Intéressante lecture de la synthèse du baromètre de la Qualité de Vie au Travail Actineo 2023 présentée dans la revue des professionnels de l’immobilier tertiaire Office & Culture. J’en retiens quelques points clés.
D’abord, que les 1 200 actifs interrogés par le baromètre témoignent surtout de la Qualité de Vie au Travail Hybride ! En ce sens, il conviendrait de ne plus parler de QVT, mais bien de QVTH… Si, en moyenne, ils télétravaillent 2 jours par semaine, ils aspirent à une base hebdomadaire de 2,5 jours. Le baromètre rappelle opportunément que les managers restent mal préparés aujourd’hui encore au management en mode hybride.
On y retrouve cette antienne : à la maison « on peut être davantage soi-même (38%), ne plus porter de masque (le faux self) ». L’immense sociologue Erving GOFFMAN écrivait dans les années 60 ce qui suit, à propos du stress du réparateur de TV lorsqu’il intervient au domicile de ses clients : « Travailler sous les yeux de la maisonnée ». L’auteur insistait, on le sait, sur l’importance qu’il y a à « faire bonne figure » dans nos interactions avec les autres, ce qui renvoie au poids lié à ce masque social que chacun construit au bureau, et dont on se libère à la maison.
Pouvoir être soi-même au bureau, cela implique de réfléchir à cet usage que je qualifie de « cocon » : soit un lieu où je peux souffler, retirer le masque, prendre des nouvelles d’un proche, ou, tout simplement, siester… Le respect de notre besoin d’intimité demeure une clé assez peu explorée par les concepteurs d’espaces de travail.
Autre résultat intéressant : 70% des répondants plébiscitent la convivialité. C’est l’une des grandes motivations du retour au bureau, on le sait. Mais définissons ici ce mot que l’on emploie systématiquement, sans en préciser la portée – et je m’appuierai ici sur la belle définition qu’en donnait Edgar MORIN en 2011 (dans son ouvrage La voie) : « La convivialité, cette aptitude à la sympathie et au dialogue avec les partenaires de nos vies quotidiennes ».
On peut y lire également cette autre antienne : le bruit sur les open-spaces. Que diable ! Trois modalités de réponse sont aujourd’hui à notre disposition pour sculpter des espaces plus respectueux de ce point de vue : le space-planning (le zonage, qui permet notamment de réserver des espaces « Silence ») et l’aménagement (les panneaux acoustiques…), la technologie (des capteurs acoustiques qui invitent à une autorégulation quand la couleur vire du vert à l’orange, puis au rouge…), et ce qu’E. GOFFMAN, pour le citer à nouveau, nommait la « civilité » : définir des règles de vie appropriées au partage des espaces de travail.
Il est intéressant de souligner ici que l’urbaniste et architecte Kevin LYNCH (in L’image de la cité, 1969) insistait lui aussi, dans ces mêmes années 60, sur la civilité : elle figure parmi les 5 besoins fondamentaux qui font qu’un être humain se sent bien dans un espace donné.
Cela souligne, une nouvelle fois, toute l’importance de la conduite du changement à ce niveau – tant pour rassurer les collaborateurs que pour coconstruire des réponses adaptées.
Si le flex office demeure un oripeau, la flexibilité est revendiquée par les répondants : disposer de plus de liberté sur le Où et le Quand travailler. C’est le flex (home)office « à la carte » qui plait, donc ! Il y a ici une tension évidente à travailler, entre ce désir d’une part, et, d’autre part, les contraintes de l’organisation en matière d’optimisation des mètres carrés…
Enfin, on y apprend que les hôteliers sont attendus sur le sujet : 76% des répondants disent être contraints de travailler à l’hôtel, mais ils préféreraient ne pas le faire. Là encore, peut-être faudrait-il en revenir au sens que revêt le mot « hospitalité ». Dans l’ouvrage Heureux ceux qui accueillent, vivre l’hospitalité, dédié à la communauté des moines de Tibhirine, on peut lire ceci : « L’hospitalité n’est pas un thème, mais un style de vie ». Elle n’est pas (seulement) affaire de style architectural ou de mobilier, mais bien de posture, d’attitude : « Accueille les autres comme tu voudrais être toi-même accueilli ».
Si l’on combine, donc, un meilleur agencement (éclairage, ergonomie…) et cet état d’esprit hospitalier qui constitue leur ADN, il y a fort à parier que les hôteliers tireront leur épingle du jeu dans la bataille des tiers-lieux.
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