Fin du feuilleton sur le prélèvement à la source. Véritables cliffhangers, les derniers épisodes nous ont tenus en haleine pendant la première moitié de septembre, mais c’est officiel : la réforme est bel et bien programmée pour 2019. Si la retenue à la source est relativement bien perçue par les particuliers (66% des contribuables imposables favorables à la réforme selon les derniers sondages de l’Ifop), les entreprises, elles, sont plus sceptiques. Et pas forcément prêtes à assumer leur futur rôle de collecteur. Voici 5 choses à savoir pour bien gérer le prélèvement à la source dans votre entreprise.
Jusqu’à présent, les contribuables redevables de l’impôt sur le revenu étaient en relation directe (ou presque) avec l’administration fiscale. Avec son système tripartite, le prélèvement à la source ajoute un nouvel acteur à la série impôt sur le revenu : l’employeur. C’est désormais lui qui jouera le rôle, très ingrat, de percepteur des impôts pour son personnel. Un statut que les représentants des employeurs, des plus grands groupes aux plus petites sociétés, n’ont eu de cesse de rejeter, et ce depuis les prémices du projet. Outre le coût et la complexité du projet, c’est avant tout une opposition de principe. Déjà boucs émissaires tout désignés dans la vie professionnelle des salariés, les chefs d’entreprises n’ont pas non plus envie de se retrouver mêlés à leur situation fiscale.
Mais le temps n’est plus aux doléances : bon gré mais surtout mal gré, les chefs d’entreprises doivent prendre leurs dispositions afin que le « big bang » fiscal qui les attend ne fasse pas trop de dégâts. Les comptables, éditeurs de logiciels de paie et DRH des grandes sociétés, rodés à ce type d’exercice, sont depuis longtemps au front. Pour les entrepreneurs et dirigeants de petites structures, qui n’ont qu’une connaissance très partielle de la réforme et de ses enjeux, le défi est tout autre.
1 – Amener la chose en douceur en incluant dès maintenant le taux de prélèvement aux bulletins de salaire
Le gouvernement craignait un « choc psychologique » des contribuables en découvrant leurs nouvelles fiches de paie de janvier. Un choc d’autant plus dur à encaisser que la transition sera rude : d’un mois sur l’autre, les salariés perdront plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines d’euros. Pour les y préparer, le gouvernement propose une solution aux chefs d’entreprises : des bulletins de salaire incluant dès maintenant le taux de prélèvement. Si le prélèvement à la source doit être opérationnel au 1er janvier 2019, vous pouvez d’ores et déjà permettre à vos salariés de visualiser leur bulletin de salaire intégrant le calcul prévisionnel de la retenue qui sera opérée dès le mois d’octobre. Un moyen de faire passer la pilule plus en douceur et de permettre au salarié de s’habituer à voir son salaire amputé de l’impôt mensuel sur le revenu.
En parlant de bulletin de salaire, si vous êtes employeur, sachez que désormais ils devront comporter cinq mentions supplémentaires :
- le revenu net de cotisations sociales avant PAS,
- le taux du PAS,
- la nature du taux du PAS (neutre, individualisée, personnalisée)
- le montant du PAS effectué
- le montant du revenu net à verser après PAS.
2 – La Déclaration Sociale Nominative (DSN), sésame du PAS pour les entreprises
Déjà en place dans de nombreuses sociétés, la Déclaration Sociale Nominative sera obligatoire dès 2019. C’est par elle que l’administration fiscale transmettra aux entreprises le taux applicable à chaque salarié. Les données de la DSN sont déjà transmises à la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP), afin notamment de renseigner les déclarations de revenus préremplies. À compter de 2019, la DGFiP recevra également les données relatives au prélèvement à la source. Les entreprises qui utilisent la DSN reçoivent déjà des informations de la part des opérateurs de la DSN via un « flux retour ». Ce flux retour sera utilisé par la DGFiP pour transmettre, pour chaque salarié déclaré, le taux de prélèvement à la source qui devra être appliqué le mois suivant.
Ce flux sera mis à disposition dans un délai de cinq jours après le dépôt de la DSN. Il est important de respecter les délais établis par l’administration pour le reversement de l’impôt. Délais qui varient en fonction de la taille de l’entreprise :
- Plus de 50 salariés : date limite de dépôt de DSN le 5 mois, versement possible jusqu’au 8 du mois.
- Moins de 50 salariés : date limite de dépôt de DSN le 15 mois, versement possible jusqu’au 18 du mois.
- Moins de 11 salariés : reversement au plus tard trois mois après le recouvrement (pour un mois M, on peut reverser jusqu’à M+3)
Non imposable, la rémunération des stagiaires et apprentis ne sera donc pas soumise au prélèvement à la source, tant qu’elle ne dépasse pas le SMIC (1 498 euros brut mensuels en 2018). Les chefs d’entreprise qui emploient des stagiaires et des apprentis devront renseigner leur rémunération via une rubrique spécifique de la DSN, indiquant la « rémunération nette fiscale potentielle ».
3 – Taux neutre, le taux qui en cache un autre
Le taux « non personnalisé », plus couramment appelé « taux neutre » offre aux contribuables la possibilité de ne pas communiquer à leur employeur les revenus qu’ils perçoivent en parallèle de leurs salaires. Ainsi, si un de vos salariés touche des revenus fonciers, des plus-values, des revenus issus d’une création d’entreprise par exemple, opter pour le taux lui garantira la confidentialité de sa situation fiscale. Votre employé est alors imposé au même taux qu’un célibataire salarié sans enfants. Une solution intéressante, mais qui implique de procéder soi-même tous les mois au réajustement de son impôt en cas de reste à payer au fisc. Ou d’attendre le remboursement en cas de trop-perçu.
Votre entreprise recrute ? Pour toute nouvelle recrue, c’est le taux neutre qui s’applique pour les fiches de paie, sauf si l’administration a pris soin de vous communiquer le taux personnalisé. Ce dernier est d’ailleurs récupérable grâce à une une procédure simplifiée et une application spécifique : Topaze.
Sur accord de l’administration fiscale, vos employés peuvent demander la modification du type de taux de prélèvement à la source choisi. En aucun cas, vous, en tant qu’employeur, n’avez à modifier ce taux, même sur demande expresse de l’employé. Ce dernier doit s’adresser à l’administration fiscale, seule entité avec laquelle il doit communiquer.
4 – Le cas des arrêts maladie
Le prélèvement à la source ne se cantonne pas à la question des salaires : les indemnités journalières sont également concernées, qu’il s’agisse des indemnités journalières de Sécurité sociale de base ou complémentaires (prévoyance). En cas de subrogation, c’est à l’employeur de réaliser le prélèvement. Là où les choses se corsent, c’est qu’afin d’éviter le double décompte sur la déclaration de revenus préremplie de l’année suivante, le montant des indemnités journalières de Sécurité Sociale subrogées versé ne devra pas figurer dans la rémunération nette fiscale.
En clair, en cas de versement d’indemnités journalières pour les salariés en arrêt-maladie, le prélèvement à la source va s’appliquer uniquement durant les deux premiers mois de l’arrêt-maladie. Soit 60 jours à compter du début de l’arrêt de travail. Le collecteur devra renseigner un bloc versement avec la RNF à zéro et préciser le taux, le type de taux et le montant du PAS de manière nominale.
5 – Erreur de calcul, gare aux sanctions
Si l’erreur est humaine, en fiscalité, elle n’est pas gratuite. Si, lors du calcul du prélèvement ou du reversement de celui-ci à l’administration fiscale, les entreprises commettent des erreurs, elles devront en assumer pleinement la responsabilité, comme elles le font aujourd’hui pour les cotisations sociales salariales précomptées pour le compte de leurs salariés.
Des erreurs de calcul qui peuvent coûter gros :
- 5% de l’assiette du prélèvement en cas d’omission ou d’inexactitude,
- 10% pour versement en retard, avec un montant de minimum de 250 €,
Conséquemment, il est plus que jamais conseillé de mettre à jour ses logiciels de paie, si ce n’est pas déjà fait, et de se rapprocher de son service comptable.
C’est donc un véritable big-bang fiscal qui attend les particuliers comme les entreprises. Un changement d’ampleur auquel il faudra faire face avec des bases solides et une stratégie de communication optimale. Transparence, rigueur et diplomatie sont les maîtres mots pour se préparer au passage au prélèvement à la source dès janvier prochain.
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