui constitue le principal obstacle opérationnel. Des questions de management et de propriété intellectuelle viennent compliquer les accords potentiels. Mais une fois ces aspects traités, les résultats s’avèrent le plus souvent positifs.
UNE DEMARCHE FOURVOYEE
Si l’entreprise reste à l’initiative de ces décisions de partenariat, elle se prive parfois d’idées qui viendraient de l’extérieur, de la frange de son marché. Confrontée à ces projets, qu’elle traite avec son prisme de pensée habituel, bien souvent l’entreprise recule : trop risqué, trop éloigné du coeur de métier. C’est d’ailleurs pourquoi, aujourd’hui, l’option « start-up » a plus de succès car ces jeunes pousses peuvent porter des projets « éloignés » mais le risque reste mesuré, circonscrit, extérieur à l’entreprise. Au pire, le bénéfice d’image ne sera pas perdu en cas d’échec. En effet, dans ce milieu, ce qui compte, c’est de prendre des risques. L’échec fait partie de l’équation. Il coûte plus ou moins cher.
Cette démarche écarte toutefois ce qui peut émaner des PME, et servir tant leurs intérêts que ceux du donneur d’ordres. Pourquoi être plus ouvert avec les start-up qu’avec ces PME qui sont historiquement des partenaires du groupe ? Les grandes entreprises n’auraient-elle pas plus à gagner en dynamisant davantage ce réseau historique pour en faire émerger des innovations à même de nourrir ses propres ambitions, voire d’ouvrir de nouveaux marchés.
Quand l’intégration des politiques achats, R&I, commerciale et Propriété Intellectuelle n’est pas présente ou pas murie, les relations avec les fournisseurs et partenaires se cantonnent, au pire à des relations client / fournisseur classiques, au mieux à quelques partenariats ponctuels au gré d’une opportunité au service d’un projet commun, innovant ou non. Toutefois la stratégie envers les partenaires et fournisseurs est rarement construite, volontariste et considérée comme un levier d’importance dans la vision du comité exécutif.
UN RESEAU A ACTIVER POUR MIEUX PERENNISER ET INNOVER
Pourtant à la lumière de ce que sont, réellement, l’innovation ouverte et la responsabilité sociale et environnementale (RSE), les grandes entreprises gagneraient à reconsidérer les relations entre elles et leurs fournisseurs ou partenaires, mais aussi le maillage des relations possibles entre ces différents acteurs. Une telle orientation impliquerait :
- une plus forte émulsion des projets innovants plus en amont dans la filière principale ou dans les filières connexes, dont l’entreprise pourra bénéficier
- le déploiement de synergies entre les acteurs de filières connexes
- un développement des activités des partenaires et fournisseurs, qui assure leur pérennité, voire des créations d’emplois localement pour un ancrage territorial plus fort
- des relations progressivement plus ouvertes et équilibrées
- une évolution culturelle au service de la santé économique de tous
- une image de marque valorisée même si les résultats concrets peuvent prendre 2 à 3 ans avant de percer sur le marché et d’impacter els chiffres d’affaires.
LES FRANÇAIS EN SONT-ILS CAPABLES ?
La France est toujours vue comme un pays où les entreprises restent fermées. Cela se ressent fortement dès qu’une innovation arrive de l’extérieur. Le plus souvent, elle reçoit une fin de non-recevoir.
Les fournisseurs et sous-traitants souffrent d’un manque cruel de considération, la plupart des grands donneurs d’ordres ne jugeant pas utile ou productif de considérer leurs intérêts économiques et de les intégrer dans leur propre stratégie de développement. C’est se tirer une balle dans le pied que d’imposer une pression inutile sur des acteurs plus petits. Quand une PME est mise à mal, cela se ressent sur ses salariés et sur le territoire.
Maintenir de telles postures vis-à-vis de ces PME est un non-sens, un handicap à l’innovation et à la création de valeur qui pourrait se déployer avec davantage de coopération. Les intérêts de chacun ne sont pas indissociables de ceux des autres. C’est une évidence qui peine à prendre le pas sur les pratiques réelles et les relations entre « grands » et « petits ».
DES INITIATIVES EXISTANTES
Les pôles de compétitivité, le Pacte PME, le Comité Richelieu proposent depuis plusieurs années un accompagnement des PME et un renforcement des liens entre petites, moyennes et grandes entreprises. Toutes les PME ne sont toutefois pas visées ou bien ne se sentent pas nécessairement concernées ou éligibles. Il faudrait donc aller plus loin dans les initiatives pour accompagner et stimuler les PME, comme peuvent l’être par ailleurs les start-up.
C’est par exemple ce que propose la société Nowall Innovation avec le programme Open Partners Lab, incitant les grandes entreprises, fédérations ou organisations à impulser et coordonner des actions favorisant la genèse d’innovations en amont des filières auxquelles elles sont implantées. Ce dispositif encourage les connexions entre partenaires ou fournisseurs en vue de faire naître des projets innovants et de pérenniser leurs activités.
Décideurs de grandes entreprises, êtes-vous prêts à reconsidérer votre réseau de partenaires, fournisseurs et sous-traitants comme des atouts pour le développement de vos marchés futurs ? Pouvez-vous envisager adopter une démarche volontariste en ce sens, comme vous pouvez le faire vis à vis des start-up ?
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