Avec un taux de mortalité lié au coronavirus qui atteint 35% pour nos seniors en Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), le Ministère de la Santé a déclenché tout une série d’actions dont le « plan bleu ». Entre l’isolement des malades et la pénurie de matériel de protection, ce sont les directeurs d’Ehpad qui ont la lourde tâche d’appliquer les mesures sanitaires indispensables pour endiguer le virus qui menace près de 7 200 établissements. Décryptage avec Joachim Tavares, fondateur de Papyhappy* et ancien Directeur d’Ehpad.
Désirée de Lamarzelle : Commente la crise est-elle gérée au sein des Ehpad ?
Joachim Tavares : Je trouve que les Ehpad gèrent au mieux cette crise exceptionnelle. Ils font face à cette pandémie avec solidarité, humanité et professionnalisme. Il faut rappeler que le quotidien est dur en situation de confinement, les résidents sont moroses et anxieux, les familles demandeuses d’informations, l’ambiance générale est pesante, avec en plus le risque du manque de matériel de protection. Ils font leur travail avec dévotion et humilité. Il ne faut pas oublier que l’âge moyen des résidents est de 85 ans et que les 4/5 sont en situation de dépendance. C’est une population très fragile qui présente un risque fort face au Covid-19.
Est-ce que les mesures mises en place sont vraiment efficaces ?
Le déclenchement du plan bleu est pour moi efficace. Il a permis de protéger les résidents au sein des résidences et de retarder au maximum le risque de contagion. Peut-être aurait-il fallu le déclencher avant, tout comme le confinement général… En France il y a un peu moins de 8 000 Ehpad selon les tableaux de l’économie française INSEE 2019. La très grande majorité de ces établissements réussit à lutter efficacement et à apporter quotidiennement réconfort et aide à tous leurs résidents.
En quoi consiste concrètement l’aide de l’État aux Ehpad ?
Dans cette situation, l’État se doit d’intervenir dans les Ehpad qui sont touchés par le COVID-19, avec un apport de matériel de protection et des tests qui sont indispensables pour ces résidences en souffrance. Il est nécessaire d’avoir un soutien sanitaire. Mais malheureusement à l’heure actuelle beaucoup d’établissements sont à court de matériel de protection, sans aucune prévision de réapprovisionnement, et doivent faire appel à la solidarité locale.
Qu’en est-il exactement de la solidarité citoyenne ?
Nous la voyons dans les médias et sur le terrain. Concrètement, il n’est pas rare de voir des entreprises voisines d’un Ehpad l’aider en apportant du matériel de protection. Les familles contribuent aussi. Des gestes aussi simples comme des gâteaux apportés aux soignants, des petits mots d’encouragement, etc… Nous le constatons aussi sur notre plateforme collaborative Papyhappy.fr : de nombreuses familles déposent des avis sur les résidences pour remercier les équipes qui prennent soin de leur proche. La reconnaissance est bien là.
Comment atténuer la peur des patients et du personnel de santé au quotidien ?
Nous traversons une situation inédite, nous sommes dans l’inconnu, et l’inconnu fait toujours peur, c’est humain. Le changement d’habitudes peut aussi être source d’angoisse, surtout pour les résidents. Selon moi la seule manière d’atténuer les peurs, c’est d’expliquer les choses : qu’est-ce que le Covid-19, quelles sont ses répercussions sur notre santé et sur celle des autres ? Et expliquer ce qui est mis en place pour éviter la contamination. Il existe encore beaucoup de fausses informations et beaucoup de personnes ne connaissent encore pas les vrais gestes barrières. Le port des gants en est pour moi l’illustration. Porter des gants toute la journée, se gratter le visage avec et les retirer sans se laver les mains n’a aucun intérêt ! Il faut mettre en place les protocoles de soin et d’hygiène appropriés et s’y tenir sans tomber dans la psychose.
Comment tenir psychologiquement ?
Malheureusement en Ehpad on vit avec les décès. Vu l’âge avancé des résidents et leur fragilité, les décès ne sont pas rares, l’établissement est d’ailleurs généralement leur dernier lieu de vie. L’écoute et la formation à ces moments de vie tristes permettent aux salariés de tenir le coup et de continuer à vivre. Les équipes sont soudées et bénéficient de l’écoute de l’encadrement et d’une psychologue si besoin. La difficulté est peut-être ici le nombre élevé de décès dans un temps réduit, dans les résidences très touchées. C’est alors plus compliqué à gérer pour le personnel. Il faut aussi penser aux résidents qui seront aussi confrontés à la perte de leurs « voisins », même si le confinement dans leurs chambres ne leur permet pas d’en prendre conscience dans l’immédiat. Il est, et sera, indispensable de prévoir des espaces de parole.
C’est un secteur décrié à tort. Comme partout, il y a des bons et des mauvais. Mais la grande majorité fait un travail de grande qualité et apporte à nos aînés réconfort et bien-être.
*Papyhappy est un site d’avis de résidences pour seniors, créée en 2016 pour apporter une réponse la plus honnête et clairvoyante aux personnes âgées en quête de logement.
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