Une contribution de Caroline Diard TBS Education et Nicolas Dufour, CNAM Lirsa
Les accidents du travail représentent un coût financier et humain pour les entreprises. Il appartient à l’employeur (et au manager par délégation) de déployer les moyens nécessaires à la prévention et la formation des collaborateurs.
Alors que 564 189 accidents du travail étaient recensés en 2022, une campagne de prévention a été mise en œuvre par le ministère du Travail et de l’Emploi entre le 12 octobre et jusqu’au 27 novembre 2024, https://bit.ly/3B0yFJA
L’enjeu est immense car une obligation générale de sécurité à l’égard de ses salariés s’impose à l’employeur (articles L4121-1 et L4121-2 du Code du travail). Ce n’est cependant pas le code du travail mais le code de la sécurité sociale qui définit un accident du travail en son article L 411-1 : « Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail »
Plusieurs critères sont nécessaires pour constituer un accident du travail :
- L’accident doit comporter un caractère soudain.
- L’existence d’une lésion corporelle interne ou externe, visible ou non.
- L’imputabilité
Le texte suggère que le salarié soit présent sur son lieu de travail et que l’accident survienne pendant son temps de travail. La notion de lieu de travail et de temps de travail sont donc essentielles. La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. (article L. 3121-1 du Code du travail).
Trois conditions doivent donc être réunies pour que l’on puisse parler de travail effectif (Seul peut être qualifié de temps de travail effectif le travail effectué à la demande implicite ou explicite de l’employeur) :
- Le salarié est à la disposition de l’employeur.
- Il se conforme à ses directives.
- Il ne peut pas vaquer librement à des occupations personnelles.
Le lieu de travail est évoqué dans l’ Article R4211-2 on entend par lieux de travail les lieux destinés à recevoir des postes de travail, situés ou non dans les bâtiments de l’établissement, ainsi que tout autre endroit compris dans l’aire de l’établissement auquel le travailleur a accès dans le cadre de son travail.
Il est également défini par l’INSEE comme la zone géographique où une personne exerce son activité professionnelle
Quand il s’agira d’évaluer le caractère professionnel de l’accident, ce dernier devra s’être produit aux horaires de travail du salarié, eux-mêmes définis par l’employeur et sur le lieu de travail qui figure au contrat de travail…
Le sujet au cœur du PLFSS 2025
Les données de sinistralité de l’assurance maladie concernant les risques professionnels bien qu’indiquant une baisse après la crise sanitaire (-6,7% par rapport à 2021) restent élevées (564 189 accidents du travail). (source Assurance Maladie, 2022). Pour financer le risque accident du travail, l’employeur cotise chaque mois (cotisation d’accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP)) à un taux qui est défini par la CARSAT (Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail). Ce taux varie en fonction de l’activité, la taille de l’établissement et la fréquence et gravité des sinistres.
Dans ce contexte qui questionne, le 15 novembre dernier le Sénat a poursuivi l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2025 un groupe de sénateurs a présenté un amendement. Ce dernier reprend les données d’Eurostat commentées et analysées dans notre ouvrage à l’appui de cette proposition : « La France est le seul pays où le nombre de décès liés aux accidents du travail a augmenté entre 2009 et 2017, passant de 2,17 à 2,64 décès pour 100 000 travailleurs, soit une hausse de 22 % en huit ans. »
Il s’agissait dans l’amendement d’étudier la situation des donneurs d’ordre vis-à-vis de leurs sous-traitants et prévoyait :
- Des cotisations supplémentaires à la Sécurité sociale pour les donneurs d’ordre si leurs sous-traitants dépassent un certain taux d’accidents, fixé par décret ;
- De réduire le recours à des sous-traitants à risques, soit encourager de meilleures pratiques pour protéger les salariés.
L’idée était donc de sanctionner financièrement les mauvais élèves de la prévention et de la sécurité au travail.
Cet amendement a malheureusement été rejeté.
S’il était question de prendre en compte la situation critique des sous-traitants, intérimaires notamment dans le domaine du nettoyage et de la santé, l’amendement aura eu le mérite d’alerter sur une tendance de ces derniers à s’exonérer de leur responsabilité en matière d’accidents du travail.
Pousser la réflexion plus loin pour analyser le cas des télétravailleurs ?
Les sénateurs pourraient peut-être dans le cadre d’une réflexion élargie sur la sinistralité, dans un avenir proche se saisir de la situation des télétravailleurs.
En effet, pour ces derniers, le lieu de travail correspond au lieu défini au sens large d’exercice de l’activité professionnelle. Le télétravail devient ainsi la source de nombreux risques révélés notamment pendant la période de confinement.
Ainsi par exemple si l’employeur n’a pas connaissance du lieu d’exercice du travail ou si le salarié est en congés sans en avoir informé l’employeur, la prise en compte d’un éventuel accident du travail et de fait son indemnisation sera difficile. En effet, malgré la présomption d’imputabilité en situation de télétravail, plusieurs arrêts récents interpellent. Ainsi, Dans un jugement du 9 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a tranché en défaveur de la requérante qui s’était blessée avec son fer à repasser.
De même dans 2 arrêts des 4 mai et 15 juin 2023, les cours d’appel de Saint-Denis de la Réunion et d’Amiens se sont prononcées sur l’application de la présomption du caractère professionnel de l’accident qui s’est déroulé alors que le salarié était en télétravail.
Il est rappelé ici que l’accident est considéré comme professionnel uniquement s’il intervient sur le temps de travail…
Les accidents du travail concernent les employeurs qui engagent leur responsabilité civile ET pénale et qui doivent garantir les conditions de travail des salariés. En cas d’accident c’est la double peine : sanction civile et/ou pénale ; augmentation des cotisations.
Ils sont donc fortement pénalisés en cas de hausse de la sinistralité. L’aspect financier est donc sous-jacent dans la volonté du législateur. Augmenter les cotisations pourrait être un outil très dissuasif puisque les seules compagnes d’incitation ou de prévention ne suffisent plus !
La multiplication des situations organisationnelles plurielles et variées (recours à la sous-traitance, contrats précaires, travail hybride) accroit les risques et invite donc à une vigilance managériale et devrait également idéalement à l’avenir s’inviter à nouveau dans les débats parlementaires.
À lire également : Le bitcoin franchit pour la première fois le seuil des 100 000 dollars
Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook
Newsletter quotidienne Forbes
Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.
Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits