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Augmenter le pouvoir d’achat sans pour autant augmenter les salaires : entre urgence et contraintes, le casse-tête des DRH

Augmenter le pouvoir d’achat sans pour autant augmenter les salaires :   entre urgence et contraintes, le casse-tête des DRH. 

 

Avec une inflation attendue à plus de 7% en septembre, le pouvoir d’achat en France pourrait connaître en 2022 sa deuxième plus forte baisse en 30 ans, et ce malgré les mesures de « bouclier » mises en place. 

Face aux revendications salariales et à l’heure de « la grande démission », beaucoup d’entreprises ont dû avoir recours à des augmentations de salaires générales significatives (3% ,4%, voire plus), notamment sur les salaires les moins élevés. Mais les augmentations salariales accordées lors des négociations en décembre ou en janvier sont déjà largement entamées par l’accélération de la hausse des prix alimentaires et de l’énergie.

Sollicitées par les organisations syndicales et par le gouvernement pour redonner rapidement du pouvoir d’achat aux salariés, les entreprises, notamment les PME qui sont souvent fragilisées car elles aussi exposées aux augmentations de coûts, et démunies face aux demandes d’augmentation de salaires qu’elles ne sont pas en mesure d’accorder, s’efforcent de mobiliser les diverses aides défiscalisées et exonérées de charges.

La loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat qui sera présentée en juillet devrait reconduire et augmenter les possibilités offertes par les dispositifs existants, avec pour mesures phares l’augmentation de la prime Macron et des primes transport ainsi que l’assouplissement des règles liées aux accords d’intéressement.

 

Tour d’horizon des principales possibilités défiscalisées et exonérées de charges…. 

La PEPA (prime exceptionnelle de pouvoir d’achat dite prime Macron) vient en tête des dispositifs même si elle reste finalement jusqu’à maintenant peu utilisée. En dépit de sa simplicité (prime défiscalisée et exonérée de charges sociales dans la limite de 1000€, portée à 2000€ pour les entreprises de moins de 50 salariés et celles qui ont un accord d’intéressement), moins de 20% des salariés français en ont bénéficié en 2021, pour un montant moyen de 506€. Plusieurs freins sont avancés pour expliquer ce manque d’attractivité : un montant égal pour tous les salariés, un paiement sur une période de temps limitée et en un seul versement, parfois incompatible avec les trésoreries des PME. En voie de pérennisation, avec un montant exonéré multiplié par trois, et des modalités qui pourraient être assouplies, elle constituera une des mesures importantes de la future loi sur le pouvoir d’achat. 

 

Les primes et indemnités coup de pouce au quotidien et hors salaires se multiplient, notamment pour prendre en charge une partie des surcoûts de transport dus à l’augmentation des prix des carburants : 

  • Prime de transport véhicule personnel :   son montant exonéré peut aller jusqu’à 200€ par an (la loi Pouvoir d’achat devrait doubler ce montant), porté à 400€ par an pour un véhicule électrique ou hybride rechargeable.  Les entreprises dont les salariés sont confrontés à des déplacements sur de longues distances n’hésitent plus à prendre appui sur ce dispositif pour proposer des primes supérieures, quitte à garantir un montant de prime net de charges et d’impôts.  
  • Forfait Mobilité Durable (mis en place en 2020) qui permet la prise en charge forfaitaire, totale ou partielle, par l’employeur des frais de trajet des salariés qui se rendent au travail par des moyens de transport considérés comme écologiques :  vélo, covoiturage, deux roues électriques … La prise en charge de ces frais de transport personnel est exonérée d’impôt et de charges sociales dans la limite de 500€ par an. La loi Pouvoir d’achat devrait porter le montant de l’exonération à 700€. 

Plus classiquement, nombre d’employeurs augmentent la valeur de leur participation au ticket restaurant, souvent en choisissant de la porter au maximum autorisé dans les limites d’exonérations fiscales et de charges sociales admises par l’Administration. Dans le cadre de la crise sanitaire, le montant maximum des titres restaurant avait été relevé à 38€ par jour.  A partir du 1er juillet, le montant maximum revient à 19€ par jour (soit 9,48€ par titre, avec prise en charge employeur de 5,69€). 

Les idées se multiplient : chèque vacances, chèque carburant … . Signe des temps : les sociétés spécialisées dans la gestion des avantages sociaux se multiplient aussi. 

Ces dispositifs permettent de parer au plus pressé. Ils n’éluderont pas un débat de fond sur un partage des profits plus favorable qu’actuellement aux salariés, via notamment les accords d’intéressement. Ces accords continuent à représenter une source de revenus non fiscalisés et non assujettis aux charges sociales  intéressante, en cohérence avec les possibilités de l’entreprise.

Les  limites d’exonération (souvent méconnues) ouvrent un large champ, pour rappel :

  • Le total des primes d’intéressement versées à l’ensemble des salariés bénéficiaires  peut aller jusqu’à 20 % du total des salaires bruts versés
  • La somme perçue par un salarié par an, au titre de l’intéressement, peut aller jusqu’à 30 852€.

La future loi sur le pouvoir d’achat prévoit des assouplissements pour favoriser le recours à ces accords :

  • Serait désormais ouverte la possibilité de mettre en place un accord d’intéressement par décision unilatérale pour les entreprises qui ne sont pas couvertes par un accord d’intéressement de branche agréé, d’une part, dans les entreprises employant de 11 à moins de 50 salariés, dépourvues d’instances représentatives du personnel et d’autre part, dans les entreprises employant de 11 à moins de 50 salariés pourvues de telles instances, en cas d’échec de la négociation d’un accord d’intéressement. En outre le renouvellement du dispositif arrivé à échéance par décision unilatérale serait désormais également permis. 
  • Par ailleurs, le texte prévoit l’allongement de la durée des accords d’intéressement de trois à cinq ans, quelle que soit la taille de l’entreprise.

 

Mais ne nous y trompons pas : pour les organisations syndicales, la défense du pouvoir d’achat passe surtout par des augmentations salariales. 

La CFDT met ainsi la hausse des salaires au cœur des réponses pour lutter contre les effets de l’inflation. Son programme s’appuie sur une négociation au sein des branches pour revaloriser les salaires en dessous du SMIC et pour mettre en place des aides (prime Macron, mobilité ..) mieux ciblées sur les salariés les plus fragiles.  

Pour FO, « les rustines » se multiplient (indemnité inflation, ristourne sur les carburants…), et sont toujours bonnes à prendre, mais la réponse pérenne et durable se trouve dans des augmentations de salaire » : coup de pouce au SMIC, point d’indice dans la fonction publique et revalorisation des pensions de retraite …

Pour l’UNSA des revalorisations pérennes de revenus et des aides ciblées s’imposent pour garantir un reste à vivre décent ; pour la CGT, il faut augmenter le SMIC à 2000€ bruts, revaloriser les salaires au dessus de l’inflation, et revenir vers une échelle mobile des salaires…

Enfin pour la CFTC, plusieurs messages : tout salarié doit pouvoir vivre dignement de son salaire, la rémunération négociée au sein de l’entreprise doit résulter d’un partage équitable de la valeur ajoutée et l’État doit garantir non seulement que le Smic soit appliqué partout, mais que ce salaire minimum permette de vivre dignement.

Les prochaines NAO, que ce soit la suite de 2022 ou celles de 2023 risquent d’être difficiles …

 

Daniele  Boré, associée , Oneida Associés
Loïc Mahé, ancien DRH (Thales, Sanofi), Senior Advisor Oneida  Associés 

 

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