Dans la tête d’Elon Musk : quand son enfance dicte son style de management

Considéré à la fois comme un véritable génie visionnaire et un tyran imprévisible, Elon Musk est un entrepreneur qui fascine autant qu’il divise, en particulier pour ses décisions controversées en matière de management. 

Et si on vous disait que son enfance a aujourd’hui un impact sur son mode de management ?

Une contribution de Ludivine Adla, maître de conférences HDR à l’Université Grenoble Alpes, enseignante à Grenoble IAE-INP et chercheur au laboratoire CERAG, et Virginie Roquelaure, professeur à l’Université Jean Moulin Lyon 3, enseignante à l’iaelyon school of management et chercheur au laboratoire Magellan

Pour le comprendre, prenons appui sur la théorie de l’attachement de John Bowlby, enrichie ensuite par Marie Ainsworth. Elle révèle comment les premières relations affectives développées au cours de l’enfance façonnent les interactions à l’âge adulte : celles-ci conditionnent la capacité d’un individu à réguler ses émotions, à établir des relations saines et à recourir à des comportements adaptés. L’individu aura donc tendance à développer un style d’attachement sécure ou insécure, en fonction de la capacité de ses parents à répondre à ses besoins émotionnels.

Quel est le style d’attachement de Elon Musk et comment influence-t-il son mode de management ?

Commençons par revenir sur trois faits marquants de son enfance : sa relation avec son père, le rôle de sa mère et ses interactions à l’école.

Selon ses dires, Elon Musk aurait entretenu une relation complexe et douloureuse avec son père qui l’aurait rabaissé constamment et l’aurait soumis à une forme d’humiliation psychologique. Contrairement aux figures parentales protectrices qui aident un enfant à réguler ses émotions, Errol Musk aurait contribué à renforcer chez son fils Elon un besoin d’autonomie extrême et une méfiance envers autrui.

Elon Musk décrit sa mère comme étant une personne aimante, mais très exigeante et peu démonstrative. Elle lui aurait inculqué la valeur travail en insistant sur le fait que la réussite venait avant tout du sacrifice et de la souffrance. Il aurait ainsi appris à faire taire ses émotions et à redoubler d’efforts pour atteindre ses objectifs.

Enfant très intelligent et socialement exclu, Elon Musk aurait été victime de harcèlement à l’école. Il aurait notamment été violemment battu par ses camarades avant de perdre connaissance et d’être hospitalisé. Le harcèlement et l’isolement affectif auraient renforcé son sentiment d’insécurité et sa volonté d’hyper indépendance.

Tout laisse à penser que l’histoire personnelle de Elon Musk l’a conduit à nourrir un style d’attachement insécure évitant : ce dernier semble avoir influencé son mode de management. Elon Musk aurait intériorisé un modèle où l’amour et l’attention passent par la performance : il s’imposerait ainsi une pression démesurée qui rejaillirait ensuite sur ses salariés. Cette culture de l’excellence prônée génèrerait une usure psychologique sur l’ensemble de son personnel.

Considérant que la dimension affective n’aurait pas sa place en entreprise, Elon Musk aurait tendance à s’attendre à ce que ses salariés résistent à la pression en silence. Conformément au style d’attachement insécure évitant, il exercerait un contrôle extrême, laissant peu de place à la confiance et à l’autonomie. Ce comportement dysfonctionnel aurait été à l’origine d’un turn-over important : Tesla a notamment fait face un nombre significatif de départs volontaires en particulier en 2021.

Elon Musk paraît également revêtir un style d’attachement insécure anxieux

Cet entrepreneur est motivé par un besoin constant de reconnaissance et d’admiration. Pourtant milliardaire accompli, sa soif excessive de réussite et de pouvoir le conduit à s’engager politiquement en soutenant Donald J. Trump, puis à intégrer son gouvernement. Cette décision paraît ne pas être sans conséquence sur ses entreprises : les ventes de Tesla en Europe ont notamment chuté de 41% en novembre 2024.

Sa recherche de validation, visant à alimenter son égo, le rend hypersensible aux critiques. Il n’hésite pas à attaquer violemment ses détracteurs : le dernier exemple en date est sa réponse cinglante à Xavier Niel, l’accusant de proxénétisme.

Ce style d’attachement insécure anxieux se reflète également dans son mode de management. Elon Musk a une grande capacité à inspirer ses équipes par sa vision novatrice tout en les amenant à un épuisement en raison de ses revirements soudains. A titre d’exemple, Elon Musk avait initialement annoncé souhaiter conserver une grande partie des salariés de Twitter. Très vite, il a fait marche arrière en prônant une réduction drastique des coûts qui a entraîné une réorganisation totale et de nombreux licenciements.

En outre, il défend la culture du workaholism à la lumière de sa propre addiction au travail. Il exige que certains de ses salariés effectuent des semaines de 80 heures au risque d’être licenciés en cas de non-respect. Il n’a d’ailleurs pas eu peur de procéder à des licenciements massifs chez Tesla (10% du personnel en 2024) et Space X (10% du personnel en 2019). L’un des exemples les plus marquants reste sans nul doute le licenciement impulsif de salariés de X (anciennement Twitter) dès son arrivée en 2022, qui a fait la une des journaux en raison du nombre annoncé : environ 80% de l’effectif.

À tous ceux que j’ai pu choquer, j’ai juste envie de dire : « j’ai réinventé la voiture électrique et je vais envoyer des gens sur Mars dans une fusée, vous n’imaginiez pas en plus que je serai un mec tranquille et normal ? »

Le style d’attachement insécure de Elon Musk oscille ainsi entre anxieux et évitant au vu de sa quête de validation et de son besoin de contrôle. Cette alternance est à l’origine d’un véritable chaos créatif. Si on doit à cet entrepreneur impulsif des innovations majeures, celles-ci n’ont pas été sans conséquence sur la santé mentale de ses équipes.

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