Les annonces de retour au bureau, particulièrement radicales aux États-Unis, se multiplient. Amazon, JP Morgan, Disney, Dell,… et bien d’autres imposent un retour massif, sous prétexte que le travail en présentiel favorise la collaboration, facilite les échanges d’idées et renforce la cohésion des équipes. Mais derrière ce retour forcé se cache une première réalité bien plus sombre.
Une contribution de Mehdi Dziri, directeur général d’Ubiq
La rhétorique, entendue dans un nombre croissant d’entreprises, insiste sur la perte de créativité et d’efficacité que le télétravail aurait engendrée, tout en posant le retour au bureau comme une réponse stratégique pour « restaurer » une culture d’entreprise plus dynamique. Pourtant, plus ces décisions se durcissent, plus leurs motivations semblent guidées par des intérêts économiques bien plus tangibles que la fameuse restauration d’une culture d’entreprise.
Ce retour forcé cache une première réalité plus sombre : la volonté de réduire les effectifs sans licenciements frontaux !
La rhétorique du retour au bureau
La mécanique est simple : En forçant un retour au bureau, les entreprises savent qu’elles vont pousser certains employés à quitter volontairement leur poste. Beaucoup de salariés, qui ont réorganisé leur vie autour du télétravail, voient cette obligation comme une contrainte inacceptable. Et le message passé laisse peu de place au doute : les collaborateurs ont le choix de revenir au bureau… ou de quitter l’entreprise. Un moyen subtil pour réduire les effectifs et ajuster les coûts sans les stigmates d’un plan de licenciement. Chez Amazon, par exemple, l’annonce du retour au bureau cinq jours sur cinq pour près de 300 000 salariés a été accompagnée d’un plan de réduction d’effectifs parmi les managers, un signal fort sur la véritable portée de cette directive. En orchestrant ces départs « volontaires » et en allégeant leurs équipes de management, ces entreprises réalisent des économies substantielles tout en évitant la mauvaise presse et le coût associé aux licenciements formels.
La France, un élève moins radical !
En France, le retour au bureau est moins catégorique, mais suscite tout de même de vives oppositions. Ubisoft, par exemple, impose désormais une présence de trois jours par semaine, mettant fin au télétravail illimité. Pour les collaborateurs qui ont reconstruit leur vie autour de leur faculté à télétravailler, cette décision est qualifiée de « plan social déguisé » par les syndicats. En septembre dernier, cela a déclenché un appel à la grève pour dénoncer un retour forcé qui pousse subtilement les collaborateurs les plus attachés à la flexibilité à quitter l’entreprise.
Les intérêts dissimulés des fonds d’investissements
Mais au-delà des questions de management, ce retour au bureau bénéficie surtout aux investisseurs immobiliers. Blackrock par exemple qui gère près de 5 milliards de dollars d’actifs immobiliers dans le monde a rappelé ses collaborateurs au bureau quatre jours sur cinq dès Mai 2023. Au-delà, d’être d’importants acteurs du marché de l’immobilier commercial, les grands fonds – comme BlackRock, KKR, Vanguard – sont également les principaux actionnaires des géants de la tech. Avec les bureaux vides depuis la pandémie, leurs investissements souffrent. Il est donc logique que ces fonds exercent une pression sur leurs participations pour qu’elles rappellent leurs employés sur site, surtout dans des marchés phares comme la Silicon Valley, New York ou Seattle. Finalement, en normalisant ce retour, les géants de la tech donnent le ton, et avec eux, c’est tout un secteur qui retrouve de la stabilité.
En définitive, ce retour au bureau n’est pas qu’un choix de productivité. Il reflète une vision culturelle, dissimule des stratégies de réduction d’effectifs, et soutient les intérêts d’investisseurs influents. Une décision aux ramifications multiples, bien plus complexes qu’il n’y paraît.
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