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3 Cas D’École Pour Décrypter l’E-Reputation Des Entreprises

©Getty Images

« Il faut 20 ans pour construire sa réputation et cinq minutes pour la détruire. », célèbre maxime de Warren Buffet qui trouve quotidiennement écho dans l’actualité. La réputation, ou plutôt l’e-reputation, est un actif intangible mais ô combien stratégique pour l’entreprise, l’individu. Sur cet état de fait, Havas Paris et le cabinet d’avocats August Debouzy  s’associent en vue d’éclairer les sociétés et leurs dirigeants sur les ressorts réputationnels d’aujourd’hui. Une récente étude IFOP révèle ainsi que 47 % des Français ont déjà renoncé à acheter un produit ou un service d’une marque suite à une atteinte à sa réputation. Un chiffre qui monte à 59 % chez les 18/24 ans. Forbes aborde la question à travers la représentation de la figure dirigeante : ou quand l’entreprise souffre des tribulations de son état major. Mathieu Bonnefond, directeur associé chez Havas Paris, prend le temps d’analyser trois « cas d’école » – hautement médiatisés : l’affaire Carlos Ghosn, les polémiques Dolce & Gabbana et Nocibé. Décryptage.

I. Cas d’école – L’affaire « Carlos Ghosn » : l’ex-patron tout puissant de l’alliance Renault-Nissan, désormais en liberté surveillée, après trois mois d’incarcération au Japon pour des soupçons de malversations, a mis sous le feu des projecteurs l’un des fleurons hexagonaux qui s’est retrouvé mondialement exposé.

Comment analysez-vous la gestion de crise de Renault et l’impact réputationnel de la société à moyen-terme ?

Mathieu Bonnefond : La puissance de la marque Renault et la notoriété de son emblématique ex-PDG auxquelles s’est associée une arrestation spectaculaire orchestrée par les autorités japonaises confèrent à cette crise une ampleur exceptionnelle. Partant du principe que le silence est une option à éviter absolument, l’enjeu principal pour une entreprise confrontée à une telle situation reste celui du temps de réaction.  S’il est important de ne pas céder à la pression médiatique pour éviter les erreurs, à plus fortes raisons dans un contexte judiciaire, l’objectif reste celui de circonscrire le dommage réputationnel le plus rapidement possible et d’adresser les inquiétudes des principales parties prenantes de l’entreprise : l’interne et les investisseurs en premier lieu.

S’il est trop tôt pour avoir du recul sur cette affaire, l’impact réputationnel à moyen et à long terme pour Renault devrait pourtant rester limité. Les projecteurs sont aujourd’hui braqués sur Carlos Ghosn et l’organisation de sa défense et sa démission ont permis de scinder son destin de celui de l’entreprise. Il n’en reste pas moins que Renault est loin d’avoir tourné la page de cette affaire. En effet, les crises judiciaires ont cette particularité qu’elles s’étalent dans le temps et se prêtent au feuilletonnage médiatique.

II. Cas d’école – L’affaire « Dolce & Gabbana » : Stefano Gabbana et Domenico Dolce, fondateurs de l’iconique griffe italienne ont déclenché un tollé suite à la diffusion sur Internet de vidéos promotionnelles tournant en dérision une jeune mannequin chinoise essayant de manger de la nourriture italienne avec des baguettes. Considérés comme « sexistes et racistes » par les internautes et par des personnalités médiatiques chinoises, ces spots ont précipité le tandem italien dans la tourmente.

…Ou quand l’atteinte à la réputation de l’entreprise vient aussi d’une maladresse interne au plus haut niveau… Quels enseignements dans une situation de cette nature ? Quel impact réputationnel à moyen terme ?

Il est vrai qu’au-delà de la maladresse manifeste de cette campagne, la révélation de messages privés de Stefano Gabbana dans lesquels il critiquait la Chine et les Chinois n’ont pas arrangé les choses. Ce cas de figure est révélateur d’une tendance de fond en matière de crise numérique. En effet, comme le révèle l’étude annuelle ‘Sapere Vedere’ en collaboration avec ‘Visibrain’, la grande majorité des « bad buzz » (76 %) proviennent des départements communication ou marketing de l’entreprise.

Dans la majorité de ces cas de figure, les entreprises seront davantage jugées sur leur manière de gérer la crise que sur la crise en elle-même. De la réactivité, de la transparence et des excuses suffiront à endiguer la majorité de ces « bad buzz ». En revanche, il faut éviter de tomber dans l’écueil de la dictature des réseaux sociaux. Le récent cas Dove en est un bon exemple. L’enseigne a retiré à la hâte une campagne publicitaire sous la pression d’accusations de racisme infondées, basées sur un photomontage.

« La grande majorité des « bad buzz » (76 %) proviennent des départements communication ou marketing de l’entreprise. », Mathieu Bonnefond

III. Cas d’école – Tout récemment, c’est l’enseigne de cosmétique Nocibé qui s’est trouvée fragilisée sur les réseaux sociaux. Le directeur marketing de l’entreprise a tenu sur Twitter des propos racistes et islamophobes d’une grande violence à l’égard de l’humoriste et ancien chroniqueur de la chaîne LCI,Yassine Belattar. Le compte du cadre dirigeant a immédiatement été signalé sur le réseau, au même titre que Nocibé a été assaillie de commentaires sur sa politique de recrutement.

Que vous inspire ce dernier exemple ? Quel impact ?

Dans cet exemple, ce sont évidemment des propos et des comportements qui sont intolérables. Ce sentiment d’absence de règles encadrant l’expression sur les réseaux sociaux est d’ailleurs l’un des principaux enseignements de notre étude. En effet, pour 1 Français sur 3 la liberté d’expression y est sans limite. À l’échelle de Twitter, cela représente plus de 3 millions d’utilisateurs. Transposé au monde de l’entreprise, ce constat implique un nécessaire besoin de formation de tous les collaborateurs à l’utilisation des réseaux sociaux. Certaines entreprises se contentent encore aujourd’hui de faire signer aux salariés des chartes de bonnes pratiques. C’est évidemment très insuffisant et c’est également méconnaître le potentiel d’un engagement digital des collaborateurs. N’oublions pas qu’ils sont les premiers ambassadeurs de l’entreprise.

Quant aux comportements répréhensibles, ils doivent évidemment être condamnés par l’entreprise dont les conséquences sont, en revanche, à gérer hors de l’arène publique et digitale. L’exemplarité, oui, la vindicte populaire 2.0, non.

Quelles sont vos préconisations à l’adresse des entreprises pour préserver leur image de marque ?

Nous avons pour habitude de dire qu’une bataille à moitié préparée est une bataille à moitié gagnée. L’anticipation reste la règle d’or dans notre métier. Si cela semble évident, c’est un réflexe que de nombreuses entreprises ont encore du mal à intégrer. Quelle que soit la source, une entreprise doit être en mesure de ne manquer aucune information susceptible d’altérer sa réputation. Une surveillance quantitative et qualitative des conversations autour de la marque est un prérequis essentiel. Pour celles qui sont très puissantes sur les réseaux sociaux, il est également stratégique d’entretenir un réseau d’alliés qui pourront, le cas échéant, être autant de relais à la crédibilité et à l’influence précieuses souvent supérieures à celles de l’entreprise elle-même.

Ce que nous observons également, c’est une transversalité des enjeux au sein de l’entreprise. Il est indispensable que tous les métiers soient représentés au sein de la cellule de crise (du Directeur financier au Directeur de la communication en passant par le Directeur juridique) et que son fonctionnement ait été éprouvé par de la mise en situation.

Enfin, il est également primordial de ne pas oublier de communiquer en interne pour rassurer sur la continuité de la gouvernance, délivrer les bons messages et pour éviter toute prise de parole non maîtrisée. Il n’est effectivement pas rare qu’en cas de crise, les journalistes ne passent pas par le canal officiel de communication de l’entreprise.

Quelle stratégie adopter selon les niveaux d’atteinte ?

Les niveaux d’atteinte sont très variables. Les cas les plus graves retenus par l’opinion sont sans conteste ceux qui concernent la santé ou l’intégrité physique des individus. S’il y a autant de stratégies possibles que de cas de figure, il y existe quelques principes incontournables qui permettent de gagner un temps précieux, tels que :

  • Un mapping des sujets sensibles et la préparation des process et des outils de communication idoines propres à chaque public et à chaque canal (une approche spécifique sur les réseaux sociaux est fortement recommandée).
  • Du monitoring et du fact-cheking. Avant toute chose, il est essentiel de pouvoir détecter et circonscrire la circulation éventuelle de fausses informations.
  • L’identification et la préparation du ou des porte-parole. C’est un choix qui a une grande importance. Par exemple, l’intervention du dirigeant ou du président, si elle n’est pas justifiée, donne immédiatement une dimension grave à la situation. À l’inverse, dans les cas les plus graves, l’absence ou l’intervention tardive du top management donne l’impression d’un manque d’empathie et d’une inconséquence dans la gestion des événements.

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