Les jeunes nés après 1995 commencent à pointer le bout de leur nez en entreprise. Pour beaucoup en stage, certains décrochent déjà leur premier emploi. Et une question se pose côté employeur, comment fidéliser cette « génération Z » souvent perçue comme une génération d’éternels insatisfaits, de zappeurs ? Professeure à l’IESEG, et autrice de l’ouvrage Génération Z. Des Z consommateurs aux Z collaborateurs (Dunod, co-écrit avec Marie-Eve Delécluse), Elodie Gentina nous aide à comprendre les Z et à mettre en place des stratégies de fidélisation, l’esprit d’équipe en fait partie.
Les jeunes nés après 1995 sont souvent présentés comme d’éternels insatisfaits. Et l’on a vite fait de qualifier cette génération Z de « zappeurs » et par extension d’être infidèle à son entreprise, est-ce une intuition confirmée ?
Elodie Gentina : Qualifier les Z de zappeurs est un stéréotype. Jusqu’à présent, quand on s’engageait, on restait dans l’entreprise car l’on se sentait redevable. Ainsi, les salariés étaient fidèles à leur entreprise. Mais il s’agissait d’une fidélité négative, « je dois être fidèle ». Aujourd’hui, la génération Z est dans une fidélité positive, « je suis fidèle si je suis bien, si j’apprends »…
Certes, on voit aujourd’hui se multiplier les cas de « job out » [le fait de fuir une carrière toute tracée, comme Xavier, le personnage interprété par Romain Duris dans L’Auberge Espagnole, ndlr], mais une étude Adecco-digiSchool de 2016 montre que 82% des jeunes se voient rester dans la même entreprise et 53% considèrent leur premier emploi comme une opportunité d’épanouissement. Ils sont donc prêts à rester dans la même entreprise, mais sous conditions. Et c’est bien la principale inquiétude des entreprises : si elles réussissent à embaucher des Z, il faut ensuite qu’elles parviennent à les garder.
Quelles sont donc ces conditions et quels sont ces leviers de fidélisation des Z ?
E.G. : Les Z ne sont plus dans une fidélité à l’entreprise. Il existe cependant plusieurs leviers de fidélisation. Le premier est l’esprit d’équipe (28,8%)*. On passe donc d’une fidélité à l’entreprise à une fidélité sociale. Les Z sont en effet attachés à leur groupe et cela se voit très bien dans leurs pratiques de consommation.
Autre levier de fidélisation, la possibilité d’évoluer rapidement en apprenant continuellement (28,4%), ainsi que la possibilité de développer de nouvelles compétences en faisant plusieurs missions (16,2%).
Vous parlez de « missions », cela signifie-t-il qu’une nouvelle manière de travailler s’installe ?
E.G. : En effet, les Z ne parlent plus de métier, mais de mission. L’enjeu est donc du côté de l’engagement plutôt que de la fidélisation. Jusqu’à présent, il était entendu que pour un premier poste, une période de trois ans minimum, avant de partir vers un nouvel emploi, était une durée convenable. Or, les Z, peut-être en raison de leur âge, mais pas seulement, ont beaucoup de mal à se projeter à plus de deux ou trois ans. Ils vivent l’instant. En revanche, quand ils sont en poste, ils s’engagent à 100% dans leur mission. Les entreprises doivent donc revoir leur manière de faire travailler ces jeunes en leur proposant des projets à court terme.
Ils ont vu leurs parents se faire licencier ou ne pas être épanouis au travail, voire souffrir au travail. Or, les Z ne veulent pas s’épanouir uniquement dans le travail, mais surtout dans la vie. Auparavant, l’entreprise permettait d’avoir un statut, un salaire, et aujourd’hui ce n’est plus le cas.
Comment peuvent faire les entreprises pour fidéliser ces jeunes ?
E.G. : Nous l’avons vu, 82% des Z sont près à rester dans l’entreprise si le poste est évolutif. Cela signifie qu’il est indispensable pour eux de pouvoir apprendre et de pouvoir créer. De plus, nous l’avons vu aussi, ils ont du mal à se projeter. En partant de ces constats, les entreprises doivent être un prolongement de l’école, elles doivent être apprenantes.
Un sondage Odoxa de juin 2018 montre en effet que pour 91% des salariés il est important d’apprendre tout au long de la vie. 84% pensent qu’il faut se former pour changer de métier, et deux tiers d’entre eux qu’il faut se former pour changer d’entreprise.
Rappelons que la génération Z est la première génération omnisciente avec un nouveau rapport à la connaissance, une compétence accrue en matière numérique… Ils veulent se former et apprendre n’importe où et n’importe quand et vont chercher les ressources sur leur smartphone. L’entreprise doit donc leur permettre de travailler en mode projet, leur faire des feedbacks continus – l’entretien annuel est bien trop lointain pour eux. Certaines entreprises l’ont compris en créant leur propre centre de formation ou leur école en interne.
L’entreprise doit aussi être partageante, centrée sur le collectif. Ils aiment l’esprit d’équipe et veulent faire des activités ensemble. La structure doit donc proposer des activités collective qu’elles soient de loisir, centrées sur le travail, ou d’intérêt général. Enfin, l’entreprise doit proposer un cadre, un environnement de travail agréable. Les Z veulent se sentir bien dans leur entreprise.
*Etude menée auprès de 2 300 jeunes français de 15 à 22 ans, étudiants et lycéens.
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