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Dirigeants : sortir du goulet d’étranglement

goulet d’étranglement
Sortir du goulet d'étranglement. Par Louis Chiquet. Image de Mo sur Unsplash

Tout dirigeant est-il condamné à devenir le goulet d’étranglement de son entreprise ? À avoir son organisation rythmée par ce qu’il est en mesure de digérer, ou existe-t-il des pistes pour s’en sortir ? 3 pistes pour sortir de cette fatalité…

 

La majorité des entrepreneurs débutent avec de faibles moyens humains. Soit ils sont seuls, ou au mieux ont quelques associés. Toute chose doit être priorisée, et nécessairement portée par les entrepreneurs s’ils n’ont pas d’investissement de départ, afin de lancer les premières rentrées au plus vite pour constituer une trésorerie, avant d’éventuellement déléguer à des sociétés externes ou des salariés. Un cycle somme toute classique.

Le nombre de personnes qui sont passées par ce parcours est grand. Prenons le cas typique de cet entrepreneur suisse : afin de démarrer sa deuxième structure suite à des déboires et conflits d’associés au sein de la précédente, elle-même démarrée par un ras-le-bol de son précédent travail dans une grande entreprise en tant que DRH, il s’associe à un ami d’enfance en qui il a confiance autour d’une raison d’être forte. À eux deux ils gèrent et délivrent la valeur pour les clients. Ils ont l’avantage d’avoir de précédentes expériences et d’avoir “déjà souffert”, et évitent les écueils classiques.

Certains par contre se lancent dès ou même durant l’université, et ont donc moins d’expériences, comme ce dirigeant du nord de la France : ses compétences en développement web, une passion adolescente, s’est révélée monnayable lors de ses cours d’université. Cela lui permit en premier lieu de rendre service à un cercle de connaissance, et de payer ses soirées d’étudiant en tant qu’auto-entrepreneur. Le bouche à oreille fit son œuvre, le poussa à recruter dans son cercle d’amis et à établir une société. Il dû gérer obstacles après obstacles, de la gestion administrative avec les services de l’état à la gestion des relations humaines avec des profils plus ou moins matures, tombant dans les écueils classiques. Malgré tout, l’entreprise continua son développement.

 

La création du goulet d’étranglement

Le schéma de ces deux parcours demeure profondément le même : une fois les bases de l’organisation établie, l’entrepreneur s’attaque avec passion d’un sujet à l’autre, le creusant, regardant le long-terme, définissant les détails les plus fastidieux montrant son expertise du sujet acquise, alors qu’avant de s’y intéresser ses compétences étaient proches de, 0.

S’il ne trouve pas une personne plus capable et qui va porter le sujet à sa place, il s’y investit. Cette folle énergie, il la débloque naturellement, comme l’explicite bien les Principes Source. Structurant pleinement le sujet, avant de le déléguer à une personne dont il attend de le porter, ou à minima appliquer ce qu’il a pu définir.

C’est ainsi qu’il passe de mois en mois, de sujet en sujet, tout en gardant un œil sur l’existant opérationnel qu’il a monté. Cependant, avec le turn-over et les transitions n’étant pas forcément si bien menées, il se retrouve à devoir revenir sur des sujets qu’il pensait maîtrisé et faire monter en compétences le remplaçant.

Pire, ayant mis sa tête dans tous les sujets de l’entreprise, lui-seul porte tout l’historique de l’entreprise, créant davantage de sollicitations auquel il doit répondre. Peu de ses réponses étant mises en capacité ou portées proprement, il se doit souvent de rappeler les choses. Et cela dérive souvent par un simple “manager poubelle” tel le fameux “Who’s got the monkey”.

Il dispose également d’un super-pouvoir qui le confine malgré lui dans ce goulet d’étranglement, toujours sollicité par les autres. Selon les Principes Source, un super pouvoir qu’il détient le rend incontournable, que je vais illustrer cette fois-ci avec une expérience personnelle à laquelle beaucoup semblent s’identifier : Bernard Marie, dirigeant et mon mentor à l’époque, me confie un besoin duquel découle un projet, étant expert dans l’entreprise sur le sujet je m’en empare. Je travaille activement pendant 2 semaines dessus, avant d’enfin lui faire une restitution. Tant de sueur et d’heures passées, la reconnaissance du travail accompli est à venir. Cependant, dès que je commence, son premier commentaire est : “Mais Louis, pourquoi n’as-tu pas fait comme ça…” et il me partage une façon de faire extrêmement simple, et plus efficace.

La réaction première d’un collaborateur dans ce genre de situation peut être la colère par le manque de reconnaissance ou la frustration avec soi-même de ne pas avoir vu cette façon de faire pourtant si simple et logique. Pour ma part, ce fut la culpabilisation qui me laissa de marbre. Lorsque je partage cet exemple, beaucoup de collaborateurs ou managers comprennent ce sentiment.

Et pourtant, le dirigeant Source n’est pas superman ! Mais cette énergie Source qu’il porte, et ses connaissances historiques, font qu’à force, l’on comprend le besoin de s’y référer encore et encore, incitant à ce goulet d’étranglement.

 

Quelles solutions ?

Comment faire pour sortir de ce carcan, qui met de plus en plus de poids sur les épaules d’un dirigeant avec des journées limitées à 24h… La première étape consiste à s’organiser autour du travail plutôt que les personnes, afin d’expliciter les nombreuses casquettes portées par chacun, notamment le dirigeant, ce sont les fameux “rôles” (tel que définit en holacratie). Un travail difficile tant il faut expliciter l’implicite !

À la suite d’un long travail ensemble, une Présidente réalisait porter 64 “rôles” au sein de sa structure, là où la moyenne était davantage autour de 4-5 par personnes, elle s’exclama “ah je comprends pourquoi j’ai mal au dos !”. Ouvrant un autre angle mort plus effrayant pour l’entreprise : si cette personne est malade par exemple, toutes ces fonctions, dont plusieurs essentielles, sont à l’arrêt et seront oubliées ne sachant même pas qu’elles existent !

La deuxième étape, afin de consolider la première, est de doter son entreprise d’un référentiel managérial, un management constitutionnel en somme, listant les bonnes pratiques et rendant explicite ce mode de management, afin de sortir de la fameuse tradition qui fait loi, pour passer à un management de l’explicite. Ce qui permet également de clarifier la culture de l’entreprise, et ne plus dépendre du dirigeant qui doit l’insuffler constamment.

Une fois ces deux travaux engagés, alors l’on peut se demander, sur tous les rôles portés par le dirigeant, sur lesquels il n’a pas de valeur ajoutée et peuvent être transmis rapidement à d’autres ? Souvent c’est aux alentours de 50% des rôles dont on le décharge en quelques jours ainsi. Pour le reste, une réflexion s’ouvre : quels rôles à forte valeur ajoutée, le dirigeant souhaite-t-il garder, et pour lequel il a un talent ? L’objectif devient alors de se “débarrasser” des autres ne figurant pas dans cette liste, à travers du mentorat, des plans de formation, de la montée en compétences, s’étalant parfois sur plusieurs années.

 

Conclusion

Être un goulet d’étranglement n’est pas une fatalité ! L’urgence consiste à faire une “pause”, se “faire mal” à court terme, afin de mettre un pas de côté, pour évincer ces sujets qui ne peuvent pas être traités sur le coin d’une table, mais à travers une prise de recul et un travail de fond, pour sortir de ce mauvais sort. L’organisation ne s’en portera que mieux, à travers un dirigeant sans burn-out, aligné sur ses talents.


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