La décision politique à la lumière des neurosciences et de l’ingénierie relationnelle
La présidence d’Emmanuel Macron, marquée par des crises répétées et des décisions controversées, illustre à quel point la pression peut révéler – et exacerber – les travers cognitifs propres au leadership. Au-delà du politique, ces mécanismes affectent tout leader confronté à des situations complexes : PDG, entrepreneurs, chefs d’équipes.
En explorant les neurosciences et l’ingénierie relationnelle, cet article décrypte les mécanismes cérébraux et émotionnels qui influencent les décisions des dirigeants sous pression.
La démission du gouvernement Barnier : un épiphénomène
Il faut bien constater que la démission du gouvernement Barnier n’est qu’un épiphénomène de la structure décisionnelle d’Emmanuel Macron. Sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale en est aussi un symptôme révélateur. Si le président a justifié son choix en blâmant l’opposition, il s’est montré incapable de fournir une explication pertinente, laissant une impression d’inconséquence, voire d’incompétence politique. La droite sénatoriale en est venue à dénoncer l’inconscience du président, tandis que la gauche n’est pas plus complaisante. Ce choix, loin d’être une simple réponse rationnelle à une crise politique, est inscrit dans une dynamique plus profonde, marquée par des schémas cognitifs et relationnels caractéristiques.
Un cerveau sous pression : entre émotion et rationalité
Les situations de crise activent chez les individus des mécanismes biologiques qui influencent directement leurs décisions. Dans le cas d’Emmanuel Macron, la dissolution de l’Assemblée nationale peut être analysée à travers les réponses neurochimiques associées au stress.
La chimie du stress :
- Noradrénaline(1) : une augmentation de ce neurotransmetteur accroît l’état d’alerte et concentre l’attention sur des solutions immédiates, au détriment d’une vision plus large. Ce mécanisme, ancré dans notre biologie, explique pourquoi des décisions politiques prises dans l’urgence peuvent sembler rationnelles sur le moment, tout en manquant de profondeur stratégique.
- Cortisol(2) : libérée par les glandes surrénales en réponse au stress, cette hormone perturbe la communication entre l’amygdale (responsable des émotions) et le cortex préfrontal (chargé de la réflexion rationnelle). Résultat : la capacité à analyser les options est réduite.
- Dopamine(3) : simultanément, une suractivation de ce neurotransmetteur – associé au plaisir et à la satisfaction interne – génère une sensation illusoire de gratification immédiate. Une décision impulsive peut alors sembler satisfaisante et pertinente, même si elle ne l’est pas.
Ces mécanismes combinés favorisent des choix rapides et émotionnels, tout en renforçant une perception illusoire de contrôle. Le manque de contrôle de soi est d’autant plus flagrant qu’il s’exprime par les rejets de responsabilités et les accusations lancées contre ceux qui ont pourtant toujours exprimé leurs désaccords avec ses décisions.
L’illusion de contrôle et la surconfiance
Face à des situations complexes, le cerveau cherche naturellement à simplifier la prise de décision. Ce fonctionnement, connu sous le nom d’illusion de contrôle(4), amplifie la croyance qu’une action forte permettra de résoudre une situation tendue.
Cette perception découle d’un déséquilibre entre l’amygdale et le cortex préfrontal, limitant la capacité d’évaluer les nuances ou les conséquences à long terme. Chez Emmanuel Macron, la dissolution de l’Assemblée peut être interprétée comme une tentative d’asseoir son autorité dans un contexte chaotique, exacerbée par un mécanisme neurocognitif favorisant l’action rapide plutôt que la réflexion rationnelle.
Le principe de l’énergie libre(5) : un cerveau en quête de certitudes
Les neurosciences modernes, à travers le principe de l’énergie libre, expliquent que le cerveau humain cherche constamment à réduire l’écart entre ses attentes et la réalité perçue. Une situation politique instable génère une forte incertitude, augmentant cette « énergie libre ».
Pour y faire face, le cerveau peut privilégier des actions immédiates, même si elles sont incomplètes ou contre-productives. Dissoudre l’Assemblée nationale devient alors une tentative émotionnelle de rétablir une forme de contrôle perçu, tout en évitant l’effort cognitif nécessaire pour explorer des solutions alternatives. L’état de conscience de l’individu se heurte à des obstacles de la pensée et se traduit par des énoncés accusateurs et fatalistes.
Une analyse relationnelle : les effets collectifs
Au-delà des mécanismes individuels, l’ingénierie relationnelle permet de comprendre l’impact collectif de cette décision. Lorsqu’une action politique est perçue comme déconnectée des attentes populaires, elle active un sentiment de menace au sein de la société.
- Réactions émotionnelles : la colère et la frustration, amplifiées par l’amygdale, poussent les électeurs à rechercher des solutions « claires » ou « radicales », souvent représentées par des discours extrêmes.
- Polarisation sociale : dans un contexte émotionnel chargé, les idées simplistes et catégoriques deviennent plus attractives, renforçant les divisions et les mécontentements.
Ces dynamiques collectives montrent que les décisions impulsives prises sous pression peuvent engendrer des tensions sociales durables, aggravant les fractures existantes.
Les conséquences des obstacles et des limites de la pensée
Les décisions prises par une gouvernance en manque de soutien tendent inévitablement vers une connotation conflictuelle. Les neurosciences et l’ingénierie relationnelle révèlent que, malgré une apparence de rationalité, ces décisions sont souvent influencées par des biais émotionnels et cognitifs.
Pour surmonter ces limites, les décideurs doivent savoir adopter des mécanismes de régulation émotionnelle et animer une réflexion collective. La qualité des décisions serait améliorée, et la confiance entre gouvernants et gouvernés serait entretenue. Une transformation profonde des mentalités et des pratiques est nécessaire : il ne s’agit pas de prétendre renaître de ses erreurs comme un phénix, mais d’apprendre à bâtir un socle de décisions éclairées.
Une telle approche nécessite une refonte des formations managériales et de gouvernance, encore absente des bancs des « grandes écoles », où l’excellence académique devrait s’enrichir des avancées neuroscientifiques et des compétences d’altérité promues par l’ingénierie relationnelle. En attendant cette évolution, les leaders d’aujourd’hui doivent incarner une gouvernance exigeante, fondée sur la lucidité, la maîtrise émotionnelle et la capacité à fédérer autour de décisions éclairées et inclusives.
- Rôle de la noradrénaline dans la prise de décision, Simple Science, 1.12.2024 https://simplescience.ai/fr/2024-12-01-le-role-de-la-noradrenaline-dans-la-prise-de-decision-perspectives-du-tvns–amqpo8?utm_source=chatgpt.com
- La sécrétion de cortisol réduit les connexions entre les neurones, Neurosciences Académies, François Vialatte, 20.03.2021
- Rôle des neurotransmetteurs dans la prise de décision, Fastercapital.com, 8.06.2024
- L’illusion du contrôle, Académie des sciences morales et politiques, Le cerveau et la décision, Olivier Houdé, 8.O2.2021
- The free energy principle made simpler but not too simple, Karl Friston, Science direct, 19.06.2023
- Si vous ne tenez pas les brides de votre pensée, d’autres s’en saisiront, Pour en finir avec la servitude volontaire. JL Lascoux, 2022
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