Peut-on gérer correctement une organisation ou un Etat sous la pression du court terme ?
Comment préserver une vision à long terme alors que la réactivité et l’agilité constituent le leitmotiv affiché comme les nouvelles valeurs de la réussite ? Les outils d’analyse prédictive et de ‘business intelligence’ apportent des réponses. Mais une nouvelle gouvernance s’impose.
Les décisions doivent être prises rapidement ou, du moins, le plus rapidement possible. Mais beaucoup de managers déplorent les situations d’urgence, les fameux ‘due diligence’, en cas de rapprochement entre deux sociétés. D’aucuns n’hésitent pas à évoquer la « tyrannie du court terme ». Et pourtant, le choix ne se discute guère. Sauf à remettre sur le métier les questions de gouvernance et de ‘lean management’…
La prudence des experts
Les crises récentes (l’explosion de la bulle Internet en 2002, puis la crise des sub-primes en 2008) ont incité les experts prévisionnistes à la prudence s’agissant des perspectives économiques à moyen terme et long terme. Cela ne signifie pas, pour autant, qu’ils soient certains du court terme et qu’ils ne se risquent pas à faire des hypothèses. En fait, le doute semble, plus que jamais, de rigueur. Mais douter ne signifie pas renoncer à faire des prévisions. Au contraire.
Les turbulences boursières ne sont pas pour rassurer, il est vrai. Il est très difficile de dire si la conjoncture économique peut s’améliorer significativement. Il n’empêche que les entreprises soient contraintes de faire avec. Elles doivent continuer de prévoir en se servant des indices disponibles. Au vu de la tendance actuelle, beaucoup croient à une reprise significative, relativement modeste mais progressive, même si celle-ci ne se traduit pas encore par un boom de l’emploi.
Le recours aux applications ‘Business Intelligence’ et ‘Analytics’
Les entreprises se dotent de plus en plus d’applications logicielles qui leur permettent d’envisager différents scénarios, selon le poids que l’on va donner à tels ou tels indices, corrélés à des prévisionnels de vente et à des analyses de conjoncture avec plusieurs hypothèses de croissance.
Ces dernières années ont vu fleurir toute une panoplie d’outils de business intelligence (BI). Depuis deux à trois ans, deux phénomènes intéressants se conjuguent. On voit, d’une part, apparaître une nouvelle génération de logiciels beaucoup plus conviviaux, beaucoup plus faciles à utiliser, en important /exportant des données de tableaux (Excel, typiquement). Et une bonne partie de ces logiciels devient accessibles en mode ‘SaaS‘ (software as a service), donc à partir de son navigateur web, et sans la nécessité d’acheter une licence annuelle.
D’autre part, le traitement des données en très gros volumes (liées par exemple à la grande distribution ou à des marchés grand public) bénéficie des nouvelles technologies dites ‘Big data’ capables de digérer des milliards de données -dont certaines sont ‘non-structurées’ comme par exemple des informations provenant des réseaux sociaux (tout ce qui se dit sur une marque ou sur des habitudes de consommation, etc.).
Les outils de la « prédictibilité » deviennent, eux aussi, plus accessibles (quitte à se tourner vers des prestataires ‘data-scientists’ externes). C’est probablement l’une des meilleures recettes pour résoudre les contradictions entre un pilotage à court terme et une nécessaire vision à long terme.
C’est le règne de l’informatique décisionnelle à l’usage des dirigeants d’entreprises. Elle désigne donc les moyens, les outils et les méthodes qui permettent de collecter, consolider, modéliser et restituer les données. Elle apporte une aide à la décision et donne une vue d’ensemble de l’activité de l’entreprise, et de manière graphique.
Dans ce contexte, mieux vaut ne pas négliger quelques difficultés ou obstacles possibles : certaines données peuvent ne pas être disponibles au moment voulu. Ou certaines informations, issues de différentes sources, ne sont pas cohérentes entre elles. Les informaticiens déplorent souvent la dispersion des données en « silos ».
Les organisations changent, la gouvernance aussi
Là encore, de grands progrès ont été faits ces cinq dernières années. Et pas seulement en matière de système d’information. Les organisations sont en train de changer. Les solutions collaboratives, les nouveaux cadres de la génération Y poussent à échanger les informations de façon plus efficace. Le concept d’agilité et de flexibilité se traduit par de nouveaux modes de travail. Ainsi, les développeurs et les responsables de projet adoptent la culture des ‘pizza teams‘ qui consiste à se réunir à moins d’une dizaine de personnes, en mixant les compétences (commerciales, juridiques, techniques métiers, gestion…) et en se fixant des objectifs de calendrier courts.
La gouvernance de l’entreprise est ainsi revisitée. Les managers se transforment en ‘leaders’ ou animateurs d’équipes ou ‘coordinateurs’ et définissent leurs priorités par rapport à un « commanditaire » qui représente les intérêts du client / acheteur final de la solution, du produit ou du service en cours de développement.
Les prises de décision sont raccourcies, et les processus d’élaboration des programmes fonctionnent mieux grâce des allers-retours planifiés, avec validation et tests, entre le ‘commanditaire’ et les développeurs, de manière à corriger au fur et à mesure les fonctionnalités sans attendre de les avoir terminés.
Ces équipes se retrouvent parfois à travailler par « plateaux » ou bureaux ouverts : chacun s’extrait de son espace pour se réunir autour du projet ; et certains interviennent à distance grâce à des outils collaboratifs en téléconférence.
Le même dilemme subsiste
Ainsi, force est de constater que l’échelle de temps change en même que le management et la gouvernance. Ainsi, non seulement les informations circulent plus vite mais elles apportent une meilleure visibilité sur les échéances à moyen terme – et cela dans des cycles d’amélioration continue. C’est ainsi la possibilité de mieux prévoir en s’ouvrant à de nouveaux modes d’organisation comme le ‘lean‘, pratiqué dans les ‘start-ups’. Eric Ries, l’un des gourous de cette nouvelle culture résume ainsi le changement possible : « Ce concept de ‘lean‘ ne signifie pas ‘cheap‘ (pas cher); cela signifie éliminer le gaspillage, dont celui du temps, en testant d’abord des idées ».
En résumé, cette formule d’un chercheur de l’université de Washington Bothell, Kevin L. Laverty, récapitule bien le dilemme auquel il faut s’atteler : « La vision du long terme ne peut pas être la somme de visions à court terme ».
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