OPINION // Avec l’émergence du travail hybride présentiel/distanciel, on parle de plus en plus de « day in day out » pour signifier les temps en entreprise et les temps en dehors de cette dernière. Après une période de confinement contraignant les personnes à travailler de chez elles, il y a souvent une excitation à revenir qui, pour un certain nombre, s’accompagne d’une forme de déception.
La joie de retrouver un lieu et des personnes avec la promesse d’une communion sociale régénérante n’est pas au rendez-vous et cela crée une forme de déception. De manière consciente ou inconsciente, les salariés pensent que l’entreprise les attend et que cette dernière va leur mentionner des formes de reconnaissance et de satisfaction à les voir revenir. Un salarié témoignait ainsi « J’étais super content de revenir mais quelle déception. J’ai fait un tour des services, il y avait finalement peu de personnes présentes avec des discours ultra optimistes ou ultra pessimistes. J’ai recherché mes homologues et mon responsable sans succès pour finalement recevoir par mail un avis de réunion en distanciel. A ce moment-là je me suis dit mais pourquoi suis-je venu ? »
DAY IN : Ré-enchanter le retour ensemble
Les confinements ont conduit les entreprises à proposer des organisations hybrides avec des temps en présentiel et des temps en distanciel. Des travaux et expérimentations sur le sujet et relatés dans l’ouvrage « Travail & Organisation Hybrides » aux éditions Eska (avril 2021) montrent que de nombreuses entreprises formatent leur organisation en travail distanciel, travail présentiel, travail présentiel collectif et libre choix sur des périodes de deux semaines. Après avoir défini une telle organisation, il est important de définir une structuration des « Day in » collectifs, ces jours de travail sur site où toute l’équipe est présente. Pour beaucoup d’équipes, il s’agit d’environ 2 à 6 jours toutes les 2 semaines.
En sortie de confinement et dans le cadre de la généralisation du télétravail, les collaborateurs attendent que le retour sur site soit progressif, avec un aménagement des espaces de travail facilitant la coopération. L’attente est également forte sur la souplesse de fixation et de répartition des jours de présence sur site. Les salariés ont la perception qu’aucune tâche individuelle ne justifie le retour sur site. Par conséquent, le retour du site faire naître le défi managérial de ne pas décevoir, de réembarquer les collaborateurs et de répondre à des attentes implicites et fortes sur la qualité du « travailler ensemble au bureau »
DAY IN : les managers de proximité en première ligne
Animer le retour sur site ce n’est pas prévoir des croissants et du café à ses équipes, discuter des moments vécus lors de la crise (bien sûr c’est utile) puis d’aller s’asseoir chacun dans son coin de l’open-space avec son casque sur la tête, « comme à la maison » mais avec la fatigue des transports et le brouhaha des réunions skype dans l’open-space en plus. Le retour « ensemble » est un événement critique, comme les retrouvailles familiales, cela se prépare. La déception serait d’autant plus amère que l’ambiance économique générale est morose.
L’enjeu majeur va être le changement de posture et d’état d’esprit des managers intermédiaires. Au-delà de leur rôle traditionnel de gestion opérationnelle de l’activité, ceux-ci vont devoir, lors du retour sur site, apprendre à organiser, piloter et animer des formats performants de travaux collectifs présentiels, d’ateliers d’intelligence collective et de réunions de synchronisation et d’alignement. En pleine bascule vers le travail hybride, les managers intermédiaires vont se retrouver sur une double pression. D’une part la pression des exigences des dirigeants sur le maintien de la productivité et de la performance opérationnelle. Et d’autre part la pression des attentes des collaborateurs sur la qualité et le professionnalisme de l’organisation des travaux collectifs les jours de retour sur site.
DAY IN : Les nouveaux rituels du collectif
Comment structurer le présentiel collectif ? L’analyse de pratiques sur le sujet fait émerger quatre séquences avec des périodicités différentes. Ces quatre séquences symbolisées dans la matrice ci-dessous différencient si les pratiques sont collectives ou en petits groupes et de nature formelle ou informelle. Les séquences collectives sont à envisager de manière bi mensuelle ou mensuelle. Les séquences en petits groupes sont hebdomadaires ou bi-mensuelles. En fonction des temporalités, s’il y a un ordre, il est indiqué par les flèches sur la matrice :
- Des séquences de teambuilding pour recréer et maintenir le lien : ice-breaker, teambuilding, identification des points douloureux, alignement des motivations et des contraintes, idées de simplification et d’amélioration continue, etc.
- Des séquences de production collective: groupes de travail visant à définir les missions, réalisations et les modes de production en termes de ressources et d’organisation (qui fait quoi comment quand et avec quoi).
- Des séquences d’échanges informels: les personnes échangent librement entre elles sur leurs productions et interrogations dans une logique de solidarité de proximité.
- Des séquences d’échanges bilatéraux : temps de travail entre personnes pour coordonner leurs actions en vue d’une production donnée
En fonction des enjeux et des objectifs, ces séquences sont à ritualiser à fréquence hebdomadaire, bi-mensuelle, mensuelle ou trimestrielle. Cette ritualisation doit être un gage de transparence et de prévisibilité donné aux collaborateurs, permettant ainsi le développement de la confiance entre salariés et managers malgré le lien « physiquement distendu » du travail hybride.
DAY IN : l’importance de l’aménagement des locaux
Ces nouveaux rituels en présentiel posent la question de l’aménagement des locaux et notamment l’importance des lieux collaboratifs. Dans leur ouvrage « Pourquoi allons-nous au bureau ? » aux éditions Eyrolles (mai 2021), Michel Ciucci et Rémi Mangin mettent en avant l’ergonomie des lieux de travail et des agencements favorisant les séances collaboratives. Dans un article intitulé « Co-Lab : les laboratoires collaboratifs pour incarner le participatif » (Forbes, 3/05/2021) Kenza Cardot fait la promotion de labs dédiés à l’activité collaborative avec des ateliers types et des animateurs pour que les « day in » jouent pleinement leur rôle de réactivation du collectif.
Lors de la sortie de la crise et du retour sur site, l’expérience vécue par les salaries va être déterminante dans le re-engagement et la reprise opérationnelle. Cette expérience va dépendre de la capacité des managers à scénariser et structurer ces temps de présence sur site. Beaucoup de managers auront besoin d’être accompagnés en termes de posture à tenir et de nouvelles pratiques managériales à maîtriser. Ne passons pas à côté.
Article écrit avec Jean-Pierre le Cam, Change Master Chaire ESSEC Changement, et Directeur Expert Société Générale Consulting
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