Bonté, indulgence, charité, amabilité, générosité, amitié, gentillesse, mansuétude, cordialité, douceur, bienfaisance… les synonymes sont nombreux, et pourtant ce mot est de plus en plus utilisé voire galvaudé. Tout le monde en parle depuis quelques années. Les médias, les DRH, les Managers, les psychologues du travail, les coachs s’en sont emparés… Mais qu’est-ce que la bienveillance en entreprise et comment se traduit-elle pratiquement ?
Fast management vs slow management
En 1946, l’Organisation Mondiale de la Santé précisait que « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Et pourtant, le fast management a fait sa loi depuis les années 80 ; où tout devait aller vite, faire du profit à n’importe qu’elle prix. Puis il y a eu des crises économiques successives et un contexte mondial difficile qui ont finalement rebattu les cartes. Aujourd’hui, on tend vers le slow management. Néanmoins, il faut rester vigilant parce que la bienveillance se « mange » à toutes les sauces. C’est pourquoi il faut revenir à l’origine du mot.
Quoi de mieux que de s’interroger sur l’étymologie et aux racines latines de ce terme ? Cela vient de bene volens ou benignus, signifiant inoffensif ou sans gravité. Doit-on comprendre que cette vague de fond en management concourrait à quelque chose de doux, de bénin, de bon, de pacifique ? Vision un peu simpliste des choses, non ? La bienveillance, c’est une manière de manager différente. Mais la bienveillance est tout sauf de la naïveté. C’est un management de proximité beaucoup plus impliquant pour l’organisation et l’humain. Les anglophones le nomment d’ailleurs le « care » (prendre soin littéralement). Notion pertinente parce qu’elle exprime avec plus de finesse la façon dont l’entreprise doit veiller sur ses collaborateurs. L’approche est loin d’être paternaliste. Plusieurs exemples illustrent cette tendance. KPMG l’a mise en place au travers de sa charte No Stress. Elle édicte les « bons » comportements à destination des managers (respect, amabilité…). On peut aussi citer MMA qui, pour lutter contre les risques psycho-sociaux, a mis en place des consultations psychologiques gratuites et anonymes.
Le Management bienveillant : le choix d’une organisation
Derrière la notion de management bienveillant se cache une réalité, la recherche du bien-être au travail. La bienveillance prend racine dans cette notion. On s’interroge d’ailleurs sur l’exactitude du terme. Ne pourrait-on pas dans un premier temps essayer de parler de mieux-être au travail ? Alors, en effet, il apparait des mouvements comme la journée nationale de la gentillesse. Belle initiative, mais est-ce cela la bienveillance ? Dans cette même mouvance, on observe que des postes de Chief Happiness Officer émergent. Cela va si mal qu’il faille désigner une personne avec ce titre ? C’est le M. ou Mme Bonheur de la société. On s’imagine d’ailleurs un profil un peu bonhomme en charge des gâteaux, du café et du BBQ aux beaux jours, ou de l’organisation de la journée à Disneyland. La bienveillance c’est autre chose, quelque chose de plus fort, plus profond, plus ancré. En tout cas, on peut positiver l’entreprise qui essaie d’incarner au travers d’un homme ou d’une femme une réalité parfois complexe voire plus sombre. Nul doute, en tout cas, que l’impulsion reste néanmoins donnée aux Dirigeants. Choisir la bienveillance est un signal fort pour les collaborateurs. Afin de mettre en lumière ces entreprises progressistes, sont nés des sortes de labels où l’entreprise se voit récompensée d’un « Happy at Work » ou d’un « Great places to work». Gadget ou pas ? Il est évident qu’au premier abord, on pourrait imaginer que cela ressemble à de la manipulation, sauf qu’en s’approchant de plus près on comprend rapidement que les votes sont réalisés par les salariés eux-mêmes. Ils scorent le niveau de bien-être, la qualité du management, les possibilités qui leurs sont données en terme de services… On s’aperçoit d’ailleurs que ce qui est bon pour une entreprise semblent difficilement applicable pour une autre, et ce en fonction de sa taille. Dans le classement 2016 de Happy at work, les meilleurs élèves sont l’entreprise Colas (plus de 5000 salariés) suivi par BlablaCar (250 à 5000 salaries) ou encore Des Systèmes et des Hommes (moins de 250 salaries). Dans le même temps, et a-contrario, n’oublions pas que certaines structures sont maltraitantes. C’est un fait, le management de certaines organisations ressemblent plus au bagne qu’à une ballade en forêt de Fontainebleau.
Vision à long terme et culture d’entreprise : deux facteurs de réussite.
Développer ce type de management est possible sous certaines conditions. La première est l’envie et l’exemplarité du Dirigeant à ce sujet. Il doit y croire réellement et surtout le pratiquer à titre personnel. Sans l’appui inconditionnel de la Direction et de ses équipes, il sera impossible de mettre en œuvre le Management bienveillant. Il doit d’ailleurs s’inscrire dans l’ADN de l’entreprise et ce à chaque niveau, tant sur le plan stratégique que sur le plan opérationnel. Beaucoup d’entreprises ont voulu tester cette approche mais sans la vivre profondément, et les résultats, négatifs, les ont faites ainsi revenir à l’ancien modèle. Le Management bienveillant comme gadget, parce que c’est juste pour faire « beau », est un leurre. Pour que cela fonctionne, le management bienveillant doit devenir une valeur et être incarnée par l’ensemble de l’organisation. Puis, il faut se dire que sa mise en place exige de la volonté et de la persuasion. Les anciennes habitudes doivent être mises au placard pour laisser place à de nouvelles. C’est une vision sur du long terme pour que l’ancrage porte ses fruits.
Sur le terrain, le management bienveillant revêt plusieurs formes. La première est de l’ordre de la politesse : dire « bonjour » et « merci », prendre des nouvelles des enfants, s’attacher à vivre l’entreprise de la manière la plus sincère et la plus authentique possible. C’est aussi mettre en place des réunions après 9.30 et avant 17.30, des cours de méditation ou de yoga. Ou encore comme chez Deloitte, où le télétravail a été mis en place pour les collaborateurs dont la présence dans les locaux de l’entreprise n’est pas indispensable. C’est aussi créer des crèches d’entreprises ou une conciergerie dédiée aux collaborateurs, comme chez Ferrero.
Des conséquences positives…
Le patron de Schneider, M. Lachman, évoquait en 2010 que « la santé des salariés est une source incontestable d’efficacité des salariés ». L’objectif du Management bienveillant reste avant tout la productivité et in fine la rentabilité. Plus un collaborateur sera confortable dans une entreprise et plus il sera engagé. Il est un outil pour éviter l’absentéisme, les arrêts maladie, les dépressions,… qui alourdissent les bilans sociaux et donnent une mauvaise image à l’extérieur (médias, concurrents, clients, fournisseurs…). Ce management a pour objectif le bien-être au travail en donnant la possibilité à chacun de se réaliser. C’est aussi travailler la créativité de chacun pour une meilleure implication. La valeur de l’engagement est aussi importante. Un cercle vertueux se met en place : plus d’engagement pour plus de reconnaissance. Il est à rappeler ici que la partie financière d’un emploi n’est pas le seul argument de poids ni même un levier motivationnel. La réflexion ici menée par beaucoup d’entreprises est de réfléchir à la façon « beyond profit ». Le management bienveillant c’est une façon de prévenir les risques psycho-sociaux en général et le burn-out en particulier. Aujourd’hui, selon INVS (Institut de Veille Sanitaire) environ 500.000 collaborateurs seraient en détresse au travail et souffriraient sur le plan psychique, dont 30.000 seraient en burn-out. C’est pourquoi, une loi oblige aujourd’hui les entreprises a réaliser des reporting sur la RSE de l’organisation (cf. loi Grenelle II 29/06/2010 NDLR). C’est dire si le problème est sociétal, parce qu’en 2016 a été créée par l’Assemblée Nationale une mission parlementaire traitant du « syndrome d’épuisement professionnel« .
6 bonnes pratiques à l’usage du Manager bienveillant :
- Pratiquer l’écoute active et l’empathie : Un manager qui comprend et qui ressent ce qu’un collaborateur partage dans l’ici et le maintenant, incluant la dimension émotionnelle, au-delà même des faits.
- Avoir confiance et se remettre en question : La confiance est une des bases du Management bienveillant. C’est accepter l’autre dans sa différence et dans sa richesse. Et avoir l’humilité de dire que les autres sont meilleurs dans leurs périmètres de compétences. C’est aussi de dire : « je peux évoluer et changer mon point de vue ». Etre capable d’entendre un feed-back même si celui-ci ne va pas dans le « bon » sens, en tout cas dans celui souhaité !
- Responsabiliser ses équipes et les autonomiser : Chacun doit accepter de prendre des initiatives et d’assumer les conséquences de ses choix, de ses réflexions.
- Valoriser, féliciter et célébrer : C’est dire à ses pairs que le travail produit est bon, que le comportement a été à la hauteur, que les chiffres réalisés sont ceux attendus…. Oubliez le : « c’est super Alexia, mais… » Ce fameux « mais » qui vous change la portée de la phrase. Un « c’est parfait » voire même un « je suis fier de votre travail » si la situation le permet. L’objectif est d’accompagner l’autre pour qu’il devienne la meilleure version de lui-même.
- Avoir le droit à l’erreur : Pour soi et ses collaborateurs. Cela participe de la prise d’initiative. C’est en essayant, en faisant, en échouant que l’on apprend. Osez !
- Pratiquer l’élégance du discours et des gestes : Aucune obligation de tacler ou d’allumer pour être respecté. Il est aussi important d’ajouter que la qualité de la communication doit être parfaite et soigné en parlant à un tiers, sans jugement et sans reproche. Bien entendu, la gestuelle (le non-verbal représente 93% de la communication, NDLR) doit être appropriée et accompagnée le discours.
Le management bienveillant est tout sauf le « happy-happy world » sucré de niaiserie et emprunt de naïveté. Il est un outil dans l’air du temps et qui fonctionne lorsque l’on s’appuie sur le sens que l’on donne aux objectifs fixés et sur le cap à tenir. C’est une technique pertinente qui répond aux besoins actuels de la collectivité. Il doit être au service des collaborateurs pour ensuite servir l’entreprise dans son développement et sa croissance.
Alors, souhaitons-nous de voir croitre cette démarche en dehors des murs de l’entreprise, et venir accompagner notre quotidien, en commençant par l’école.
Etre bienveillant finalement, n’est-ce pas faire un simple retour sur notre humanité, nos relations et notre capacité à co-créer et à vivre ensemble ?
Hélène SCHETTING
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