OPINION | La période que nous traversons nous ramène avec force à interroger la question de notre responsabilité, à la fois dans ce qui arrive et aussi dans ce qui est à faire. Cette notion de responsabilité peut paraitre vertigineuse à endosser si l’on oublie qu’elle est avant tout un marqueur de capacité. Prendre en charge notre responsabilité équivaut à reprendre en main notre capacité et être puissants en agissant dans notre sphère intégrale d’action, qu’il s’agisse d’enjeux collectifs, voire sociétaux ou de notre sphère plus privée.
Par exemple, la prise de responsabilité par les entreprises des enjeux climatiques et écologiques semble encore vue comme une contrainte et pire, une empêcheuse de tourner en rond, malgré l’intérêt des entreprises à agir comme le montrent des décennies de recherches et publications des plus sérieuses. Avec une RSE perçue de la sorte, difficile de s’engager si la responsabilité est conçue comme une contrainte (juridique, financière, sociétale), et qu’elle est fondée uniquement sur le risque client et une attente de la société et des parties prenantes. Paradoxalement, le sentiment de contrainte vient du fait qu’au début des années 2000, la responsabilité des impacts sociaux et environnementaux des entreprises a été (et reste encore pour beaucoup) déléguée à la société civile qui en porte la charge morale et financière. En parallèle de cette déresponsabilisation massive des entreprises, un phénomène d’hyper-responsabilisation des actions des citoyens a vu le jour, notamment au travers du développement des éco-gestes et du centrage des campagnes de communication nationales sur cette cible. Lorsqu’il y a délégation de responsabilité, c’est que l’entreprise (ou l’État) se considère comme non ou peu responsable. Son action sera alors non systémique, mais sporadique, en réaction à une demande externe et alors peu efficace, peu motivante et peu mobilisatrice.
Pourtant, seul celui qui délègue sa part de responsabilité se met dans l’incapacité et l’impuissance. Prendre sa responsabilité est donc une marque de maturité et de force. La raison d’être prévue dans la loi Pacte de 2019, peut apporter (si elle est sincère et bien pensée) un élément très important sur ce point : l’engagement de l’entreprise ne dépend plus de contraintes extérieures, mais d’une redéfinition de la nature même de l’activité qui se met au service de la société et de notre éco-système. Une raison d’être qui touche le cœur d’activité prend en réalité appui sur la pleine capacité de l’entreprise, ce qui lui donne beaucoup de souffle et de puissance. La responsabilité devient alors un élément à part entière pour se déployer, innover et mobiliser les équipes.
Sur un plan individuel maintenant, le réflexe de se demander régulièrement et en particulier dans les situations complexes et/ou de crise : « de quoi je suis responsable ? » et d’y répondre avec un verbe d’action (= je suis responsable de (faire) quoi concrètement dans cette situation…), permet d’ancrer sa réponse et d’affirmer son leadership à sa juste place. Oui l’exercice est difficile mais il permet de gagner en clarté et en décision et surtout d’agir en responsabilité et pleine capacité d’action, que l’on soit une entreprise ou une personne décidée à investir sa pleine responsabilité individuelle.
Nous ne sommes responsables que de ce sur quoi nous avons une capacité d’action. Bien souvent nous nous perdons dans des sphères qui ne sont pas les nôtres et c’est cela qui nous met dans l’impuissance. Bien sûr nous aimerions toujours que notre entreprise ait une organisation plus parfaite ou que le monde marche différemment ; nous sommes capables d’en discuter longtemps d’ailleurs. Mais si nous voulons contribuer à cette amélioration de la marche du monde ou de notre entreprise, la meilleure des voies est encore d’être puissant là où nous sommes placés dans le système et de faire tout simplement « notre part ». Et c’est déjà énorme !
Ecrit en collaboration avec Severine MILLET, experte de la dimension humaine du changement sur les enjeux RSE chez Nature Humaine
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