« Osons l’optimisme », c’est le titre du dossier du prochain Dirigeant Magazine, à paraître en octobre. Un discours qui peut être considéré comme décalé, voire mensonger par les temps qui courent.
« C’était tellement mieux avant »
Dans les années 80, on l’appelait sinistrose. Plus de trente ans plus tard, le « french bashing » devient un sport dans lequel les Français, incorrigibles masochistes, excellent eux-mêmes. Une longue période de critiques, de haine de soi, de dévalorisation systématique, de défaitisme, de déclinisme. Chômage, faible croissance économique, réchauffement climatique, guerres, menace nucléaire… c’était tellement mieux avant… du moins en apparence.
Chaque époque comprend son lot de violence
Car chaque époque, à bien y regarder, comprenait son lot de violence et de maux et se jugeait sévèrement. « Nous vivons aujourd’hui un temps, des siècles pires que l’âge de fer, à ce point criminels que la nature elle-même n’a pu trouver de noms pour eux et n’a pas trouvé de métal pour la désigner », écrivait déjà Juvénal à la fin du Ier siècle et du début du IIe siècle.
Un peu plus loin, le poète continue. « Déjà du temps d’Homère notre race baissait. La terre ne nourrit plus aujourd’hui que des hommes méchants et chétifs ».
Y-a-t-il une corrélation entre époque et pessimisme ?
Le pessimisme n’est donc pas spécifique à notre époque. Se réfugier dans le souvenir d’un passé fantasmé, d’un âge d’or, nous empêche de voir le monde tel qu’il est, avec ses misères mais aussi avec ses grandeurs. C’est toujours après-coup que le monde nous apparaît plus beau et plus vivable qu’il ne l’était. C’est l’avis également de l’historien Paul Veyne, fin connaisseur du monde gréco-romain. « Le bonheur est insaisissable ; la sagesse des individus sait qu’il n’existe que dans le souvenir… On ne saura qu’après qu’à telle ou telle époque on était heureux sans le savoir ».
Prendre du recul sur l’actualité racontée par les médias
Mais revenons aux temps présents. Sont-ils réellement aussi terribles qu’on nous les présente ? « On », c’est-à-dire les médias, toujours prompts, sous le prétexte que les trains qui arrivent à l’heure n’intéressent personne, à relater prioritairement les événements les plus sombres qui constituent notre actualité. Pour répondre à cette question, portons notre regard sur les faits et sur leur compilation et leur traitement sous forme statistique, à l’instar de l’écrivain suédois Johan Norberg dans son ouvrage Non, ce n’était pas mieux avant. Qu’apprenons-nous ? Que par exemple selon la Banque mondiale, la part de la population mondiale vivant avec moins de 1,90 dollar par jour est passée de 44,3 % à 9,6 % (en tenant compte de l’inflation) entre 1981 et 2015. Que la mondialisation a permis à 2 milliards d’êtres humains de doubler leur revenu en 10 ans. Que l’espérance de vie est passée de 65,3 ans en 1990 à 71,5 ans en 2013 dans le monde. Ou encore que l’illettrisme, toujours au niveau mondial, est passé de 80 % en 1800 à 5 % aujourd’hui. Voilà des données objectives, des faits et non des vérités « alternatives ».
Différence entre réalité perçue et faits réels
Comment expliquer alors cette distorsion entre la réalité perçue et les faits ? Pourquoi cédons-nous au pessimisme alors que nombre d’éléments positifs devraient nous inciter à envisager la vie avec confiance ? « Il faut comprendre que le pessimisme ou l’optimisme n’ont rien à voir avec la réalité. Ils sont fonction de la représentation que l’on se fait du réel », nous rappelle justement Boris Cyrulnik.
Etre optimiste, une exigence pour soi
Lire le monde au travers des lunettes de l’optimisme, ce n’est pas nier ou ignorer les aspects les plus sombres de l’Humanité. Ce n’est pas non plus mettre sa foi dans un idéalisme béat — « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » — ni suivre aveuglément les préceptes lénifiants et parfois débilitants issus de la pensée positive. Etre optimiste, c’est d’abord adopter une nouvelle posture qui rompt avec notre fascination pour le sinistre et le cynique, c’est s’évertuer à ne pas se complaire dans les passions tristes. C’est être exigeant envers soi-même, raison pour laquelle Alain ou encore Gramsci parlent « d’optimisme de volonté ».
Maîtriser son destin
Etre optimiste, c’est aussi voir et orienter le monde du bon côté, s’attacher avant tout à ses aspects positifs, c’est-à-dire les plus mobilisateurs pour soi et pour autrui, afin de façonner l’avenir à l’image de ce que l’on voudrait qu’il soit. C’est rendre le futur désirable. Etre optimiste, c’est enfin défier la fatalité, se donner les moyens de transformer les choses, agir pour refuser le pire. Pour toutes ces raisons, l’optimisme est une qualité que les entrepreneurs et les dirigeants doivent impérativement cultiver.
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