Selon un sondage Gallup, 24% des salariés vireraient leurs chefs s’ils le pouvaient. Pas tant pour être calife à la place du calife, mais beaucoup plus pour échapper à celui que l’on nomme le petit chef. Cette espèce de manager est légion et fleurit un peu partout dans les entreprises y compris les plus importantes. Attention à ne pas vous laisser déstabiliser par ces tyrans qui jouent au caporal chef en chef, font le lit du stress et déclenchent des épidémies de burn-out.
Si le syndrome du petit chef est la maladie du management, d’où vient cette expression ? Du monde militaire, royaume de la discipline où le « oui chef » est de mise sans contestation. Le chef ordonne pour que l’on exécute. Si le « chef » entraîne les hommes à sa suite par son exemplarité et son courage, le petit chef utilise son statut ou son grade pour contraindre par la force, l’arbitraire et la coercition.
Le petit chef, vous en avez forcément rencontré un lors de votre passage dans l’entreprise. Attention danger, c’est un nuisible résistant qui oeuvre tous azimuts : up, down et transverse. Vous le reconnaîtrez entre mille à son caractère très particulier et à sa relation à l’autre placée sous l’égide d’une autorité dévoyée, la faute à son côté inexpérimenté ou juvénile. Les dommages collatéraux qu’il engendre n’ont rien à voir avec le harcèlement moral, même si le flicage permanent pourrait s’apparenter à cette dérive.
Voici 8 traits de caractère à épingler pour mieux les démasquer :
Le petit chef humilie avec certitude et arrogance
Il n’hésite pas à mettre sur la place publique ce qui s’est dit dans le huis clos d’une conversation. Il prend à partie et fustige ses collaborateurs en public pour mieux les rabaisser en cherchant à humilier. Il entend démontrer « de quel bois il se chauffe », sûr de son bon droit et certain d’avoir raison. Il veut montrer sa suprématie et n’hésite pas à déclencher les foudres jupitériennes à qui osera le défier ou le contester. Il ne reconnaît jamais ses erreurs, à la différence du vrai chef qui utilisera le je pour rendre compte d’une erreur. Geneen Directeur d’ ITT dans les années 60/70 avait l’habitude d’humilier ses dirigeants lors d’interminables et éprouvantes réunions.
Le petit chef use du « divide et impera »
Qui n’a pas subi le « diviser pour mieux régner » ? Stratégie politique communément utilisée, mais aussi stratégie sociale qui tend aux autres le piège mortel de l’émotionnel. Le petit chef clive et fracture, sème la discorde et le trouble, oppose pour affaiblir, créer le malaise et fait du Machiavel sans le savoir. Telle la perfide Albion il jouera une partition basée sur l’illogisme et l’irrationnel, par exemple en préférant s’entourer d’incompétents ou de débutants pour mieux briller au firmament des organigrammes. Le chef rassemblera et jouera l’équipe pour activer une synergie porteuse d’efficience.
Le petit chef se conduit comme un boutiquier
Même si vous atteignez vos objectifs et remplissez tous les critères du parfait collaborateur, ne vous attendez pas à ce qu’il vous fasse évoluer. Bien au contraire, plus vous excellerez, moins vous grimperez car il aura à cœur de vous garder à sa main, ne voulant sous aucun prétexte risquer de vous laisser filer vers d’autres horizons, ce qui le priverait de compétences capitales qu’il ne possède pas. Le vrai chef sait authentifier les talents, acter des promotions ciblées, récompenser au mérite et éventuellement créer des distinctions à l’instar de Napoléon avec la légion d’honneur pour récompenser la bravoure de ses soldats.
Le petit chef pratique la rétention d’information
La rétention d’information consiste à dissimuler une information ou son existence afin qu’une personne ou un ensemble de personnes puissent bénéficier de ses avantages intrinsèques ou liées à son utilisation (Besnier, 1989).
Considérant que le pouvoir c’est le savoir, le petit chef s’évertuera à ne rien laisser fuiter, à brouiller les pistes et à garder pour lui la vision ainsi que les informations associées. Son leitmotiv : garder le contrôle pour ne pas risquer d’être contredit, ou se donner le beau rôle dans une compétition à armes inégales. Sachant que l’école nous a appris à garder jalousement notre savoir au lieu de le partager. Le chef, lui, saura discerner ce qui est de l’ordre du secret et ce qui doit être cascadé pour permettre l’atteinte des objectifs.
Le petit chef est « control freak » et allergique à la délégation
Il préfère contrôler que manager. Il est partout, y compris là où vous ne l’attendez pas. Tatillon, pinailleur, obsédé du reporting, avec un souci compulsif et obsessionnel du détail, il passe son temps à demander des comptes et vérifie tout scrupuleusement. La peur de perdre son pouvoir, la crainte de ne pas récolter les lauriers de la victoire le pousse à vouloir tout garder à sa main et à ne jamais déléguer. A cet égard, Walt Disney était un Dingo du contrôle.
Le petit chef confond autorité et autoritarisme
Il joue au mâle alpha, en impose et utilise sa carrure pour impressionner. Il a la main sur tout, pousse des gueulantes et fait son cirque. Le petit chef verrouille, donne des coups de menton, impose son autorité tel un monarque, exerce son emprise sur ses équipes en ne supportant aucune contradiction. Pour se conforter dans sa toute puissance et asseoir une autorité juvénile et flageolante, il n’hésite pas à dire « Je suis votre chef ». Il se rêve Jupitérien et se la joue apprenti dictateur en costume d’opérette alternant tyrannie et gratifications. Le chef, le vrai, utilisera son autorité naturelle, son autorité de compétence ou son charisme pour fédérer ses équipes sans contraindre ni piocher dans une batterie d’artifices et de symboles.
Le petit chef chérit le pourquoi au détriment du comment
Ce qui compte le plus pour le petit chef : trouver un coupable. Il n’entend pas se remettre en question et n’endosse jamais la responsabilité de ses propres actions, préférant faire porter le chapeau à ses troupes. Il est plus intéressé au pourquoi qu’au comment. La dynamique du pourquoi à deux effets négatifs : d’une part elle crée des échanges stériles qui tournent en rond et transforme l’investigateur en persécuteur, d’autre part elle engendre un climat délétère de défausse et de dénonciation : « c’est pas moi, c’est lui ». Les vrais chefs s’interrogeront plus sur le comment faire pour sortir de l’impasse et solliciteront leurs équipes pour trouver des solutions. Le comment ouvre sur des horizons nouveaux et est un sésame pour la créativité.
Le petit chef n’a aucun humour
Le petit chef persuadé de détenir la vérité a de la difficulté à manier l’humour et le second degré. L’auto dérision est l’apanage des personnes qui ont un certain recul sur elles-mêmes et le petit chef en est dépourvu, car il prend tout au pied de la lettre. Sa susceptibilité légendaire voire sa maladie de la persécution, trahit chez lui un manque d’estime de soi. Ainsi la moindre allusion est vécue comme une impertinence. Le chef maniera l’humour avec diplomatie et jamais au détriment des autres.
Ainsi l’autorité naturelle n’est pas donnée à tous. Elle se manifeste sans déploiement de force, émane d’interactions entre les individus servies par l’intelligence émotionnelle. Elle participe de l’inconscient et s’exerce sans réflexion ni préméditation tout en s’incarnant dans une présence ferme et bienveillante faite d’un mix d’attitudes et d’aptitudes. Robert Dahl, politologue américain, nous dit dans « Qui gouverne ? » qu’un individu exerce un pouvoir sur un autre individu, quand il obtient de ce dernier des comportements, des actions, voire des conceptions que celui-ci n’aurait pas eu sans son intervention.
Manager ou gouverner c’est s’inscrire dans une relation à soi et aux autres confiante, authentique et cohérente mue par un engagement, un investissement et une écoute sans faille, au service des objectifs à réaliser.
Attention ! Le petit chef peut en cacher un autre : le psychopathe, et Robert Hare, expert mondial en psychopathie et Paul Babiak, psychologue nous annoncent que 4% des managers seraient des psychopathes.
Mais ceci est une autre histoire !
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