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« Comment la semaine de 4 jours a planté ma boîte » : Julien Le Corre décrypte la faillite de son entreprise après un sursaut d’initiatives managériales

Julien Le Corre témoigne sur les difficultés apportées par la semaine de 4 jours (Crédit photo : Laura Marie Cieplik)

Julien Le Corre s’est positionné comme pionnier du modèle de la semaine de quatre jours en entreprise, en pleine pandémie. Mais en recherchant à tout prix le bien-être à l’égard de ses collaborateurs, sa société a heurté un iceberg. L’entrepreneur, auteur du livre « Comment la semaine de 4 jours a planté ma boîte », nous raconte les leçons qu’il tire de son expérience. Interview.

 

Comment la semaine de 4 jours a provoqué la chute de votre entreprise ?

Julien Le Corre  : Mon entreprise a fait faillite suite à un sursaut d’initiatives managériales. Des dérégulations du travail ont contribué à déstructurer ma force de travail, dont la semaine de 4 jours, que l’on a mis en place pendant un an et demi, tout comme la mise en place du télétravail à 100% dans la foulée du Covid. La conjonction de ces initiatives a provoqué un affaiblissement de notre force de travail, conduisant à une baisse de productivité, de rentabilité, jusqu’à la fermeture de l’entreprise quelques mois plus tard.

 

Le dispositif a donc réellement eu un impact sur l’engagement et la productivité des collaborateurs ?

J. L. C. : Ce qui a péché, c’était de conjuguer la semaine de 4 jours avec le télétravail à 100%. Quand les collaborateurs travaillent depuis chez eux, répartis aux quatre coins de la France, la collaboration est affaiblie. On ne peut plus brainstormer si l’équipe est éclatée et cela affecte grandement la force de travail. Les collaborateurs n’y sont pour rien puisqu’ils se sont impliqués jusqu’au bout, mais la déstructuration de l’équipe a fait que l’on ne pouvait plus travailler aussi efficacement que lorsque l’on est cinq jours sur sept dans un bureau. 

 

Avez-vous des solutions pour favoriser le bien-être en entreprise ?

J. L. C. : La question du bien-être, c’est l’enseignement que je tire de cette expérience. Les gens ne viennent pas pour rechercher le bien-être, mais plutôt pour chercher un challenge motivant qui va les faire s’impliquer, se dépasser et progresser. Prioriser le bien-être peut convenir à mettre en place des initiatives qui sont contradictoires à ce qu’ils viennent chercher en entreprise. Au nom du bien-être et de la liberté des collaborateurs, j’ai mis en place des initiatives qui ne convenaient pas à leurs aspirations à leur arrivée dans ma boîte. En sur-priorisant le bien-être, on finit par perdre ce qui donne du sens au travail.

 

Sans baisse de salaire, le modèle peut-il tenir la route ?

J. L. C. : Je pense, oui. La semaine de 4 jours n’est pas foncièrement quelque chose de néfaste. C’est une révolution profonde des modes de travail et du rapport à celui-ci. On vient challenger un modèle d’organisation qui date du début du 20e siècle, il faut donc prendre la mesure de ce changement. Si l’on arrive à piloter ce modèle de façon rigoureuse en maintenant la productivité, on doit pouvoir l’opérer sans baisser le salaire des collaborateurs. 

 

Le dispositif de la semaine de 4 jours possède-t-il tout de même des avantages ?

J. L. C. : Bien évidemment. C’est essentiel d’avoir plus de temps libre pour soi. De plus, on avance peu à peu vers la réduction du temps de travail, mais il faut tenir en compte que des changements organisationnels et culturels importants s’imposent. Il faut donc le mettre en place de manière concertée, mesurée et rigoureuse.

 

Est-ce que le modèle est susceptible de fonctionner plus dans certains secteurs ?

J. L. C. : La semaine de 4 jours comporte d’innombrables typologies d’applications pour s’adapter au type d’activité de chaque entreprise. Dans une entreprise de services comme la mienne, il fallait maintenir la disponibilité cinq jours sur sept et faire la différence entre la semaine de quatre jours pour les collaborateurs, et la semaine de cinq jours pour les clients. Il ne faut pas créer un jour supplémentaire de fermeture de l’entreprise. C’est l’une des erreurs les plus graves qui ont été faites dans la mise en place du dispositif dans ma société. 

 

Quels conseils donneriez-vous à des entrepreneurs qui envisageraient de mettre en place la semaine de quatre jours, pour garantir sa réussite ?

J. L. C. : Nous avons mis en place ce modèle il y a cinq ans. On était pionniers en la matière, donc il n’y avait ni template, ni accompagnement. Aujourd’hui, l’idée est beaucoup plus répandue. Des acteurs, sont capables d’accompagner les entreprises dans cette expérience et il ne faut surtout faire l’économie de cet accompagnement. Il faut bien s’entourer et prendre conscience qu’il s’agit d’un bouleversement important des habitudes de travail afin de garantir sa réussite.  

 


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