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En management, la bienveillance ça va dans les deux sens !

Apparu dans les années 2000 en réponse aux dérives des pratiques managériales autoritaristes ainsi qu’à la montée des risques psychosociaux, le management bienveillant, fondé sur le désir d’humaniser les relations au travail, pourrait bien commencer à atteindre ses limites.

 

De la bienveillance à la complaisance

Une étude de PLOS ONE réalisée en 2022 démontre que l’excès d’attention au leadership bienveillant peut entraîner une dépendance émotionnelle excessive et une baisse d’initiative. La même année, une enquête du CIPD[i] alerte que, lorsque le management bienveillant n’est pas associé à une responsabilisation claire, peut réduire la créativité et renforcer l’immobilisme.

Par ailleurs, une étude Gallup de 2022 met en avant que, si la bienveillance n’est pas contrebalancée par des attentes de performance peut diminuer l’engagement des salariés. Enfin, une étude de Bain & Company’s menée en 2023 attire l’attention sur le fait qu’un management trop bienveillant peut conduire à une autorité complaisante qui se manifeste par une réticence au changement par crainte de nuire à l’harmonie ou de déplaire aux collaborateurs.

 

Parce que les managers aussi ont besoin de bienveillance

Saviez-vous que :

  • 6% à 17% des managers ont été victimes de harcèlement moral, d’intimidation et de violences verbales de la part de certains de leurs collaborateurs[ii];
  • 72% des managers se déclarent stressés (59% pour les collaborateurs) ;
  • 63% se disent mentalement fatigués (46% pour les collaborateurs) ;
  • 49% se sentent isolés (37% pour les collaborateurs) ;
  • 58% expriment des doutes sur leurs capacités à assumer leurs responsabilités (44% pour les collaborateurs)[iii]:
  • 36% des managers expriment un manque de reconnaissance (28% pour les collaborateurs)
  • 32% une difficulté à concilier vie professionnelle et vie privée (27% pour les collaborateurs)[iv].
  • 52% des managers déclarent que le manque de soutien de leurs équipes rend leur fonction difficile à assumer[v].

Pour quelles raisons parle-t-on toujours de la souffrance au travail des collaborateurs et rarement, voire jamais, de celle des managers ?

 

De la subordination unilatérale à la symétrie des attentions

Selon vous, qui devrait être concerné par la règle d’or, « Traite les autres comme tu voudrais être traité » : le manager, le collaborateur ou les deux ? Considérer, comme le fait le législateur, que l’humanisation des relations est du ressort exclusif de l’autorité hiérarchique est une erreur fondamentale !

Dans une étude réalisée en 2019 par la HBR[vi] des chercheurs indiquent que les managers se sentent frustrés d’être les seuls à fournir des efforts pour maintenir une relation bienveillante. A en croire les travaux du sociologue français Norbert Alter, l’attention bienveillante ne doit pas être unidirectionnelle (du manager vers le collaborateur) mais partagée, à savoir que les collaborateurs aussi doivent se montrer attentifs à leurs managers. Si les collaborateurs se sentent soutenus par leur manager, il est crucial qu’ils lui rendent cette bienveillance estime le sociologue George Homans, auteur de la « Théorie de l’échange social ».

 

Les 10 engagements réciproques de la collaboration bienveillante

Parce que l’incitation à la bienveillance mutuelle ne sera jamais ancrée dans la réglementation sociale qui considère que tout est de la responsabilité du management, et parce que l’humanisation des relations ne va pas de soi, l’entreprise à tout intérêt à l’ériger en tant que normes sociales internes sous forme d’engagements réciproques. Nous vous proposons les 10 principaux :

 

les 10 engagements de la collaboration bienveillante
LES 10 ENGAGEMENTS RECIPROQUES DE LA COLLABORATION BIENVEILLANTE

 

1 – AUTHENTICITE

  • Le manager bienveillant est sincère et honnête dans sa relation, partageant ses opinions et ressentis, qu’ils soient positifs ou négatifs, dans le respect de l’autre.
  • Il est humble. Il dit ce qu’il fait et fait ce qu’il dit

 

  • Le collaborateur bienveillant exprime avec sincérité ses préoccupations et ses opinions dans un état d’esprit constructif et positif
  • S’il s’exprime avec franchise, il le fait dans le respect mutuel et sans agressivité

 

2 – TRANSPARENCE

  • Le manager bienveillant partage ses réflexions avec son équipe ainsi que les informations qui leur sont utiles sur toute sorte de sujet pour préserver la confiance mutuelle
  • Il se réserve le droit de ne pas communiquer les informations confidentielles et n’aborde pas de sujet individuel sensible en groupe

 

  • Le collaborateur bienveillant contribue activement à la circulation d’informations et n’hésite pas à demander celles dont il a besoin pour réaliser ses missions
  • Il ne fait pas de rétention d’informations et ne participe pas à la propagation de rumeurs ou d’informations non vérifiées qui seraient de nature à déstabiliser l’équipe

 

3 – ECOUTE

  • Le manager bienveillant offre des espaces d’expression individuels et collectifs et accorde une attention réelle aux ressentis, attentes et besoins de ses collaborateurs
  • S’il est attentif et fait preuve d’empathie, ce n’est ni un psy ni un assistant social

 

  • Le collaborateur bienveillant s’intéresse à la vie de l’entreprise, à ses collègues, questionne et demande des clarifications en cas d’incompréhension
  • Il ne reste ni passif, ni centré sur lui-même

 

4 – DIALOGUE

  • Le manager bienveillant procède à des feedbacks réguliers factuels et constructifs auprès de ses collaborateurs dans le but de les aider à progresser professionnellement
  • S’il prend les précautions pour ne pas être blessant il n’est pas complaisant pour autant et fait preuve de courage dans son feedback

 

  • Le collaborateur bienveillant accueille positivement les retours de son manager, s’assure de les avoir bien compris et les prend en considération
  • Il ne doit pas les percevoir comme des critiques ou des attaques personnelles et accepte de se remettre en cause si nécessaire

 

5 – COHESION

  • Le manager bienveillant impulse et préserve la cohésion d’équipe en organisant des moments de convivialité, de partage et de co-construction
  • S’il est centré sur les résultats il n’oublie que sa vocation première est de valoriser l’intelligence collective

 

  • Le collaborateur bienveillant privilégie l’intérêt commun à ses ambitions personnelles et prend en compte les autres dans ses actes et ses décisions
  • Cela ne veut pas dire qu’il doit se soumettre au groupe si cela ne convient pas à ses besoins ou à ses valeurs

 

  

6 – EQUITE

  • Le manager bienveillant crée les conditions d’une collaboration juste et équitable aussi bien au niveau opérationnel que relationnel
  • Il n’a ni chouchou, ni tête de turc et explique les critères sur lesquels il prend ses décisions pour éviter tout risque de sentiment d’injustice

 

  • Le collaborateur bienveillant s’assure que ses demandes soient justes et équitables, se montre factuel et objectif dans son analyse des situations
  • Il veille à ne pas se laisser piéger par ses émotions et ses biais cognitifs

 

 

7 – AUTONOMIE

  • Le manager bienveillant accorde une liberté d’action à ses collaborateurs et les encourage à prendre des initiatives dans le respect du cadre qu’il a prédéfini
  • S’il lâche prise sur le « comment », il reste ferme sur le « pour quoi »

 

  • Le collaborateur bienveillant exprime ce dont il a besoin pour agir en toute autonomie, est force de proposition et n’hésite pas à prendre des initiatives réalistes
  • S’il est autonome il n’est pas indépendant car il fait partie d’une équipe

 

8 – RECONNAISSANCE

  • Le manager bienveillant reconnaît la valeur et les contributions de chacun, célèbre les succès et valorise les erreurs et les échecs car il les considère comme des opportunités d’apprentissage
  • S’il ne condamne pas l’erreur et l’échec il fait preuve de courage pour sanctionner la faute

 

  • Le collaborateur bienveillant ne craint pas de mettre en avant ses réussites, de reconnaître ses erreurs et ses échecs et cherche à en tirer les enseignements
  • Il fait preuve de discernement et ne reporte pas la faute sur les autres

 

9 – EPANOUISSEMENT

  • Le manager bienveillant crée les conditions de la motivation, de l’engagement et du bien-être individuel et collectif et recherche des solutions lorsque ce n’est pas le cas
  • Il ne dit pas oui à tout, il peut aussi dire non si ce n’est pas possible

 

  • Le collaborateur bienveillant prend en main son épanouissement professionnel, exprime ce qui le motive et le démotive et recherche des solutions réalistes en concertation avec son manager
  • Il fait la part des choses entre ce qui est de son ressort et celui de son entreprise

  

10 – RESPONSABILITE

  • Le manager bienveillant n’impose pas mais propose et consent à faire évoluer son point de vue lorsque l’échange abouti à une meilleure décision pour l’entreprise et l’équipe
  • Il met son ego de côté et ne confond pas autorité hiérarchique et autoritarisme

 

  • Le collaborateur bienveillant agit comme un adulte responsable qui respecte ses engagements et assume les conséquences de ses actes
  • Il ne se met pas en victime car il a toujours le choix

 

La bienveillance mutuelle ne devrait pas se limiter à la relation hiérarchique mais concerner toutes les parties prenantes. Utopie ou possibilité ?

 


[i] CIPD : Chartered Institute of Personnel and Development

[ii] Source : EU-OSHA de 2015, Pew Research Center de 2019, ANDRH de 2021 et Technologia de 2022

[iii] Source : Malakoff Humanis de 2022

[iv] Source : Technologia 2023

[v] Source : Etude State of the Global Worplace 2022

[vi] HBR : Harvard Business Review

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