A la tête de The Vendôm Company, un réseau spécialisé dans le luxe, qui accompagne les talents et les grandes maisons en matière de recrutement, Laëtitia Girard est au cœur des enjeux agitant cet univers très codifié. La crise sanitaire a notamment rebattu les cartes en faveur des candidats. Eclairage.
La filière luxe fait-elle encore rêver les candidats français ?
Laëtitia Girard : Il est vrai que certains secteurs, comme l’hôtellerie ou la restauration, gardent une réputation de métiers très exigeants, sur le plan personnel notamment. Aujourd’hui, les managers sont de plus en plus conscients que, pour attirer les talents, il convient de leur présenter leur entreprise comme « une maison » où ils pourront évoluer, grandir. Le luxe attire toujours les candidats français, car c’est également un secteur qui offre des possibilités de mobilité à l’international. Les jeunes générations sont très en recherche d’expériences immersives, et veulent s’enrichir à travers des découvertes multiculturelles.
Un certain nombre de palaces et de belles griffes font part d’une crise des vocations depuis le début de la pandémie. Qu’observez-vous ?
L.G : Les candidats n’ont pas déserté la filière. Preuve en est, le succès des écoles de management du luxe. L’appétence pour ce secteur demeure, toutefois les managers doivent œuvrer à faire évoluer leur vision de l’accueil des jeunes collaborateurs. L’équilibre vie professionnelle / vie privée est un sujet que la pandémie a mis au centre des discussions pour la génération montante.
Dans ce milieu où l’excellence est la règle, quels sont les prérequis et soft skills pour faire carrière ?
L.G : La personnalité avant tout ! L’attitude, le savoir-être peuvent faire toute la différence lors d’un recrutement. Dans l’univers du luxe, les employeurs sont très sensibles aussi à la motivation au même titre qu’à l’ouverture d’esprit, la discrétion et l’humanité de la personne. Il faut aimer faire plaisir.
Comment procédez-vous à la sélection des candidats ?
L.G : Nous commençons par une chasse ciblée en fonction du cahier des charges du client. Nous avons plus de 20 000 personnes qualifiées dans notre base de données, nous souhaitons toucher au plus juste. Ensuite, nous sélectionnons les profils en adéquation, discutons de l’opportunité. Objectif : établir si le défi peut apporter une vraie dynamique dans la carrière du postulant. Le client doit être satisfait et le candidat doit être, lui aussi, satisfait de son nouveau choix et des perspectives professionnelles possibles. Bien sûr, le contrôle de références reste de vigueur.
Aujourd’hui, qui a vraiment le pouvoir : les candidats ou les marques de luxe ? Dans la Tech, par exemple, nous pouvons constater le phénomène de toute-puissance des développeurs occasionnant une surenchère des sociétés…
L.G : Cela dépend des zones géographiques et de la manière dont le Covid a rebattu les cartes. Le Royaume-Uni, par exemple, en sus du Brexit, connaît une forte pénurie dans l’hôtellerie et la restauration, mais aussi dans d’autres secteurs. Cette double situation a exacerbé les départs parmi les salariés qualifiés, ou encore, a conduit à des reconversions professionnelles. A la lumière de ces bouleversements, les candidats profitent d’une forte demande ce qui fait basculer le rapport de force en leur faveur. En règle général, il y a aussi des écoles très recherchées par les employeurs ce qui confèrent une position plus confortable aux heureux élus. Crise ou pas crise, c’est immuable. Dans ce monde d’après, l’attitude, l’intégrité et la bienveillance seront des valeurs très recherchées dans le tandem employeur / collaborateur. Soulignons aussi la notion de « désirabilité » intrinsèque à l’envie de rejoindre une marque de luxe. Le candidat connaît la culture, maîtrise les codes et se sent en phase avec les valeurs.
Au final, notre plus grande satisfaction – et donc, notre plus grand succès – dans le recrutement est de voir un client ravi d’intégrer une nouvelle recrue et un talent qui se projette avec joie dans sa nouvelle « maison ».
Pour aller plus loin :
L’hôtellerie-restauration sous tension, les chiffres d’un phénomène :
- Près d’un million de personnes travaillaient dans le secteur de l’hôtellerie-restauration en février 2021, contre 1,3 million un an auparavant
- La Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) fait état d’une baisse de 237 000 salariés dans son dernier rapport paru fin septembre 2021
- Entre février 2020 et février 2021, mois de référence fixé par l’étude, quelque 213 000 personnes sont entrées sur le marché. Auparavant, le secteur enregistrait une dynamique de 400 000 nouveaux entrants annuels entre 2019 et 2020 et entre 2018 et 2019.
- La DARES parle d’un cap franchi dans l’accroissement des difficultés de recrutement à partir de l’été 2021, période charnière où l’activité aurait dû être stimulée en vue d’un « redémarrage ».
www.thevendomcompany.com
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